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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Règlement de comptes à Dubaï

Publié par Desmoulins sur 5 Mai 2020, 17:44pm

Catégories : #crime organisé, #Iran, #Pays-Bas, #Turquie

Le noyau des Brothers Keepers (Vancouver Sun)

Le noyau des Brothers Keepers (Vancouver Sun)

Comme toutes les histoires du crime organisé, celle-ci comporte elle aussi son lot d'assassinats et de cadavres. Cette affaire avait déjà démarré lorsqu'elle connu un rebondissement inédit par la découverte d'un corps, sans vie, retrouvé dans un champ de bleuets à Abbotsford dans la région de Vancouver le 11 mai 2016. 
Un endroit somme toute insolite pour une telle découverte bien que la région est en proie à une guerre des gangs féroce : Red Scorpions, Independent Soldiers, Redd Alert, Kurdish Crew, Babez Crew, Brothers Keepers ect... autant de gang qui s'affronte dans un immense champ de bataille entre deux coalitions le Wolf Pack (Hells Angels, RS et IS) et les United Nations. Une guerre qui dure depuis des années. Les enquêteurs, nonobstant le lieu, ne sont donc pas surpris de voir un cadavre dans la zone. Surtout qu'il s'agit bien d'un gangster connu de leurs services, Orosman Jr Garcia Arevalo, un membre des Brothers Keepers, une bande créée par Gavinder Grewal un indo-canadien qui a fait partie des Red Scorpions. (une large communauté indo-pakistanaise dans la région dont une part est très impliqué dans cette guerre de gangs).
Orosman avait un petit casier fait de conduites sans permis, de trafic de drogue et de port d'armes. Pas un gros caïd, juste un affidé dont le sort à la finale n'intéressera que peu les autorités.

Mais moins d'un mois plus tard un autre corps sans vie est retrouvé à l'intérieur d'une voiture calcinée à Agassiz. Encore un homme des Brothers Keepers, identifié cette fois comme Harpreet Singh Majhu. Majhu était un proche du leader des Brothers Keepers, posant avec lui et le noyau du gang pour une photo «exhibition de tatouages».
2 hommes du même gang tué à 29 jours d'intervalle, ça n'éveille pas plus de soupçons d'autant plus que les Brothers Keepers connaissent des soucis interne important qui résulteront quelques mois plus tard à une scission entraînant son lot de fusillades et de meurtres.

(Abbynews)

(Abbynews)

Dubaï un lieu de villégiature apprécié par le monde criminel

Ce genre de règlement de comptes à Dubaï n'est pas monnaie courante et ce alors que Dubaï est devenue la nouvelle Costa del Sol des criminels de tous poils, trafiquants, fraudeurs, délinquants financiers, oligarques, d'agents et de dirigeants de gouvernements en rupture de ban. Le panel entier qui compose le crime organisé mondial. 
Dubaï depuis les années 80 est un point de refuge et d'affaires pour les millionnaires du Moyen-Orient attirant des investisseurs mais aussi déjà les premiers mafieux indiens et pakistanais pour la majorité. A l'instar de la Costa del Sol c'est le marché immobilier de la ville qui a attiré tout cette faune mais c'est aussi le fait qu'on peut y bénéficier d'une relatif protection de la juridiction locale. Sans parler de collusion, on note à travers les années de plusieurs coups de canifs dans les accords d'extradition. Que ce soit celui du trafiquant Robert Dawes où l'imbroglio sur l'arrestation du vor v zakone azéri Nadir Salifov, qui fut relâché quelques heures après alors qu'il était recherché en Russie pour enlèvement et séquestration quelques semaines après avoir été libéré après 20 ans de prison. Les Emiratis avaient omis de prévenir leurs homologues russes. C'est ballot. 
Aujourd'hui plusieurs criminels italiens dont le narco-broker Raffaele Imperiale sont encore en attente (certains depuis des années) d'extradition. Concernant Imperiale un accord aurait été trouvé depuis un an et pourtant pour le moment l'italien n'a pas bougé de sa chambre d'hôtel de luxe. On retrouve des français aussi dont Yannick Dacheville, une figure du milieu qui y séjournait depuis une dizaine d'années et qu'on retrouvera mêlé à diverses grosses affaires hexagonales, de la mise au ban du "superflic" lyonnais Michel Neyret à l'arnaque à "la taxe Carbone". Arrêté à Dubaï en 2019 à la demande des enquêteurs français, il est extradé sans coup férir, une rareté. Il avait été condamné en 2014 par contumace à 12 ans pour trafic de drogue.

Dernièrement Dubaï a été le lieu de villégiature d'un caïd en devenir, du milieu nantais celui-ci, Pierre T., interpellé à sa descente d'avion en juillet 2017 et inculpé de trafic de drogue, meurtre et tentative de meurtre contre des rivaux du quartier de Bellevue à Nantes.
C'est à Dubaï que se forme aussi les alliances criminelles, qu se noue des mariages de raison ou autres. On y fomente des complots, on y créé des organisations transnationales entre gens du même monde. 


