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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Et si le Mouloudia était devenu calabrais ?

Publié par Desmoulins sur 22 Novembre 2016, 15:55pm

Catégories : #Sport, #Outsider

(article publié le 20 octobre 2014 sur Outsider-Mag)

Le Mouloudia Club d’Alger (MCA) est le plus vieux club algérien mais aussi le deuxième club le plus titré et sans doute le plus populaire du pays. Toutefois, ces dernières années, le club connaît des résultats sportifs très moyens et il est même très proche de la faillite. C’est pourquoi en septembre 2011 que les supporters du club ont accueilli – avec soulagement – l’annonce de l’arrivée d’un nouvel actionnaire : la société italienne de Calabre « Edil Pellicano ». Dès le 23 septembre, les sites de supporters d’informations sportives algériens font les gorges chaudes sur le sujet. Le lendemain, le site DjaZairess publie un article annonçant que l’affaire est bouclée. Le conseil d’administration du club qui s’est réuni au siège à la Villa Chéraga a voté à l’unanimité pour cette reprise. Le site ajoute même que Rachid Marif, l’ambassadeur d’Algérie à Rome et président d’honneur du MCA, n’est pas étranger à l’arrivée d’un investisseur italien au MCA. Lors de ce conseil d’administration, une autre décision a été prise. Le petit fils du fondateur du club – Sid Ali Aouf – est élu président du CA et unique interlocuteur avec les représentants de la firme italienne. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’il est l’ancien trésorier du MCA et garde quelques séquelles de cette époque. En 2010, Sid Ali Alouf a été condamné à 1 an de prison ferme pour usage de chèques en bois afin de payer certains joueurs du Mouloudia (notamment l’ancien canari, Fodji Haddjaj). Le président de l’époque – Amrous – est aussi condamné à la même peine lors du procès. Ambiance !

Les Chnaouas bien naïfs

Malgré tout ce passé inquiétant, les observateurs et supporters du club qualifient ce conseil d’administration d’historique même si les doutes subsistent concernant la dette du club. Plusieurs projets sont déjà inscrits dans le plan d’action de la société avec la construction d’un centre de formation à Zéralda ainsi qu’un stade durant les trois prochaines années. Après tant de déboires financiers et sportifs, l’espoir des « chnaouas » (ce qui veut dire les Chinois, surnom des supporters du Mouloudia) renaît. Hélas, la fin de l’article de DjaZairess est prémonitoire. « Les supporters ont été souvent bernés par des histoires à rebondissement et dont les dirigeants sont passés maîtres. » Pourtant, Alouf était bien optimiste par exemple lors de cette interview radiophonique datée du 24 septembre 2011.

Pour appréhender la triste histoire, il faut se pencher sur la société Edil Pellicano. Elle a créé un joint-venture avec un partenaire algérien (actionnaire majoritaire obligatoire selon la loi algérienne) dans le domaine du BTP (comme la firme italienne spécialisée dans la construction et l’immobilier). C’est ce joint-venture — « Edil Pellicano Algérie » — qui rachète plus de 67 % des actions de la SSPA (Société Sportive Par Actions) du MC Alger. La société va injecter près de 10 millions d’euros d’argent frais en 3 tranches sur un total de 5 années. La 1re de 3 millions doit valider l’accord. Franco Pellicano est le patron de « Edil Pellicano ». Par ailleurs, il a été le principal dirigeant de l’ASD HinterReggio, un club de la région de Reggio en Calare. L’équipe évolue en 5e division. Mais le « boss » est surtout identifié comme un proche du clan Borghetto-Caridi-Zindato de la ‘Ndrangheta (organisation mafieuse originaire de la région de Calabre). Un des principaux chefs de cette ‘ndrina (une famille/clan de la ndrangheta) est Eugenio ‘Gino’ Borghetto (né en 1968 à Reggio) qui se trouve également avoir été le directeur sportif de la petite équipe de l’ASD HinterReggio jusqu’à son arrestation en octobre 2010 avec 33 autres membres de son clan.

Le MCA, coquille pleine à ras bord de problèmes structurels

Malgré tout, les tractations vont bon train. Sauf que si Edil Pellicano est une sorte de coquille vide, le MCA est – quant à lui – une coquille pleine à ras bord avec de nombreux problèmes structurels. Directeurs, présidents et dirigeants n’ont pas fini de s’étriper. Depuis plus de 2 ans, un conflit latent oppose deux partis avec d’un côté Abdelhamid Zedek (ex-président du MCA) et de l’autre Sadek Amrous (l’actuel président). Les deux s’affrontent au sujet de la présidence de Mouloudia. Le 12 octobre 2011, Zedek et un collaborateur tentent d’entrer dans le siège du club, mais l’accès leur est refusé par Amrous. Évidemment, il s’en suit une belle engueulade. Les voisins agacés par un tel brouhaha préviennent la police qui emmène les partis au commissariat où un procès-verbal est établi. Les deux partis se voient notifier une convocation chez le procureur de la République pour troubles à l’ordre public. Ayant eu écho de ces problèmes, les Italiens signifient à Sid Ali Alouf, alors en visite en Calabre au même moment, qu’ils ne tolèrent plus ce genre de conduite sous peine de se retirer du projet de reprise. Les dirigeants du MCA sont pris de panique et se confondent en excuses pour rattraper le coup, mais dès lors on sent bien qu’« Edil Pellicano » a senti la faille.

