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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Le jeu d'espions et de tueurs de l'Iran

Publié par Desmoulins sur 10 Février 2020, 16:56pm

Catégories : #Actualités, #Géopolitique, #Mocro Maffia, #crime organisé, #Iran

Le 8 janvier 2019, les ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur néerlandais ont fait une déclaration alarmante à l'encontre de l'Iran qu'ils soupçonnent d'avoir commandité deux meurtres sur le sol batave aux cours des dernières années. Celui d'Ahmad Nissi en 2017 et celui d'un autre ressortissant iranien à Almere en 2015. L'UE a d'ailleurs demandé officiellement des sanctions à l'encontre de l'Iran et son ministre du Renseignement et de la Sécurité. Toutefois il avait bien été précisé à l'époque que les enquêtes n'avaient à l'époque pas trouvé encore de trace d'implication de l'Iran. Une déclaration fruit toutefois d'un long cheminement des autorités bataves et d'une décision réfléchie de dénoncer ces actes sur son sol.
L'assassinat de ce qui s'avérait être à priori une erreur sur la personne sur un citoyen iranien à Almere le 15 décembre 2015 s'est révélé être une histoire bien plus alambiquée. 

"Ali Motamed" (AD.nl)

"Ali Motamed" (AD.nl)

Ali Motamed, un électricien de 56 ans n'avait aucun casier judiciaire et pourtant il est tombé sous les balles de 2 tueurs devant chez lui un soir d'automne. La police n'avait aucune idée du mobile et l'enquête va mettre plusieurs mois à trouver une piste, celle d'une BMW bleue aperçue plusieurs fois à partir du 11 décembre. Or c'est une BMW bleue qui a été retrouvé incendiée quelques minutes après l'assassinat d'Ali Motamed. Une voiture volée deux mois plus tôt à Utrecht avec des plaques d'immatriculation vierges dérobées elles aussi dans un commerce de Nieuwegein. Cet indice va pousser à envisager une équipe venue d'Utrecht pour le contrat. Un appel à témoins est lancé et plusieurs personnes vont décrire 2 hommes comme passagers de la BMW. La police tente ensuite de retracer les portables qui vont s'avérer être des BlackBerry cryptés. 
A force de creuser, les enquêteurs trouvent des similitudes dans le meurtre de Motamed et l'assassinat du criminel Lucas Boom et la tentative sur Peter  R., un autre trafiquant et pour causes, les auteurs sont les mêmes. 

Ali Motamed, un alias

Tous membres du Green Gang, un groupe de tueurs à gages antillais natifs d'Amsterdam. En août 2018 l'affaire prend un essor considérable quand il s'avère qu'Ali Motamed s'appelait en réalité  Mohammad Reza Kohali Samadi. Kolahi était recherché en Iran pour sa participation à un attentat le 28 juin 1981 qui a vu la mort de 73 hauts responsables du gouvernement dont le juge en chef Mohammad Beheshti (numéro 2 du régime) à Téhéran. 
L'autre révélation de taille est que ce contrat aurait été confié par des officiels iraniens à un caïd de la mocro maffia (des réseaux criminels de trafiquants marocains implantés en Belgique et aux Pays-Bas) Naoufel "Noffel" (Ventre) Fassih. Ce dernier se serait ensuite chargé d'engager les tueurs. Grâce au décryptage des téléphones, un dénommé «grosse tête» est identifié comme étant Fassih communiquait avec un des membres du Green Gang, Randall D., qui va confier le contrat à deux de ses proches.
En avril 2019 les assassins présumés de Motamed, Moreo M., 36 ans et Anouar A., 29 ans sont condamnés à 25 et 20 ans de prison. Naoufal Fassih est lui condamné à la prison à vie en juillet 2019 (voir mes articles sur la mocro maffia.

Naoufal Fassih (Irish Times)

Naoufal Fassih (Irish Times)

Ahmad Nissi, 52 ans, a lui été abattu à La Haye vers 17h00 le 8 novembre 2017 par un homme seul qui s'enfuit dans une BMW (encore).
Il vivait en Hollande depuis 2006. En 1999, il devient le fondateur et le leader du Mouvement de Lutte Arabe pour la Libération d’al-Ahwaz (ASMLA), une province du Khuzestan, riche en pétrole, au sud-ouest de l'Iran. Cette organisation est clairement dans le viseur des autorités iraniennes. Les autorités danoises vont aussi accuser l'Iran d'avoir planifié le meurtre d'un autre membre de l'ASMLA en septembre 2018.