Dubaï a parfois vu aussi des collaborations entre polices réussies comme celle ayant conduit à l'interpellation de Zakhary Kalashov en mai 2006 (pour être précis il n'a pas été arrêté à Dubaï mais à 35 km de là à Jumeirah). Le «Parrain» de la mafia russophone et «grand argentier» de l'immobilier espagnol.
Le marché immobilier est alimenté par de multiples réseaux de blanchiment, contribuant à la transformation impressionnante de la ville. 
Dubaï a été aussi une ville refuge pour des opposants au régime et pas seulement iraniens mais aussi pakistanais ou tchétchènes avec là aussi son lot d'assassinats. 

La guerre entre turcs, elle, s'était déclenché en Grèce et avait eu pour genèse une embrouille entre deux trafiquants.
En juin 2014, les autorités saisissent 2,1 tonnes d'héroïne dans un entrepôt en Grèce. 
La drogue appartenait à un réseau irano-turco-irakien qui va dès lors s'entre-déchirer.

Le trafiquant iranien Naci Z. fait assassiner son associé irakien (basé au Pakistan) Shahid Ahmed chez lui par trois hommes (dont Ekrem Ö.). Son corps a été jeté dans la mer et lesté de fers à repasser. 
Ahmed était arrivé à Istanbul quelques jours après la saisie. En fait on va découvrir que Naci n'était pas lié à la cargaison saisie.
C'est en fait Ahmed avait demandé de l'aide à Naci pour s'occuper du transport d'1 tonne d'héroïne se trouvant dans un entrepôt en Grèce mais Naci a refusé. Cependant ce dernier va utiliser cette information pour jouer un sale coup à un concurrent. Il contacte la DEA après avoir appris où se trouvait la drogue, leur demandant en contrepartie une importante récompense une fois la marchandise saisie. 
Cette drogue appartenait en effet à son rival Cetin Koç et à un autre caïd turc, Urfi Cetinkaya, à qui Naci a fait croire que Ahmed avait trahi et qu'il l'avait puni en conséquence mais Urfi ne l'a pas cru et a mis un contrat sur sa tête. Un autre turc aurait témoigné que Naci avait eu des liens avec la DEA alors qu'il était en prison en 2009 par l'intermédiaire d'un membre du consulat américain Metin Topuz. Topuz est actuellement emprisonné en Turquie pour avoir soutenu Fethullah Gülen, le prédicateur basé aux États-Unis, que la Turquie accuse du coup d'État manqué de 2016. 
Naci Z. avait été arrêté en 2007 avec 75 kilos d'héroïne. Lors du procès du réseau il serait devenu informateur contre un gros trafiquant turc.  

Le 26 septembre, la querelle prend un nouveau tour avec les assassinats d'Arzu Sharifi Z., la fille de Naci âgée de 21 ans et de son chauffeur et cousin Devrim Öztunç, dans leur voiture qui se trouvait à un feu rouge dans le quartier Büyükçekmece à Istanbul. Le commando aurait été composé d'éléments du clan Saral mené par Burhanettin Saral qui avec l'accord d'Urfi Cetinkaya ont mis un contrat sur la tête de Naci pour avoir parlé à la DEA. 

(Haber)

(Haber)

Le 22 décembre, Haci Osman Sezen et Turgay Akar, deux membres du clan Saral sont abattus à Istanbul. Les autorités pensent qu'ils étaient les 2 auteurs du meurtre d'Arzu. 
Ils auraient été tué par des tueurs du clan Sahin, grand ennemi des Saral qui sont venus s'ajouter à cette imbrogliesque querelle.
2 jours plus tard, Istanbul connait 2 nouveaux règlements de comptes qui pourraient être liés. Le premier a visé Ali «le Chimique» Akgün, est tué par balles dans sa voiture. Né en 1974, Akgün a été footballeur dans le principal club turc d'Amsterdam, alors contrôlé par Nedim Imac. Akgün, associé avec Imac, se livre au trafic d'héroïne puis les 2 hommes se fâchent et Akgün se rapproche du caïd néerlandais Dino Soerel, avec lequel il finance une importante cargaison de cocaïne. Tout l'affaire finira en micmac avec une série de règlement de comptes. Fred Ros un tueur à gages va accuser Ali Akgün, mais aussi Willem Holleeder et Dino Soerel, d'avoir commandité plusieurs meurtres : dont celui de Nedim Imac en février 2007. Dernièrement les enquêtes sur ces meurtres avaient été relancées et Akgün aurait pu être inculpé. 
Quelques heures plus tard, un autre homme, considéré comme proche d'Akgün, est abattu dans un quartier huppé d'Istanbul, victime d'un tir drive-by alors qu'il marchait dans la rue avec ses gardes du corps. Il est tué sur le coup ainsi qu'un de ses hommes, Ferdi Topal, 33 ans. Il était le frère et le bras-droit de Sedat Sahin, un important caïd de la maffya turque.

