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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Zamparini contre vents et marées......et Cosa Nostra

Publié par Desmoulins sur 2 Février 2022, 18:29pm

Catégories : #Mafia, #Italie, #Sicile, #Cosa Nostra, #foot, #Sport, #Outsider

Maurizio le Magnifique (l'Equipe)

Maurizio le Magnifique (l'Equipe)

La ville de Palerme, la capitale de la Sicile, a toujours eu des liens très ancrés avec la mafia et est considéré comme le berceau et le centre névralgique de Cosa Nostra, la mafia locale. Je n'informe personne. Et ce même si l'avènement des Corléonais dans les années 70 éclipsera quelque peu les mafieux de Palerme, ceux-ci restent les maîtres officieux de la ville. Ville qui aura beaucoup souffert des vicissitudes de l'activité mafieuse avec en point d'orgue le fameux «Sac de Palerme» qui entre 1951 et 1961 transformera/détruira une bonne partie de la cité aux milles jardins avec la bénédiction du maire inféodé mafieux de l'époque Salvatore Lima (qui sera assassiné en 1992). La société civile, économique, politique palermitaine a hélas bien souvent eu l'obligation de plier sous le joug de la mafia et a même aussi joué un rôle allié objectif des desseins peu avouables de ces criminels. Et le foot ne dérogerait pas à la règle ?

Renzo Barbera (Wallfoot.be)

Renzo Barbera (Wallfoot.be)

En septembre 2008, l'explosif Maurizio Zamparini le Président de l'Unione Sportiva Città di Palermo, le club phare sicilien, souligne que son club est «complètement propre de toute association avec la mafia», et il se vante que ces organisations criminelles ne peuvent pas toucher le Rosanero depuis qu'il est sous son contrôle. 
Grande gueule Zamparini ? Mais non voyons ! Un homme en dehors des clous mafieux surtout et n'en déplaise à ses détracteurs, c'est une vraie force.
Maurizio n'a pas grandi sur les bords de la Mediterranée, n'a pas fréquenté le théâtre Massimo Vittorio Emmanuele, fait ses courses sur le marché de Ballaro ou encore fait de ballade au Parco della Favorita. Non, Zamparini est un frioulan et les propos qu'il tient en ce mois de septembre valent pour lui parole d'évangile. Lui qui n'a pas vécu ce que le quidam palermitain vit depuis des décennies, à entendre de creuses paroles des élites politiques et économiques qui juraient à tout rompre qu'ils n'avaient rien à voir avec la mafia avant de tomber dans les mailles du filet d'un appareil judiciaire renforcé et incarné par une génération de magistrats courageux.
Ces déclarations arrivent après qu'une enquête ait été menée selon laquelle l'Unione Sportiva Palermo avait des liens avec une organisation mafieuse qui tentait de mettre la main sur les affaires liées au projet de nouveau stade, notamment la construction d'un centre commercial aux alentours.
«Moi et tous mes collaborateurs nous avons toujours fonctionné en toute transparence», a déclaré Zamparini à Mediagol.it.
«Je suis heureux que cette enquête des magistrats révèle clairement que le Palerme Football Club est propre et est géré par les bonnes personnes».

Zamparini face aux détracteurs (foot mercato)

Zamparini face aux détracteurs (foot mercato)