Des militants menacés

En octobre 2019, il est annoncé que 3 ressortissants iraniens vivant aux Pays-Bas bénéficieront d'une protection policière en raison des menaces pesant sur leurs vies. Un journaliste irako-suédois qui aurait pris des photos de la maison d'un militant dans la région de La Haye, est arrêté en Suède début 2019 pour "activités illégales de renseignement. Le militant, Isa Savari est connu comme un des dirigeants d'Alahwaz TV, une TV dissidente iranienne qui émet depuis un local près de La Haye. Savari connaissait ce journaliste arrêté. "Il est venu en tant que journaliste pour Euro-Times", explique Savari. "Il était à l'ouverture de notre chaîne de télévision début 2017" raconte-t-il au média Vpro.nl. 
Ce journaliste, qui s'était présenté au groupe comme un opposant lui aussi, est démasqué après la découverte sur son twitter d'une photo de lui avec Qais al-Khazali: le chef de la tristement célèbre milice irakienne Asaib Ahl al-Haq, qui est étroitement liée à la brigade iranienne Al-Qods en Irak. Savari et ses associés font part de leurs soupçons aux autorités danoises car le Danemark est le pays où se trouve leur siège social. Quelques mois plus tard il est arrêté en Suède.
Ces actions de l'Iran contre les militants se déroulent dans le contexte de tensions persistantes au Khuzestan. Ces derniers se sont intensifiés ces dernières années en raison du conflit régional avec l'Arabie saoudite. Alors que l'Iran nie toute implication dans des attaques en Europe, le pays accuse les Pays-Bas, le Danemark et la Grande-Bretagne d'abriter des "organisations terroristes" telles que l'ASMLA. (Vpro.nl) Un groupe affilié à l'ASMLA, Ahwaz National Resistance, a pris la responsabilité de l'attaque de septembre 2018 contre un défilé militaire iranien qui a tué 25 personnes. 

Crainte d'un rapprochement

Il semble que les officiels iraniens craignent un rapprochement entre les indépendantistes de la région avec les saoudiens et que ces assassinats seraient destinés à mettre la pression.
Si ces liens supposés entre l'ASMLA et les saoudiens sont peu documentés, il y a quelques jours, 3 membres de l'organisation ont été interpellés au Danemark pour avoir "mené des activités d'espionnage pour le compte d'un service de renseignement saoudien de 2012 à 2018". 
les suspects avaient collecté des informations sur certaines personnes et entreprises au Danemark et transmis ces informations à l'Arabie saoudite.
Un quatrième suspect - un membre du personnel des services de renseignement iraniens - serait toujours en fuite et que des opérations étaient en cours au Danemark et aux Pays-Bas pour son arrestation. Ce dernier aurait notamment été impliqué dans un complot d'assassinat. Voilà bien un caillou de plus dans le lac des certitudes des gardiens de la révolution.

Ahmed Nissi (Nos)

Ahmed Nissi (Nos)

Autre pays où il ne fait pas bon vivre quand on est un opposant au régime iranien, la Turquie.
C'est à Istanbul, qu'un ancien agent des services de renseignement iranien a été abattu le 14 novembre 2019. 
Massoud Mevlevi avait fait défection et rejoint l'opposition iranienne le journaliste iranien Behnam Gholipour, qui vit à l'étranger, a déclaré que Mevlevi avait mis en place un groupe de hackers cherchant à mettre au jour la corruption en Iran et qu'il l'avait contacté dans le passé et et lui a offert ses services pour rassembler des documents sur un ancien responsable des gardes de la révolution iraniens, qu'il a qualifié de "mafia économique". La police turque a mené 5 arrestations en lien avec l'assassinat. 
Il n'est pas le premier iranien tué sur le sol turc, en avril 2017 Saeed Karimian le propriétaire de GEM TV , une chaîne en langue Farsi basé à Dubaï en avril 2017 est abattu avec un de ses collègues koweïtien par une collaboratrice proche qui s'est avérée être un agent des gardiens de la révolution iraniens. Karimian faisait partie des opposants au régime et visiblement sa chaîne télé irritait particulièrement les dirigeants iraniens. Karimian faisait partie d'un groupe de citoyens iraniens condamnés à des peine de prison par contumace par le gouvernement iranien au début 2017 pour espionnage présumé. Une annonce parue dans le journal officiel de la magistrature iranienne en janvier 2017 avait allégué que Karimian avait répandu de la propagande contre l'Etat et violé la sécurité nationale. Une accusation suffisante pour se faire tuer.

Par le passé déjà plusieurs opposants où des ex proches du Shah d'Iran avait été visé dans des attaques mais cela avait été le fait d'agents iraniens. La plupart des cas relevés ici ont vu l'implication de criminels locaux ce qui est beaucoup plus inédit. 

Saeed Karimian (Alg24)

Saeed Karimian (Alg24)

Les ramifications de l'influence iranienne et de ses agents provocateurs mène jusqu'en Argentine.
Le procureur Alberto Nisman est tué par deux tueurs à gages le 18 janvier 2015. La mise en scène avait fait penser à un suicide ce qui a été démenti en juin 2018. 10 ans avant sa mort, Nisman avait été chargé d’enquêter sur l'attentat de 1994 contre un bâtiment regroupant des institutions juives et qui fait 85 morts et 300 blessés à Buenos Aires. L’attentat n’a jamais été revendiqué ni élucidé. Israël accuse Téhéran d’en être le commanditaire. En 2017, Mme Kirchner l'ex présidente de la République a été mise en examen pour entrave à l’enquête au profit de l’Iran, sur la base des accusations du procureur Nisman. 
L'assassinat du procureur jette un trouble monumental dans les relations entre l'Iran et l'Argentine. D'autres factions ont pu souhaiter aussi la mort de Nisman dont l'enquête avait soulevé un vaste réseau d'influence jusqu'au plus haut de l’État. Des élites déjà bien secoués par d'autres révélations sur certains membres du gouvernement impliqué dans un trafic international de fentanyl et à 3 meurtres d'entrepreneurs du milieu pharmaceutique. 

