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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


"Jungle Mike", l'ami des animaux et du cartel de Cali

Publié par Desmoulins sur 25 Mars 2020, 19:13pm

Catégories : #crime organisé, #Trafic de drogue, #Colombie

Nombreux sont ceux qui ont tentés dans les années 80 de monter leur propre réseau de trafic de drogue. Toutes sortes de gens se sont associé aux colombiens. Des russes brut de décoffrage des israéliens en goguette, des ex de la French Connection et même un ex agent secret cubain mais il y avait surtout des hommes d'affaires, des aventuriers, des originaux. Michael James Tsalickis est un peu tout ça à la fois tout en se drapant d'une philanthropie assez singulière. Une personnalité qu'on va retrouver au centre d'une des plus grosses saisies de l'époque en matière de cocaïne aux Etats-Unis.

Presque 4000 kilos de cocaïne, un record à l'époque. Et tout ça a transité par un port petit port floridien aux consonances slave, Saint-Pétersbourg (près de Tampa).
Ce 19 avril 1988, le cargo Amazon Sky est arrivé à Bayboro Harbor, avec la soute chargée de 459 paquets de cèdre de l'usine de bois Madesa qui se trouve au Brésil. La DEA en est persuadée, la «blanche» est à l'intérieur, et pas qu'un peu. Mais qu'ils s'apprête à découvrir va dépasser toutes leurs attentes. Mais pour l'heure, il ne s'agit pas de saisir mais de faire une planque et choper les logisticiens du réseau. Le bateau reste arraisonné durant 9 jours, sans que quiconque d'intéressant ne se rend à bord à part l'équipage. Le bois n'est même pas déchargé. Mais ils attendent quoi se disent les agents de la DEA qui bien que rompus à l’exercice commencent à perdre patience.
Enfin le 28 avril, ça commence à bouger et les paquets sont déchargés. La récompense des agents est récompensé, enfin les hommes qu'ils attendaient sont arrivés et dirigent la manœuvre de déchargement. Entre le  28 et le 30 avril, deux ressortissants colombiens Fredy Perez-Rivera et Pedro Narvaez vont diriger le transfert d'une partie du bois vers l'entrepôt appartenant à un certain James Michel Tsalickis à Tarpon Springs. Le 3 mai, les autorités emballent tout le monde, bois y compris.

Michael James Tsalickis (Tampabay.com)

Michael James Tsalickis (Tampabay.com)

Michael avait la réputation d'être un entrepreneur prospère et il était considéré comme un héros dans un village colombien isolé dont il s'était fait le bienfaiteur
Mais les autorités fédérales disent que Michael James Tsalickis avait des liens avec le Cartel de de Cali.
Tsalickis, 60 ans, est emprisonné sans caution à la prison du comté de Hillsborough pour trafic et distribution de drogue.
Tsalickis possédait une série d'activités en Colombie et au Brésil, y compris un hôtel et une scierie 
Tout ça acquis grâce à réussite de sa société d'import-export avec laquelle il expédiait des voitures, des bateaux, de l'alcool, du matériel électronique et du bois, entre autres produits, comme le rappelle le Tampa Tribune qui annonce son arrestation une dizaine de jours plus tard.
L'un des "autres produits" qu'il transportait, selon les autorités fédérales, c'était la cocaïne.
Dans pareil cas, on se demande ce qui amène des entrepreneurs à s'impliquer dans le trafic de cocaïne. Oui l'argent coule à flot mais les balles aussi sans compter les risques encourus vu que la législation pénale américaine en ces temps Reaganien ne badine pas avec les trafiquants.
Michael est né en 1928 de parents immigrés grecs et a grandi à Tarpon Springs. Scout émérite amateur de serpents dès le pus jeune âge, le petit a soif d'aventures. Après son service militaire  au début des années 1950, il parcourt plus de 2000 kilomètres en amont de l'Amazonie du Brésil jusqu'au petit village de Leticia, en Colombie. Il s'y installe et alors il aurait enseigné aux membres de la tribu Yagua installés le long de la rivière à piéger et à lui vendre les ocelots, les singes et autres animaux qu'ils avaient tués pour se nourrir. «Il faut un singe pour acheter un pantalon», disait Tsalickis. «et un pour acheter une chemise». Passé le folklore de la possible origine de l'expression «être payé en monnaie de singe», Michael ne chôme pas dans la zone.
Comme le rappelle le très bon article biographique sur Tsalickis paru dans le Tampabay.com en 2018, il a aussi fait prolonger une piste d’atterrissage à peine utilisée, a attiré des compagnies aériennes brésiliennes et colombiennes et a acheté son propre avion. Il s'en servait pour acheminer les fournitures médicales et le courrier. Tout ces activités auraient permis de construire un hôpital et une école dans le village.