La génèse des suspicions

Il faut dire que le passif du calcio local ne plaide pas en la faveur d'une chasteté mafieuse comme le clame Maurizio. Cette enquête de septembre 2008 a mis en lumière les liens de Giuseppe Pecoraro ancien dirigeant du club avec le clan Lo Piccolo via l'avocat Marcello Trapani qui bossait pour le boss Salvatore Lo Piccolo qui à l'époque était considéré comme le successeur de Bernardo Provenzano. Non seulement le clan voulait s'emparer des affaires liées au stade mais faisait aussi pression sur le club pour contrôler les transferts des joueurs notamment dans le cadre du départ du brésilien Amauri vers la Juventus de Turin. L'Unione Sportiva aurait en sus fourni une centaine de places gratuites aux boss et soldats de Cosa Nostra durant des années. Une affirmation toujours difficile à vérifier toutefois.
Ce qui ne plaide pas non plus c'est qu'en février 2001 alors que Zamparini est encore le président du Venezia Calcio, il a fait l'objet d'une enquête ainsi qu'Erberto Rosenwirth, employé au bureau de développement de la Salzam srl lentreprise de Zamparini, à rpopos de fausses factures et comptabilité frauduleuse et concurrence externe à une association mafieuse. Un des fils de Maurizio, Andrea, est également accusé. L'accusation est grave a aura même droit à un article dans la presse québécoise. 
Zamparini et son collaborateur auraient été en affaires, pour la construction d'un hypermarché (le cœur d'activités premium de Maurizio) à Cinisi (Sicile), avec Giuseppe Palazzolo, le «consultant économique» du boss Bernardo Provenzano, preuve vidéo à l'appui. De la procédure pénale on ne retrouve rien. Tout juste on sait que le terrain où devait se poser l'hypermarché appartenait à la famille du mafieux Gaetano Badalamenti un des boss des familles perdantes de la 2ème guerre mafieuse entre corléonais et palermitains. Don Gaetano en est un des rares survivants de cette lutte entre tenants de la «Pizza Connection» (un réseau héritier de la French) et les «nouveaux venus» de Corleone, Toto Riina et Bernardo Provenzano. 

A priori pas de poursuites supplémentaires et on peut en conclure, peut être avec candeur, que Maurizio ignorait tout du passif de ce paisible banquier à la retraite qu'était Palazzolo et qu'il a pu éviter la condamnation. 
L'entrepreneur Zamperini a donc pu multiplier les projets de la sorte avec le même bras-droit vu en vidéo en réunion avec des éléments mafieux, à Benevento (mais les travaux ont été arrêtés pour cause d'irrégularités) et en Croatie où le projet semble avoir été mené à bien Kikovica près de Rijeka en 2010.
Zamparini, malgré être passé pas loin du couperet en 2001, prendra soin de rajouter quelques mots à sa déclaration pour tenter de fermer la boite de Pandore :
«À l'exception de ce qui est arrivé à Rino Foschi, ce qui m'a causé une grande tristesse, il n'y a pas eu d'autres tentatives d'intimidation contre mon peuple parce que je sais, et ils savent que si cela devait arriver à nouveau, dans la minute, je partirais de Palerme.» 

Rino Foschi très calme (tifosi Palermo)

Rino Foschi très calme (tifosi Palermo)

En mode Le Parrain

La dernière déclaration de Zamparini fait allusion à un incident infamant à l'encontre de son ancien directeur sportif, Rino Foschi (de 2002 à 2008). En effet il y a deux ans lorsque a reçu une....tête de chèvre coupée dans un colis livré par la poste. L'expéditeur était tout désigné : Cosa Nostra. Mais pourquoi ? Juste comme ça, en guise d'avertissement après une série de mauvais résultats du club rosanero. 
Et pourtant en ce mois de septembre 2008, l'arrestation de Marcello Trapani et de l'ancien Président de Palerme Giovanni Pecoraro pour collusion avec le boss mafieux Lo Piccolo a bien fait trembler les murs du bureau de Zamparini. 
Pressé de toutes parts et pour se défendre Maurizio gueule (comme toujours) que la seule personne qu'il écoute pour avoir des conseils sur ses affaires et le magistrat anti-mafia Piero Grasso et personne d'autre. Finalement le battage médiatique se calme mais l'affaire reste en suspens comme tout ce qui touche au pouvoir en Sicile. 

Car en mars 2009 la repentance de Marcello Trapani va entrainer les inculpations de 3 joueurs professionnels : Franco Brienza, Salvatore Aronica et Vincenzo Montalbano, pour fraude sportive. Et tout e cette histoire va faire remonter un nom. Celui de l'ancien directeur sportif de l'Union Sportiva, Rino Foschi, l'homme à la tête de chèvre coupée. 
Toutes les personnes citées, sont soupçonnées d’avoir, lors du championnat 2002-2003 (alors que le club de Palerme était en série B et se battait pour monter en série A), tenté de corrompre des joueurs adverses pour gagner des matchs. On parle du match Palerme Ascoli pour lequel Trapani balance que Brienza, qui jouait à Palerme à l'époque, Aronica et Montalbano qui jouaient à Ascoli (Montalbano, aucun lien, a aussi porté les couleurs de Palerme en 2002) ont été payés 200 000 euros à l'initiative de Foschi. Seulement le coach d'Ascoli "Bepe" Pillon n'a pas aligné les 2 joueurs précités. Un autre match est sous enquête, le Palerme – Vérone du 31 mai 2003. Les faits énoncés étant proscrits tant sur le plan pénal que sportif aucun procès n'a lieu et la circonstance de la collusion mafieuse ne sera pas retenue.
Cette affaire entre dans le cadre plus large de l’enquête sur l’influence de Cosa Nostra sur le club de foot de Palerme qui est désormais dans l'œil du cyclone qui paradoxalement est la zone la plus calme. Zamparini agit comme une ancre, le club est ballotté mais lui maintient le cap et ramène sur le plan extra-sportif, tout du moins , un peu de calme.