L'Iran protégerait des criminels néerlandais

En octobre 2019 le journal néerlandais «De Telegraaf», publie une info sur le fait que les services iraniens protégeraient des criminels néerlandais qui les aident à commettre des assassinats politiques aux Pays-Bas. De Telegraaf affirme notamment qu'un trafiquant d'Utrecht recherché par la DEA se cacherait actuellement en Iran et qu'une tentative d'assassinat contre 1 opposant iranien avait été envisagée. C'est ce qui aurait poussé les Pays-Bas a expulsé deux diplomates iraniens du pays l'été dernier. Le trafiquant d'Utrecht dont in parle est Ridouan T., qui a été récemment arrêté à Dubaï et extradé dans la foulée aux Pays-Bas.

Alberto Nisman (France 24)

Alberto Nisman (France 24)

On connaît les luttes d'influence entre chiites et les sunnites au Moyen-Orient avec en fond les ambitions iraniennes de développer son programme nucléaire et les enjeux dépassent le simple cadre régional et va bien au delà d'assassinats ciblés d'opposants. 
En août dernier le ministre vénézuélien de l'Industrie et ex Premier ministre Tarek El Aissami a été placé sur une liste de fugitifs recherchés par les autorités américaines car soupçonné de trafic de drogue. 
Dans cette affaire a été révélé le fait qu'El Aissami avait procuré des passeports vénézuéliens à des membres du Hezbollah en lien avec un réseau de trafic de drogue entre 2008 et 2012 lorsqu'il était ministre de la Justice et l'Intérieur On estime qu'au moins 173 personnes originaires de Syrie, du Liban, de Jordanie, d'Irak et d'Iran ont été enregistrées en tant que citoyens vénézuéliens au cours de cette période. Parmi les personnalités qui ont bénéficié de ces passeports, on trouve le bras droit d'Hassan Nasrala Adul Ghani Suleima Waked. Kamal Fayad. Membre de «Al Monitor», un organe de propagande chiite en faveur de l'Iran. Makram Abdoul Khalek familier d'un membre du PSP, le Parti socialiste progressiste libanais. Mais aussi Abbas Husein Harb et Kassem Mohamad Saleh liés au trafic de drogue et au blanchiment d’argent international en lien avec les trafiquants colombiens et bien d'autres. On oublie souvent le rôle des réseaux libanais dont certains liés au Hezbollah dans le blanchiment à grande échelle du trafic de cocaïne sud-américain depuis 30 ans. 

Gonen Segev une vie d'espion ?

En juin 2018, en Israël cette fois, c'est un ancien ministre qui est inculpé pour espionnage au profit de l’Iran selon une révélation du Shin Bet (service de sécurité intérieure).
Gonen Segev, 62 ans aurait été recruté par les services de renseignement de Téhéran lorsqu’il résidait au Nigeria. Anciennement condamné pour trafic de drogue, il a été accusé d’être un agent actif au profit des services de renseignement de l’Iran.
«Cette inculpation peut aussi revêtir un caractère préventif dans l’affrontement entre les deux Etats» souligne le journal Le Monde. Elle serait alors un avertissement, lancé à ceux qu’une telle trajectoire tenterait.
Arrêté en Guinée-Equatoriale, l’ancien député aurait fait fuité des informations à l’Iran au sujet du secteur de l’énergie, «de sites sensibles pour la sécurité d’Israël et identifié certains cadres de l’appareil d’État. Pour monter des dossiers de valeur, alors qu’il n’avait plus aucune fonction officielle, il aurait cultivé des relations parmi les hauts fonctionnaires et le milieu économique, en tentant de leur présenter des agents iraniens se faisant passer pour des hommes d’affaires». (Le Monde) En 2012, alors au Nigeria, il établit un contact avec des fonctionnaires iraniens, aurait effectué deux séjours en Iran, dans des conditions non divulguées, rencontrant ses officiers traitants dans différents hôtels et appartements dans le monde. 

La tension n'a pas diminué depuis avec l'assassinat du commandant en chef de la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution Qassem Soleimani par un drone américain en Irak et le crash du Boeing 737 d’Ukraine International Airlines abattu par erreur par un missile iranien. 
Une stratégie d'escalade avec laquelle l'Iran aime jouer mais qui est toutefois peu dans son intérêt. Ces démonstrations de force et ses attaques sont le résultat d'une situation politique singulière et une volonté sans faille et un mythe, celui du croissant chiite de l'Iran au Liban. La situation géopolitique de l'Iran est parfois comparé à celle d'une goutte d'eau dans l'océan, une goutte chiite dans un océan sunnite.

 

Sources : De Telegraaf, Le Monde, Wall Street Journal, Infobae, Timeturk

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