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Blog à part

Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Jim Alcheik, le barbouze du Dojo

Publié par Desmoulins sur 25 Avril 2017, 11:49am

Catégories : #Outsider

L'histoire de Jim Alcheik a longtemps été ignorée, à la fois de ses contemporains et des historiens. Cette histoire se confondant avec de sinistres faits. Ce n'est pourtant qu'une courte partie de sa vie qui s'est mêlée à l'horreur de la Guerre d'Algérie. Une horreur qu'on a préféré taire longtemps et dont on a dû mal à parler en France encore aujourd'hui. Le maquis, la torture, les harkis, l'OAS, les barbouzes etc... Et par cette envie d'oubli et d'omerta, sa vie de gros bras a entraîné une mise au ban de sa carrière sportive, un châtiment somme toute logique eu égard aux horreurs commises lors de cette guerre mais qui prouve l'incapacité à regarder en face c'est toute son œuvre pour le karaté qui est tombé dans l'oubli à part pour quelques aficionados et des ex disciples reconnaissants. Jim avait deux idéaux, le judo et le gaullisme.

 

Jim Alcheik (Xgonin.Ch)

Jim Alcheik (Xgonin.Ch)

Né en Algérie en juin 1931, on sait peu de choses de son enfance. On sait que sa famille part vivre en Tunisie puis elle se rend à Paris alors qu'il est encore adolescent. Là il commence la pratique du judo et des arts martiaux au Dojo Alhambra de Raymond Sasia dès 1950. Devenu ceinture noire 3ème Dan de judo, il commence très jeune à enseigner le judo à Tunis. Après son service militaire et après avoir créé plusieurs Dojos à Tunis, Sousse et Sfax entre 53 et 55, il est invité par le Maître Minoru Mochizuki au Yoseikan de Shizuoka au Japon. Mochizuki est un grand maître, il a été un des élèves de Jigoro Kano (un des fondateurs du Judo), de Morihei Ueshiba (fondateur de l’Aikido) et de Gichin Funakoshi (fondateur du Karaté Shotokan). 
Il y reste 3 ans, de 1955 au début de l'année 1958. Il pratique le Judo, l'Aikido-Jiujutsu de Mochizuki, le Karaté, le Iai et le Kendo. Il écrit même pour des revues francophones d'arts martiaux depuis le Japon en tant que correspondant. 
En 1956, Mochizuki et Alcheik font paraître tous les deux un livre intitulé ( «Ma Méthode d'Aikido Tai-jutsu» ) qui devient en France «Aikido Yoseikan».
Dés son retour en France il créé la Fédération Française d'Aikido et de Kendo, avec l'aide de son oncle. Sa motivation et son désir de diffuser la philosophie de Mochisuki le poussent à multiplier les rencontres, galas et séminaires. Tel un forcené il décuple des trésors d'énergie pour ses arts martiaux.
Il crée le Yoseikan Européen dont le siège est au n°62 de l'avenue Parmentier à Paris 11ème où il installe aussi son dojo pour y dispenser ses cours. En 1960, un de ses élèves Van Nam devient champion de France de Kendo.
Il diffuse et popularise également le karaté et le kendo dont il organisa les premiers championnats de France à la salle Wagram en 1958. 

 

(credits photos: http://tai-jitsu-maubeuge.wifeo.com)

(credits photos: http://tai-jitsu-maubeuge.wifeo.com)

OAS vs Barbouzes

Il est encore difficile de savoir comment Jim s'est retrouvé barbouze gaulliste en Algérie pour mener des actions d'intimidations de terrorisme et de tortures.  Ces convictions gaullistes seules ne peuvent pas tout expliquer. Ce que l'on sait c'est qu'il était en contact avec Maître Lemarchand, un avocat proche du pouvoir, ancien résistant et instigateur avec Lucien Bitterlin d'une organisation au sein du «Mouvement Pour la Coopération», chargé de lutter violemment contre les pro Algérie française et notamment l'OAS et ses commandos Deltas.
En Algérie règne une totale anarchie depuis le putsch des généraux à Alger en avril 1961. L'Organisation Armée Secrète, sème la terreur par des attentats, assassinats politiques et appel à l'insurrection des algériens européens.
En octobre 1961, Pierre Lemarchand, Roger Frey le ministre de l'Intérieur et Alexandre Sanguinetti adjoint au cabinet, mettent en place les modalités d'une force de frappe de 200 à 300 hommes en Algérie.
Reste à engager les troupes. Le profil recherché ne laisse guère de place aux objecteurs de conscience. Il faut du nerveux et dans ces cas là on se tourne toujours vers le Milieu, pourvoyeur de mèches courtes et autres fines gâchettes. Le milieu marseillais, corse, lyonnais et parisien fournissent le gros des troupes, rajouter des membres du SAC (Service Action Civique, service de sécurité gaulliste), quelques éléments militaires et policiers et vous vous retrouvez avec une belle brochette de tueurs sans foi ni loi.  
Au milieu de ces profils, celui de Jim Alcheik détonne. Il n'est ni un tueur ou un malfrat, ni un militant politique pur jus et encore moins un policier. 
C'est Pierre Lemarchand qui s'occupe personnellement de son recrutement. Lui a-t-il promis de l'argent en quantité ? De la reconnaissance pour lui et son sport ? Ce sont les théories avancées par les amis et disciples de Jim. Car celui-ci a en effet besoin d'argent pour payer ses déplacements (pour promouvoir sa fédération la FFATK : Fédération Française Aïkido Taïjitsu Kendo) et surtout pour terminer le deuxième tome de son livre sur la méthode Aïkido-Jiujitsu.
Jim Alcheik accepte la mission, signant ainsi un pacte avec le diable. 