Zamparini le calme ardant (PianetAzzuro)

Zamparini le calme ardant (PianetAzzuro)

Des problèmes récurrents

Cette influence serait déjà à l'origine de l'assassinat le 23 février 1985 de l'homme d'affaires Roberto Parisi, l'un des industriels les plus en vue de l'île et qui faisait l'objet d'une enquête de la part des autorités anti-mafia. Il était aussi accessoirement président de la Società Sportiva Calcio Palermo. Lui et son chauffeur sont abattus dans un règlement de comptes, dans le plus pur style mafieux, à la périphérie de Palerme, par des tireurs circulant à bord de deux voitures.
L'investigation portait sur la régularité de l'adjudication par laquelle l'entrepreneur avait obtenu la gestion, pour son affaire de matériel électrique, de l'éclairage municipal de Palerme. Rien à voir avec le foot donc car à ce moment là même si à la fin de cette saison 84-85 le club sera promu en Serie B, le foot en Sicile n'attire pas grand monde.
Miné durant des décennies par des problèmes financiers comme une épée de Damoclès au dessus de sa tête, le club est radié en 1986 pour accumulation de dettes. Mais «l'Aquile» (autre surnom du club) est sauvé par l'intervention du maire Leoluca Orlando (une figure de l'anti-mafia sicilienne) et des entrepreneurs locaux en 1987 et s'appellera désormais l'Union Sportiva Palermo. 
L'arrivée du frioulan Maurizio en 2002 promettait au moins un avenir financier plus paisible à défaut de l'avoir été au niveau sportif tant le sémillant président a collectionné les coachs.
Les années 2000 sont pour e football sicilien des heures de glorie avec 3 clubs en Serie A, Palerme, Catane et Messine. Les stades se remplissent alors que l'île jusque là  était plus connu pour ses Juve et Inter Club que pour sa fan base locale. Cette poule aux œufs d'or va attirer les même ombres qui fagocitent les activités économiques siciliennes.

Les rumeurs d'un entrisme mafieux dans le club de foot chéri des palermitains (oui je parle bien de l'Unione Sportivo et non de la Juve) refait surface pile 3 ans plus tard.
En novembre 2011, sous la direction du Parquet anti-mafia, la police, les carabiniers et la Guardia di Finanza mène 3 opérations contre les mandamenti (circonscriptions mafieuses rassemblant 3 ou 4 clans voisins) de Brancaccio et Passo di Rigano. 36 personnes sont arrêtées, accusées d’association mafieuse, extorsion et trafic de stupéfiants. Les enquêteurs ont notamment observé un sommet mafieux rassemblant les dirigeants de ces clans le 7 février 2011 dans une des salles de réception les plus connues de Palerme, la Villa Pensabene. 
Mais c'est surtout l'arrestation d'un homme en particulier qui va intéresser les enquêteurs, celle de Giulio Caporrimo, sorti de prison il y a près d’un an. 

(il Sito di Sicilia)

(il Sito di Sicilia)

On est trop VIP !