Une carrière hollandaise

Les frères Sedat et Vedat Sahin sont à la tête d'un des clans les plus puissants d'Istanbul, contrôlant le milieu de la nuit via un réseau de policiers corrompus. Ils seraient également actifs dans le trafic de stupéfiants, en Allemagne et aux Pays-Bas. Sedat Sahin a été arrêté à Berlin en septembre 1998 puis extradé en Turquie en avril 2000 où il a été inculpé (avec Vedat) pour le meurtre du trafiquant Mehmet Nafi Capan. Les 2 frères ont ensuite été libérés. Ils sont entrés en guerre avec le clan Saral. Le chef du clan Saral, Hüseyin, est finalement abattu le 31 janvier 2005 à Rome. Sedat Sahin est de nouveau arrêté en Allemagne et extradé en 2007 en Turquie où il est inculpé de meurtres, enlèvements, agressions,... Sorti de prison en avril 2014, il s'est depuis installé à Dubaï, mais pourrait revenir en Turquie pour organiser les représailles. Il se dit qu'Akgün était un protégé du clan Saral. Les deux assassinats sont-ils liés à la querelle entre les Sahin et les Saral ? Des médias turcs eux évoquent la possibilité que les Saral soit derrière les deux meurtres, celui d'Akgün car il aurait perdu 4 millions d'euros aux Pays-Bas et celui de Sahin dans la foulée pour bien montrer qui sont les boss d'Istanbul. 
Akgün était à la tête d'un groupe de criminel turcs qui s'était fait sa place à Tilburg et à Rotterdam dans le trafic de drogue dans les années 2010 qui le fait entrer en conflit avec un autre groupe de turc mené par «l'homme en fauteuil» Zekeriya K.
Les histoires des Sahin contre les Saral va se finir au tribunal en 2017 avec plusieurs condamnations à la clé laissant Naci Z. libre comme l'air et assoiffé de vengeance. 

Assassinat de Vedat Sahin. (Youtube)

Il a visiblement établi une hit-list et les têtes vont tomber une à une. On le soupçonne dès 2015 d'avoir ordonné la tentative contre un ex associé d'Akgün au Panama.
Le 25 août 2015 à Amsterdam Orhan Üngan un des instigateurs du meurtre de sa fille est arrêté. Il est extradé en Turquie en mars 2016 et son procès démarre en 2019. C'est durant celui-ci que Naci aurait fait exécuté le frère d'Orhan, Ilhan, le 7 avril sur une grande avenue d’Istanbul alors qu’il s’approchait de sa voiture où l’attendait sa famille. Ce dernier avait lui aussi été soupçonné des assassinats de 2014. Entre-temps l'avocat d'Orhan, Kudbettin Kaya avait été abattu dans n restaurant le 1er novembre 2017. 
L'enquête s'oriente vite vers l'entourage de Naci et il est arrêté lors d’une opération en avril 2018. Cependant il est curieusement libéré le 19 octobre de la même année alors qu'il avait été inculpé pour meurtres. 
Il est relâché pour manque de preuves. Le procureur réussit en moins de 3 heures a interjeté l'appel et a émettre un mandat contre Naci mais celui-ci avait disparu et il est depuis recherché.

Il ne fera pas beaucoup parler de lui jusqu'au 14 novembre 2019 avec l'assassinat de Mesut (Massoud) Mevlevi (Molavi), un ancien des services de renseignement iranien devenu un opposant au régime après avoir fuit le pays en 2018. 
Le journaliste iranien Behnam Gholipour a déclaré que Mevlevi avait mis en place un groupe de hackers cherchant à mettre au jour la corruption en Iran. Behnam a déclaré que Mevlevi l'avait contacté dans le passé a déclaré qu'il avait offert de coopérer avec lui pour rassembler des documents sur l'ancien responsable des gardes de la révolution iraniens, qu'il a qualifié de "mafia économique". Le 28 novembre, la police turque arrête 5 hommes soupçonnés du meurtre. 
Les enquêteurs auraient identifié le commanditaire un trafiquant d'origine iranienne, tiens tiens. L’exécutant suspecté, Abdulvahap K., est également soupçonné du meurtre de l’avocat Kudbettin Kaya en 2017. L’ADN retrouvé sur les lieux de l’assassinat ne s'y trompe pas. 
Les turcs en sont sûrs, Naci Zindasti s'est recyclé en donneur d'ordres pour des assassinats politiques. Il est également soupçonné d’avoir commandité le meurtre en 2017 à Istanbul d’un homme d’affaires iranien, Saeed Kerimian.

 

Sources : Crimesite, Postmedia, Hurriyet.com, Haber, milliyet.com, AD

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