Sadek Amrous (copyright : vitaminedz.org)

Sadek Amrous (copyright : vitaminedz.org)

La machine infernale est lancée. Le 4 octobre 2011, la rumeur se répand concernant l’affiliation de Franco Pellicano à la ‘Ndrangheta. Les premières dépêches tombent en Italie, mais bizarrement, il semble que peu de journaux algériens en parlent. Tout du moins via leur site internet, aucune trace d’article(s) sur le sujet. Le mois suivant, le silence est de rigueur. Après quelques recherches, il semblerait que les blogs et les sites internet des journaux ont purement supprimé les articles sur le sujet (n’oublions que le temps est passé). Mi-novembre, on annonce l’arrivée d’une délégation italienne à Alger, mais c’est la douche froide. Pellicano fait faux bond et ce n’est que partie remise. Le 28 novembre 2011, le site Kwider via « liberté-Algérie » annonce de nouveau la venue de la délégation italienne à Alger pour finaliser la reprise du club, avec à sa tête Franco Pellicano. Aouf déclare même « la venue de Pellicano est une réponse à mes détracteurs », tout heureux d’avoir enfin fait venir le patron italien en Algérie.

Edil Pellicano c’est du vent, de la schnoll, de la chfafa

Les journalistes annoncent aussi les noms de ses trois accompagnateurs : Antonino Cuzzacea, Diego Saccoman et Allesondro Tavaretti (sic). Le premier nom est une faute de frappe, sans contestation possible, le proche collaborateur de Francesco s’appelle Antonino Cuzzacrea (on peut l’attester http://www.newz.it/2009/07/10/hinterreggio-formalizzata-l%E2%80%99iscrizione-al-campionato/9326/). Comme Francesco, Antonio est un entrepreneur dans le BTP en Calabre, il dirige la D.I. Quelle surprise lorsqu’on apprend que sa société est dans le viseur de la justice comme étant une des 31 entreprises ayant bénéficié de contrats bidons attribués après des coups de pression/main mafieux dans la région de Reggio de Calabre. En octobre 2012, il sera visé par une enquête. Les deux autres noms — vu les potentielles fautes d’orthographe – sont clairement difficilement vérifiables. Il est incongru d’imaginer que le Diego Saccoman soit le joueur de foot brésilien et que Alessandro Taverriti soit l’universitaire archéologue calabrais (et signataire à de multiples reprises de pétition anti-Ndrangheta) mais bon à priori si les noms sont exacts ce sont des homonymes… Le 3 décembre, l’accord semble proche. Un membre du conseil d’administration du MCA, Ahmed Gaceb, se risque même au jeu du pronostic. « Avec Edil Pellicano c’est fait. » Aie! (article ici).

Mais Pellicano doit repartir et il n’assistera même pas au derby d’Alger contre l’USMA. Il n’a obtenu qu’un visa de quelques jours. Mais, il doit revenir une énième fois pour l’accord final. Tout le monde s’impatiente surtout que le MCA veut commencer son mercato et a déjà commencé à prendre contact un peu partout. Dès lors, plus rien ! Aucune nouvelle ! Fin décembre, la terrible nouvelle tombe. Edil Pellicano, ce n’était que du vent. Le constat est sans appel, cette société mixte algéro-italienne est un mirage. C’est Omar Ghrib, sulfureux coordinateur de la section football du Mouloudia, qui l’annonce aux journalistes. L’affaire comporte trop d’ambiguïtés pour lui. « C’est vraiment honteux de la part de ces gens qui ont créé cette supposée société mixte Edil-Pellicano Algérie en promettant monts et merveilles au MCA, profitant de l’amour que portent les supporters à leur équipe pour se faire de la publicité sur le dos du club. Nous avons fait nos investigations et il s’est avéré que cette société ne peut même pas s’offrir un siège digne de ce nom. Ces gens ont tout simplement menti au Mouloudia et perturbé l’équipe, juste pour arriver à leurs fins », déclare Omar Ghrib aux médias algériens.