Il s'avère que Caporrimo et quelques autres mafiosi profite de billets pour des loges VIP au stadio Renzo Barbera. Ils obtenaient ces places grâce à Giovanni Li Causi, gérant du bar du stade. Mais ces gentils garçons ne viennent pas seulement se rincer le gosier au bar, en fait le clan s’intéresse à des travaux de réfection du stade. Malgré la première rénovation en 1989, le stade se fait vieux (un mal récurrent en Italie) et les nouvelles normes UEFA et l'ambition de Zamperini exige du changement. Et en terme de marchés de BTP publics ou privés en Sicile, on deale (trop) souvent encore avec Cosa Nostra.
Li Causi manoeuvre pour obtenir des commerces, pour des sociétés mafieuses, dans le futur centre commercial de Maurizio Zamparini. 
Ce dernier est cerné à la fois par ces mafieux mais aussi par la classe politique. Car ces clans peuvent compter aussi sur l’aide de Calogero Di Stefano, membre du «Movimento Cristiano dei Lavoratori» (MCL, Mouvement Chrétien des Travailleurs, organisation d’inspiration chrétienne à caractère social et de solidarité, fondée en 1972 et comptant 300.000 membres) et employé de la société AMAT (transports publics de Palerme). N’hésitant pas à organiser des réunions mafieuses sur son lieu de travail, Di Stefano était déjà impliqué dans une affaire de marché public pour la rénovation d’une école. 

(Zimbio)

(Zimbio)

"Miccoli mon frère

Quelques mois plus tôt ce qui faisait la une des journaux italiens c'était Fabrizio Miccoli à cause de ses liens supposés avec un mafioso. Le journal Record indiquait notamment qu'une vidéo circulait actuellement en Italie où on voit l'international transalpin en train de passer ses vacances en compagnie de Mauro Lauricella, le fils d'un boss de Cosa Nostra, Antonino «u scintilluni» qui à l'époque était en cavale. 
Une grande complicité semble unir les deux hommes et Mauro Lauricella appelle l'ancien buteur de la Fiorentina : «Mon frère».
Le gangster transalpin a tenu à certifier que l'international italien ne fait pas partie de la Mafia sicilienne. Maurizio Zamparini, a aussi défendu son joueur : «Je ne crois pas à ces histoires. Miccoli est un garçon fantastique». 
Seulement la vérité sera plus dure à entendre. A force de traçages, la police découvre que Miccoli aurait rendu des petits services à Lauricella, comme acheter des cartes SIM (au nombre de 4), dont les mafieux raffolent afin éviter les mises sur écoute intempestives. Selon un témoin, l'ancien international italien aurait approché Andrea Graffagnini, le propriétaire de la discothèque "Paparazzi" à Isola delle Femmine pour qu'une somme de 12 000 euros lui soit restitué au nom de l'ancien physiothérapeute de l'Unione Sportiva Giorgio Gasparini, qui avait mandaté Mauro Lauricella et Miccoli pour l'aider.

Fabrizio sera aussi mis sur écoute sur des soupçons d'extorsion. Une des conversations téléphoniques entre lui et Lauricella fuitera dans la presse. Un dialogue embarrassant et insultant envers Giovanni Falcone le juge anti-mafia tué dans un attentat en 1992. Ces propos lui coûteront sa vie en Sicile. Sous le feu des critiques, le joueur, malgré ses excuses publiques en larmes, quitte le club même Zamparini ne veut plus de lui après l'avoir défendu. Le procès en 2017 puis la Cour d'Appel en novembre 2021 confirme la peine de 3,5 ans pour Fabrizio. Le fils déchu.

Force est de constater que «le fort en gueule Zamparini» restera comme un dirigeant  face la pieuvre mafieuse locale qui continuait à s'immiscer partout dans la ville. En pleine régénération et poussé par des alliances outre-Atlantique autrefois proscrites. Sans se draper comme le parangon de la vertu anti mafieuse, Maurizio par sa communication sans fard 
En 2014 au moment de la publication de l'article la rénovation du stade Renzo Barbera était plus ou moins actée avec la présentation d'un projet virtuelle en 2011 j'avais conclus ainsi :
«et qui sait? Ce sera peut être comme un symbole, que Maurizio réussisse là où tant d'autres ont échoué, mener un projet d'envergure et avoir sa conscience et ses mains propres». Adio Pizzo.»

Hélas de stade il n'y a toujours point, même si ce projet frémit toujours sur la via del Fante, et surtout Maurizio est parti en 2017 et n'a jamais repris de club. Il restera de lui l'image d'un caractériel, d'un sanguin, d'un passionné mais il ne s'agit là que de pléonasmes pour désigner Maurizio. Ce dernier s'est révélé peut être fort justement l'homme idoine incarnant enfin véritablement ce football sicilien, bien que non natif, en dehors des schémas rebattus et grilles de lecture de la collusion mafieuse locale, commune à nombre de personnes de l'élite palermitaine depuis 60 ans. 

Reposez en paix M. Zamparini.

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