(copyright https://www.counter-currents.com)

(copyright https://www.counter-currents.com)

Le barbouze, une vie sanguinaire.

Il devient l'un des chefs du «Commando Tallion», prend le pseudo de «LASSUS» et arrive à Alger en novembre 1961 et avec lui, 8 de ses meilleurs élèves judokas dont 4 vietnamiens. Les premiers attentats barbouzes sont commis dans la foulée de leur arrivée. Dès le 2 décembre le journal France-Soir annonce que les barbouzes sont à Alger pour semer la terreur. (le terme barbouze trouve ici son origine même si l'OAS l'utilisait déjà). 
Mais si Alcheik, d’origine turque, peut passer inaperçu au milieu des algériens, il en est différemment des vietnamiens. Dés lors l'OAS s'évertue à tirer sur chaque asiatique croisé dans les rues et à les faire suivre pour trouver la cache des barbouzes. Le groupe Tallion se réfugie dans des villas…qui se font sauter 2 fois sans dommage. La lutte est intense, aux mitraillages barbouzes répondent des assassinats de l'OAS qui auront pour réponse des attentats contre leur lieu de réunion (des cafés principalement). Tous les coups sont permis même la torture. Un des adjoints de Jim, s'appelle Roger Bui-Thé, est désigné par tous comme le plus sanguinaire des bourreaux. 
Le 13 décembre, un homme est arrêté et les hommes d'Alcheik sont chargés de son «interrogatoire», celui-ci donne deux noms qui à leur tour subissent la «question», mais pas ou peu d'infos. Ils sont libérés et parlent de leur torture à l'OAS qui réplique par une attaque de la villa des barbouzes qui fait de nombreux blessés (on parle même de 14 morts). 
Le lendemain un membre de l'OAS, le Capitaine Massenet est retrouvé mort près de la villa, tué par un homme d'Alcheik ou par Alcheik lui-même, là encore difficile de savoir. Lemarchand fait déménager ses hommes dans une autre villa et fait un rapport en plus haut lieu pour faire part de son mécontentement sur l'efficacité des barbouzes.

Un colis à la villa

Le 27 janvier 1962, un homme dénommé Henri Vinent est arrêté et torturé dans la cave de la villa. Plus tard son témoignage viendra étayer la thèse de la participation active d'Alcheik aux interrogatoires et à l'usage de la torture par ses hommes.
Toute cette violence ne fait pas oublier à Jim l'essentiel, finir l'édition du deuxième tome de son livre. Le 29 janvier 1962, des déménageurs apportent un énorme colis à la villa des barbouzes. La taille et le poids du colis n'étonnent personne, car depuis plusieurs semaines, on attend la livraison de matériel de composition et d'impression qui permettront d'imprimer des tracts et autre affiches de propagande. Jim espère aussi l'utiliser pour son livre. Impatients, les barbouzes ouvrent le colis avant l'arrivée des Douanes, Jim se saisit d'un pied de biche et commence à écarter les planches, le paquet explose. Une énorme explosion, laissant apparaître selon les témoins un énorme champignon de fumée. Plus de 180 kg de différents explosifs viennent de faire leur office en faisant sauter entièrement la villa Andrea d'El-Biar tuant Jim et 17 de ses hommes et libérant miraculeusement 3 membres de l'OAS torturés dans la villa qui ont réchappé à l'attentat (dont Henri Vinent). On ne sait pas vraiment ce qu'il est advenu de la dépouille mortelle de Jim ni même s'il y en a une. Une sépulture existe malgré tout au cimetière de Pantin.
Les versions divergent sur le commanditaire de l'attaque. Car s'il semble évident que ceci est une action de l'OAS, d'autres pensent que le service secret français, la SDECE, serait derrière tout ça. En effet, l'action des barbouzes est mal vu car trop voyante justement, notamment sa filiation avec le FLN. 
Jim Alcheik est mort à 31 ans en étant l'européen le plus titré dans les arts martiaux japonais. Mais il est mort en barbouze et ces gens là, l'Histoire ne retient pas leur nom.

 


Remerciement à M. Claude Falourd pour son aide.

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