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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Guerre mafieuse à Montréal partie 1

Publié par Desmoulins sur 31 Décembre 2016, 15:46pm

Catégories : #Mafia Canada

A Montréal, c'est aussi une histoire italophone.

Ce 5 octobre 2012, ce n'est pas n'importe qui que l'on voit sortir de «Florence ADX», la prison fédérale maxi-sécurisé dans le Colorado.  Vito Rizzuto est le parrain du clan Rizzuto de Montréal considéré par certains comme la sixième Famille de Cosa Nostra. Son père Nicolo Rizzuto a été un associé de la Famille Cotroni impliqué dans la French Connection des années 70 en étant l'intermédiaire de la Famille Bonanno de New York. Vito est d'ailleurs considéré comme un soldat de la Famille Bonanno et c'est cette filiation qui l'a mené en prison. 
Arrêté en en janvier 2004 à Montreal, Vito a été accusé l'année précédente par un grand jury de Brooklynn de racket et de meurtres en lien avec les assassinats en 1981 de 3 capi de la Famille Bonanno, Philip Giaconne, Dominick Trinchera et Alphonse Indelicato. On soupçonne Vito d'avoir été un des 4 tueurs engagés par l'ancien capo des Bonanno Joe Massino qui souhaitait prendre le pouvoir laissé vacant après l'incarcération du parrain Philip Rastelli. Lors du procès Vito plaide coupable d'avoir été présent lors du triple meurtre. Il est condamné à 10 ans de prison.

Vito Rizzuto  (copyright La Presse)

Vito Rizzuto (copyright La Presse)

Son arrestation va mettre à mal son organisation à un point que nul n'aurait imaginé. La guerre inter-mafia entre branche sicilienne et calabraise, les gangs de motards, les gangs de rue, le gang de  l'Ouest, tout est lié en un schéma complexe de dynamiques dominant/dominé dans un milieu criminel d'une densité hallucinante malgré les nombreux remous et morts en son sein depuis 30 ans.

Vittorio n'assiste donc pas au déclin de son clan, touché par la répression (Opération «Colisée» en 2004-06) et par les règlements de comptes visant directement l'entourage du sicilien de naissance.
En revenant à Montreal, Rizzuto chercherait à reprendre son titre de «parrain», bénéficiant d’un nouvel allié en la personne de Rocco Sollecito, 64 ans. Sollecito avait été condamné à 8 ans de prison après son arrestation lors de l’opération Colisée de novembre 2006. Il était considéré comme le n°4 au sein du clan, notamment en charge des affaires de paris clandestins et de malversations dans le secteur de la construction. Des proches de Sollecito seraient toujours actifs au sein de la mafia de Montréal et sont même soupçonnés d’être impliqués dans une vague d’incendies volontaires ayant touché des entreprises appartenant à Domenico Arcuri. Ce dernier est considéré comme le principal opposant au retour de Vito Rizzuto à Montréal mais il n'y a pas que lui et c'est ce que l'on va découvrir.

Rocco Sollecito (copyright cbc)

Rocco Sollecito (copyright cbc)

Mais tout d'abord petit retour en arrière sur ce qu'il s'est passé depuis l'arrestation de Vittorio.
La 1ère vraie escarmouche dans le conflit est l'assassinat de Giovanni «Johnny» Bertolo, 46 ans d'une rafale de balles alors qu'il s'apprêtait à monter dans sa voiture à Montreal. Connu pour prêt usuraire mais aussi trafic de drogues. Condamné à 12 ans de prison en 93, il est libéré en 97 et malgré son casier, devient le représentant syndical du conseil de district de la construction affilié à la Fédération des travailleurs du Québec. Poste qu'il occupait toujours lorsqu'il se fait tuer. Mais plus important que tout, Bertolo était un protégé d'un personnage bien connu et énigmatique de la Mafia montréalaise, Raynald Desjardins.
Raynald c'est un drôle de gars, déjà c'est pas un italien... ni de près ni de loin et pourtant il a ses entrées à Cosa Nostra c'est dire l'exploit. Mais on reviendra sur son parcours car il va beaucoup compter dans le bordel ambiant.