Une société qui vend des singes aux laboratoires pharmaceutiques

Michael développe son attrait pour la faune sauvage, devenant une espèce de trappeur amazonien réalisant des tours avec des serpents pour appâter le touriste ce qui lui vaudra le surnom de «Jungle Mike». Mais ce n'est pas ça qui va en faire un homme d'affaires mais la création de son entreprise d'import-export qu'il utilisera pour vendre des animaux exotiques à des zoos et des singes à des laboratoires pharmaceutiques. Comme amoureux de la nature on a vu mieux.
Mais c'est pourtant bien ainsi qu'il est présenté dans un documentaire de National Geographic dont lequel on le voit se bagarrer avec un anaconda. 
Au cours des 20 années suivantes Michael va recevoir la visite de vagabonds en rupture de ban ayant entendu parler de son «île aux singes» comme Bob Bailey. Ce dernier ex agent immobilier et futur anthropologue à UCLA se souvient d'un type orgueilleux et quelque peu roublard.
Son île aux singes il l'avait créé pour couper l'herbe sous le pied des critiques sur le fait qu'ils vendaient des animaux aux laboratoires pharmaceutiques. Il disait avoir placé 3000 singes et que la population avait atteint les 12 000 mais il n'y en avait en fait que 900 et il a été furieux que je lui fasse la remarque».
Malgré ses coups de canifs dans le contrat et la dichotomie de Tsalickis sur son amour des animaux, la ville s'est tellement développée en 20 ans que l'ambassadeur des États-Unis en Colombie lui-même est descendu de Bogota, la capitale, pour faire du conseil diplomatique avec Tsalickis. Cette visite et le personnage qu'était devenu Michael ont fait l'objet d'un livre éloquent, «One Man Revolution on the Amazon», sur son action et dont les meilleurs feuilles sont parues dans le magazine Reader's Digest en 1966.
«Son histoire montre clairement comment un individu courageux qui a confiance en lui-même et au défi de la libre entreprise peut relever le niveau de vie dans toute une région», tel est le résumé sur la 4ème de couverture du livre. A défaut de tout, Michael a fait de cet endroit d'Amazonie, un lieu à touristes comme personne avant lui. Jetant les bases de ce qu'on appellera l'éco-tourisme.

"Jungle Mike", l'ami des animaux et du cartel de Cali

Mais dans les années 70, l'environnement en Colombie commence à changer, les paysages aussi. 
Les touristes de Leticia eux mêmes remarque les vedettes rapides qui montent et descendent le fleuve depuis les champs de coca du Pérou. La zone abrite depuis des décennies (et même depuis les années 1880 selon des historiens) des laboratoires de cocaïne et la récente construction de la Carretera Marginal (la principale voie d'accès) a contribué à une croissance de la production de drogue dans le Haut Huallaga et coïncidé avec l'arrivée de groupes colombiens de trafiquants. Les firmes ont été confrontées à une forte concurrence qui a créé une division du travail, la main-d'œuvre étant largement séparée en producteurs péruviens et en transporteurs étrangers. Les transporteurs ont établi des «ponts aériens» entre la frontière et les zones frontalières. La plupart des laboratoires de cocaïne étaient situés dans la jungle entre le Putumayo et le fleuve Amazone, y compris les basses terres amazoniennes du Pérou, tandis que la ville de Leticia est, elle, devenue un centre de transbordement de drogues vers Medellín, Bogotá et Cali. (Journal of Latin American Studies-2016)
La tranquillité laisse la place à un flux continuel de population avec de l'argent plein les poches. L'argent facile. Cette manne financière fait perdre à Michael tous ses guides touristiques, qui n'hésitent pas à la possibilité d'être payés 10 fois plus cher à ramasser de la fleur de coca qu'à faire le gentil GM d'un Club Med artisanal. 
Tout ça Michael l'a bien remarqué, tout comme il a vu tous ces types suant en costume se présentant  à lui n'était pas des entrepreneurs en pharmacie mais des agents de la DEA.
Michael était sans doute déjà à la lisière de l'illégalité comme le rappelle Bob Cooper un ex agent du zoo de San Diego : «Il était certainement au bord de certaines choses (…) mais personne ne l'a jamais cloué sur une grave violation à propos de la vente des animaux exotiques».
D'autres comme le scientifique Dan Bailey balaie l'hypothèse que Michael se soit impliqué dans le trafic de drogue.
Il avait été approché avec quelques kilos pour passer en contrebande sur l'un de ses avions et il a refusé. Il était dégoûté», se souvient Bailey. «Mike était un redneck de Floride. Il détestait les hippies. Il détestait la drogue. Il était dégoûté par les gens qui fumaient des cigarettes!».
En 1974 Tsalickis repart aux USA pour faire livraison de 13 000 perruches, ce sera sa dernière de ce type. La Colombie interdit au milieu des années 70 le trafic d'animaux sauvages et leur exportation mettant à mal son business. Pris à la gorge, ses avocats lui conseillent de se déclarer en banqueroute mais il refuse. Il part finalement de Colombie en 1979 avec sa femme et ses 6 enfants direction Tarpon Springs, le fief familial. En parant on sait que Tsalickis avait réglé toutes ses dettes ? A la seule force de son travail de guide touristique ? Rien n'est moins sûr. En Floride Tsalickis s'est lancé dans ce qu'il a prétendu plus tard être une entreprise légitime, remplissant les navires de bière et de motos, de champagne et de parfum.