Inspecteur Omar Ghrib

Ce qui a mis la puce à l’oreille d’Omar Ghrib ? L’adresse du siège social de ladite société en Algérie, plus précisément à Fouka, une ville côtière de 50 000 habitants à environ 30 km au sud-ouest d’Alger. Pour Omar, cette location est saugrenue. Pour en avoir le cœur net, il se déplace lui-même sur place. Ce qu’il va trouver va le courroucer légèrement (euphémisme quand on connait le bonhomme tapez son nom sur Google vous allez voir). « Une fois sur place, nous avons rencontré les responsables qui nous ont conduits à un semblant de bâtisse. Une fois à l’intérieur, on s’est rendu compte que dans ce siège social — si bien sûr on peut appeler comme ça un taudis — il n’y avait aucun élément montrant que nous étions dans un bureau. Permettez-moi de vous dire qu’initialement, ces soi-disant responsables nous avaient annoncé que leur entreprise était domiciliée à Draria. Comment maintenant, on nous dit que la société est à Fouka qui, administrativement, dépend de la wilaya de Tipasa. Là, il ne s’agit que d’une autre preuve que cette société mixte n’existe que dans la tête de ceux qui l’ont créée, je suis vraiment choqué qu’on arrive à cette situation, car je savais dès le début qu’il n’y avait rien de vrai dans cette histoire d’Italiens, et le temps m’a donné raison », affirme le José Anigo local.

Omar Ghrib (copyright : la gazette du fennec)

Omar Ghrib (copyright : la gazette du fennec)

Que s’est-il passé alors ? Les médias algériens et les partisans du Mouloudia essaient de comprendre. Lors de la dernière semaine de décembre, la société mixte algéro-italienne Edil Pellicano a adressé une correspondance à la direction du MCA afin de réclamer les bilans financiers et d’autres documents pour entamer son plan d’action. Or, les journalistes algériens se posent des questions sur cette demande. Sur quelle base les représentants de la société mixte se sont appuyés pour réclamer des documents confidentiels alors qu’aucun engagement d’investissement n’a été signé entre les deux parties ?

Hasta la vista Pellicano

Dans un article de Djazairess, on nous explique que le 22 septembre lors de la rencontre entre les deux partis au siège du club, les membres du conseil d’administration ont reporté sur le PV leur disposition à permettre à Edil Pellicano Algérie d’investir au MCA. Le deal ? Au bout d’un mois, mettre trois millions d’euros sur un montant global de 10 millions qui sera investi au cours des années à venir. Mais l’argent n’est jamais arrivé. De plus, la visite de Francesco Pellicano n’a rien apporté de nouveau au dossier. Ce dernier a tenu une réunion avec les représentants du conseil d’administration du Mouloudia, mais sans réussite. L’engagement signé le 22 septembre 2011 n’est pas reconduit. L’homme d’affaires italien s’est contenté d’un engagement verbal qui consiste à aider le MCA dans la création d’un centre de formation. Pour les observateurs, l’engagement verbal de la part du patron de la société mère ne donne pas le droit à Edil Pellicano Algérie de demander les bilans financiers du club. Ces mêmes observateurs annoncent alors « sans risque de nous tromper » que l’investissement ne verra pas le jour. Plus de trois mois après l’annonce de la venue des Italiens, rien n’a été fait. De surcroît, la société mixte n’a présenté aucune garantie financière confirmant leur participation. Le glas a sonné. Les espoirs de Mouloudia se sont envolés. Le club reste dans l’impasse financière.

Aujourd’hui, Franck Pellicano n’est plus le président du club HinterReggio Calcio. Il a été remplacé par Armando. Pellicano, lui aussi patron dans le BTP (Costruzioni Sas Di Pellicano’ Armando& C.). Néanmoins, Antonio Cuzzocrea en est toujours le vice-président. Pour le moment, Franco n’a jamais été poursuivi pour association mafieuse. Le 12 février 2012, le journal algérois Le Soir annonce qu’un nouvel investisseur va arriver. Il s’agit d’une agence de sécurité, de gardiennage et de surveillance de VIP détenue par un Algérien, Eddir Loungar, qui n’est autre qu’un proche de l’ancien dirigeant et président de section « jeunes » du MCA, Kamel Loungar. Une arrivée consentie par le CA de la SSPA/MCA qui donne son accord pour vendre des actions à ce partenaire dont l’arrivée à Alger est annoncée pour le 18 février. Sauf qu’il y a encore un blocage avec le Conseil d’Administration. Il ne veut pas céder la totalité du club à Loungar. Les supporters (motivés par les déclarations de Loungar) protestent contre le Conseil, mais rien ne bouge. Le 26 avril, le site mouloudia.org annonce le retrait de Loungar.

Et bis répétita.

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