Raynald Desjardins

Raynald Desjardins

Le clan Rizzuto subit les 1ères représailles le 30 août 2006 avec l'assassinat de Domenico Macri, 34 ans. L'étoile montante et protégé du parrain par intérim de Rizzuto, Francesco Acardi. 
Dès lors la police comprend qu'il va falloir réagir pour éviter un conflit de plus grande envergure. Elle déclenche l'opération «Colisée» en novembre 2006.
3 caïds de la branche sicilienne et 3 de la branche calabraise sont arrêtés et mis au placard : Nicolo Rizzuto, 84 ans ; Rocco Sollecito, 60 ans : garant des traditions siciliennes qui fait le lien avec l’Italie ; Paolo Renda, 69 ans, le consigliere de la Famille et gendre de Nicolo Rizzuto.
…et pour la branche calabraise :
Francesco Arcadi, 54 ans : assure officiellement l’intérim à la tête de la Famille suite à l’arrestation de Vito Rizzuto ; mais il est jugé comme indiscipliné et manquant de diplomatie ; Francesco del Balso, 38 ans, en charge des opérations de jeux et Lorenzo Giordano, 45 ans, responsable des paris en ligne. 

Mais branche sicilienne et branche calabraise, pourquoi ce schisme ?

A la «fondation» de la Mafia à Montréal, on trouve la famille Cotroni, des calabrais émigrés au Canada dans les années 20. Dans les années 70, Vincent Cotroni et ses frères, avec l'aval de la Famille Bonanno de New York, contrôlent Montreal et y règne en maître. Mais durant ces années, Vincent Cotroni vieillissant, divise ses prérogatives en 4 équipes, celle de son frère Frank, celle de Nicolas Dilorio, de Luigi Greco et de Paolo Violi, un calabrais de Toronto. C'est ce dernier, qui a les faveurs de Vincent et qui va prendre la suite du parrain. Entretemps une nouvelle famille mafieuse commence à faire son trou, celle des Rizzuto, des siciliens et dès lors la guerre est inévitable. Violi et ses frères sont assassinés les uns après les autres. Les Rizzuto restent les seuls maîtres à bord.
Cette lutte entre calabrais et siciliens va creuser le silon des relations des 30 prochaines années. 
Depuis il y a les calabrais de Toronto et les siciliens de Montreal. Leurs relations varient passant de la coopération à la guerre et des tensions à l'apaisement. A l'époque de l'arrestation de Rizzuto, en l'occurence, la période était à la coopération puisque c'était un sicilien qui était l'Underboss de Rizzuto et qui a pris sa suite après son incarcération.

Vic Cotroni, le seul, l'unique.

Vic Cotroni, le seul, l'unique.

Après l'opération Colisée, les tensions ne s'apaisent pas, bien au contraire. C'est encore un membre du clan Rizzuto qui en fera les frais.
Le 21 décembre 2007, Antonio Mucci sort du café Maïda quand il se retrouve nez à nez avec un homme armé. Ce dernier appuie sur la gâchette mais l'arme s'est enrayée et Mucci arrive à s'enfuir.
Antonio aurait tenté de prendre la place du «parrain par intérim» Arcadi. Place qu'aurait pu occuper son compagnon de cordée mafieuse, Moreno Gallo, arrêté en 2007 et en passe d'être expulsé du Canada.
Le nom de Mucci est apparu en 1974 lors de la tentative d’attentat contre Jean-Pierre Charbonneau, journaliste du «Devoir» enquêtant sur le crime organisé. Tony Mucci avait alors été condamné à 8 ans de prison. En 2001, il a également été cité dans une enquête sur une alliance Mafia / Hells Angels pour fixer le prix de la cocaïne à Montréal.
Cette attaque est la 1ère directe contre un chef de clan lié aux Rizzuto et 2 semaines plus tard le 7 janvier 2008, le cadavre criblé de balles de Tony Stocola, 40 ans, le bras droit de Mucci, est découvert dans le garage d'un immeuble dans l'arrondissement d'Anjou de Montréal.
Stocola était un briqueteur sans travail fréquentant des mafieux impliqués dans le prêt sur gages ; entre 1995 et 1997, il aurait exploité un pub sur l'avenue du Parc ainsi qu'une agence d'escortes à partir de son appartement.