Un numéro de domicile dans le carnet d'adresses d'un trafiquant

La DEA commence à avoir un œil sur Tsalickis en 1983, lorsque les rapports de renseignement ont noté pour la première fois son association avec des trafiquants de drogue connus.
L'étau va se resserrer quand en 1984 Gilberto Orijuela-Rodriguez, le boss du cartel de Cali est arrêté à Madrid. Dans une de ses poches un carnet d'adresses avec le nom et le numéro du domicile de Michael. Voilà le lien qu'attendait les enquêteurs pour filer le train de Tsalickis et ses complices jusqu'à leur arrestations en mai 1988 suite à la saisie à Saint-Pétersbourg.
Lors de son procès Michael va protester, clamer son innocence. Son nom dans le carnet d'adresses du boss du cartel de Cali ? Rien de plus logique, il était un homme important en Amazonie et il aurait été même étrange qu'il n'y apparaisse pas selon lui. 
Les agents fédéraux appuient là où ça fait mal, racontant que ce sont des chariots élévateurs de l'entreprise de Michael qui ont transborder toute la cargaison où se trouvait les drogues pour les emmener à un autre endroit où se trouvait la majeure partie du bois. 
Lorsque les agents ont perquisitionné, les 701 planches qui contenaient de la cocaïne étaient au même endroit - un expert en statistiques a déclaré qu'il y avait une meilleure chance de toucher le jackpot du Loto que des planches se retrouvant ainsi par hasard.
Sur l'indice qui a permis à la DEA de saisir la cargaison, les enquêteurs sont moins prolixes. Il s'agirait d'une dénonciation écrite en espagnol et envoyé par la poste depuis Cali, dénonciation anonyme intraçable mais elle détaillait tout l'opération et les noms.

"Jungle Mike", l'ami des animaux et du cartel de Cali

La DEA rapporte aussi que deux navires appartenant à Tsalickis avaient été été utilisés en 1985 pour faire passer de l'éther en Colombie, un produit indispensable pour la fabrication de cocaïne.
Le bureau du procureur américain a déposé une plainte pour confiscation du complexe de bureaux et d'entrepôts de Tsalickis.
Michael est reconnu coupable de plusieurs chefs d'accusation et condamné en 1989 à 27 ans de prison, il a continué à professer son innocence alors qu'un défilé d'agents fédéraux venait le voir. "Il m'a dit qu'ils lui offraient le monde et même qu'il serait libéré s'il leur donnait des informations et le problème est qu'il n'avait aucune information", a déclaré Jerry Theophilopoulos, son avocat et ami au journal Tampabay.com "Il n'allait pas inventer des mensonges afin d'obtenir un avantage qui n'était vraiment pas un avantage.'' 
Sa détention est adoucie en 2009 où il part vivre dans une «maison de transition» puis il sort définitivement en 2012 à l'âge de 85 ans. Il avait été autorisé par la suite par le juge à se rendre en Colombie pour rendre visite à des proches de sa femme, décédée durant sa détention. Il s'est éteint le 17 décembre 2018 et il a été enterré avec son vieux t-shirt marron clair. Celui sur lequel était écrit les mots «Tarpon Zoo» avec une caricature d'un singe sur le dos d'un alligator.
Michael a déclaré dans un article publié en 1993 dans le "St. Petersburg Times" (aujourd'hui le "Tampa Bay Times"). «Je savais ce qui se passait (…) je n'étais pas stupide.» Il semble qu'il parlait plus de la situation générale à Leticia avec les narcos que de son implication dans le trafic de drogue. Une façon de dire  qu'il n'a pas été le dindon de la farce. 
«Je me suis assis avec lui pendant des heures en écoutant ses histoires, et elles étaient tellement captivantes que si vous ne connaissiez pas Mike, vous ne les auriez pas crus", a déclaré Jerry Theophilopoulos. «Il a vécu la vie dont les gens ne peuvent que rêver, et il a vécu chaque jour comme si c'était le dernier (…) Si vous viviez à Tarpon Springs, vous connaissiez Mike Tsalickis» conclut Jerry.
Une façon de dire, là aussi sans doute, que tout le monde même un des plus gros trafiquants de la planète pouvait avoir son numéro de téléphone dans son carnet. 

 

Sources : AP, Tampabay.com ; Kenny Hetrick 

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