Antonio Mucci

Antonio Mucci

En février 2008, Frank «le Dur» Martorana, un proche de Vito Rizzuto, et 5 complices ont été arrêtés pour des escroqueries à la voiture d’occasion. Contrôlant 3 commerces de voitures d’occasion, le mafieux est accusé d’avoir escroqué 332 personnes en trafiquant les compteurs kilométriques. En général, les compteurs étaient abaissés de 100.000 km mais au moins deux l’ont été de 400 000 km. La fraude aurait rapporté 4 millions d’euros.
Le 11 août c'est un mafieux indépendant, Antonio Magi, qui est grièvement blessé par des tirs. Entrepreneur en construction, il aurait contracté une importante dette et à un investissement de la mafia dans des projets de construction. En avril 2005, Magi avait été enlevé et, en février 2011, un homme a tiré, probablement à blanc, en direction du véhicule de sa conjointe. 
Pour se protéger, Magi a engagé un caïd de gang de rues, Ducarme Joseph. Ducarme est un «Bleu» (Crips), il est le fondateur du gang «67» avec son ex ami Richard Goodridge qui est devenu aujourd'hui son pire ennemi mais on y reviendra. L'implication des gangs de rue (composé principalement d'haïtiens») dans cette guerre ne va que s'accroître.

Ducarme Joseph (La Presse) et Tony MagiDucarme Joseph (La Presse) et Tony Magi

Ducarme Joseph (La Presse) et Tony Magi

Le 22 septembre 2008, le procès de l'opération Colisée s'ouvre.
Les 6 principaux boss de la Mafia de Montréal ont décidé de plaider coupable devant la justice canadienne. Arrêtés lors de l’«opération Colisée» en novembre 2006, les boss mafieux étaient d’abord inculpés de 168 chefs d’accusation mais ont finalement accepté d’avouer leur culpabilité pour 21 chefs, dont gangstérisme, possession d’argent criminellement obtenu et complot (englobant le trafic de stupéfiants, les extorsions et les jeux illégaux). La peine sera fixée par la Cour le 16 octobre 2008. L’affaire avait commencé en 2001 par une enquête sur une extorsion de fonds de 500.000 dollars canadiens.
Le 18 octobre les verdicts tombent :
– Nicolo Rizzuto, 84 ans : condamné à 4 ans de prison. Il en a déjà passé deux en détention préventive (période comptant double au Canada), ce qui fait qu’il est désormais libre.
-Francesco Arcadi, 54 ans : condamné à 15 ans de prison.
– Francesco Del Balso, 38 ans : condamné à 15 ans de prison.
– Paolo Renda, 69 ans : condamné à 6 ans de prison.
– Rocco Sollecito, 60 ans : condamné à 8 ans de prison.
– Lorenzo Giordano, 45 ans : pour des raisons juridiques, sa condamnation est repoussée mais il semble que sa peine sera de 15 ans.
En plus de ces condamnations, le Tribunal a ordonné la confiscation de biens totalisant plus de 4 millions de dollars canadiens (plus de 2,5 millions d’euros). 

 

La suite au prochain épisode.

 

(Credits et Sources : La Presse, Le Journal de Montreal, Montreal Gazette, Crimorg)

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