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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Le petit carnet rouge de  Paolo (partie 1)

Publié par Desmoulins sur 10 Mai 2024, 18:41pm

Catégories : #Cosa Nostra, #Mafia, #Italie, #Justice, #crime organisé, #Politique

Des voitures calcinées, une odeur de poudre, de sang et de cendres entremêlés. Un climat de chaos et une vision d'horreur d'habitations en partie soufflées et de corps en charpie. Des dizaines de véhicules détruits par les flammes, d'autres qui continuent de brûler, des balles qui explosent d'elles-mêmes à cause de la chaleur, des gens criant à l'aide. Telle était la scène de désolation décrite par toute l'escouade de la Brigade Volante de Palerme, des journalistes et badauds arrivés sur les lieux ce 19 juillet 1992 quelques minutes après 16h58 l'heure exacte de l'attentat qui a visé à Palerme (Sicile) le juge anti-mafia Paolo Borsellino, tué avec 5 agents de son escorte, par la volonté de la Cosa Nostra.

Attentat de Via D'Amelio le 19 juillet 1992 (CIUL)

Attentat de Via D'Amelio le 19 juillet 1992 (CIUL)

La voiture blindée de Borsellino a été littéralement soulevée dans les airs avant de retomber avec fracas au sol comme va le raconter le seul survivant de l'escorte policière Antonio Vullo. Le corps de sa collègue Emanuela Loi est retrouvé à 30 mètres de l'épicentre de l'explosion. 
Dans un tel moment que tous les témoins d'alors ont décrit comme apocalyptique, comment se souvenir 30 ans après les faits de qui a fait quoi ? Et comment ? Et tout cela afin d'expliquer le pourquoi. 
Or dans l'affaire qui nous préoccupe c'est justement ces détails là qui aujourd'hui compte le plus. L'Histoire, si elle est bien connue de nos jours, les micro-histoires qui en découlent restent pour certaines encore mystérieuses. Des coffres-forts qui ont tout l'air de boite de Pandore dont on tente de trouver la clé mais dont on craint le contenu. Ces attentats de 1992 contre Giovanni Falcone en mai tout d'abord puis de Paolo Borsellino ont révélés des histoires tragiques et des collusions au plus haut niveau étatique où se mêlent le vrai et le faux, le puritain et son enfer, l’État et la Mafia. 

Les réalités sociale, économique et idéologique sicilienne de l'époque n'expliquent pas à elles seules, pourquoi tant de policiers, magistrats et hommes d'Etat, ont été tués dans l'exercice de leur fonction depuis 50 ans en Sicile. Des conflits d'intérêts, des forces divergentes qui empêchent l'éclatement d'une vérité totale et absolue et que l'on pense comme tel, bien qu'à la fine elle soit toujours teintée de gris. 
Parmi ces mystères qui obsèdent encore aujourd'hui les magistrats anti-mafia et les autorités italiennes c'est ce qu'est devenu un petit agenda rouge, celui du juge Borsellino dans lequel il consignait tout et qui est porté disparu depuis ce 19 juillet 1992.

Palermo Today
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Agenda, carnet ou cahier ? On pourrait croire à une guerre d'ego entre chercheurs tentant en vain de déterminer si le Graal était une coupe plutôt qu'un vase. Car avec ce carnet rouge on nage aussi en pleine ésotérisme, en plein mythe. A une chose près...ce carnet tout le monde s'accorde à dire qu'il existe bel et bien. Paolo ne s’en déparait jamais. Il l'avait noirci de pensées, théories et idées surtout depuis l'assassinat de son collègue Giovanni Falcone assassiné par le même modus operandi dans la banlieue palermitaine de Capaci. 

Le fait est que la disparition du dit carnet n'a pas suscité grande émotion initialement. Certes les mois suivants cette disparition est signalée dans divers articles tout comme l'importance des informations contenues y est soulignée mais souvent en bas de page ou fin d'article. 
Au premier procès de l'attentat en mars 1994 le journal l'Unita évoque «le mystère de la disparition du carnet rouge», un «cadeau de Noël offert par le corps des Carabiniers» au juge. On sait que le sac été retrouvé intact mais aucune trace du dit carnet («nessuna traccia dell'agenda-diaro» l'Unita du 8 mars 1994).
La 1ère information judiciaire n'est ouverte qu'en février 2006 par le parquet de Caltanissetta. Et ce suite à la publication d'une photographie prise par un journaliste immédiatement après l'attentat où on voit un officier des carabiniers s'éloigner de la via D'Amelio avec la sacoche du juge Borsellino dans lequel devait se trouver le carnet. 
«Devait», voilà bien l'un des nœuds du dossier. Si le sac a bien été vu sur les lieux et la photo l'en atteste et récupéré ensuite par les enquêteurs y avait-il le carnet ? Pour tous les proches de Paolo, le carnet ne pouvait se trouver que dans cette sacoche, c'était sa place depuis des années et nul doute ne peut être établi sur le fait que le carnet s'y trouvait bien quand l'attentat a eu lieu et ce même si le juge se rendait chez sa mère pour une simple visite de courtoisie et non pour un rendez-vous professionnel.

Le fameux carnet rouge de Paolo Borsellino (AntimafiaDuemilla)

Le fameux carnet rouge de Paolo Borsellino (AntimafiaDuemilla)

Mais dans cette histoire on va le constater même les voies de la véracité semblent impénétrables.

Le carabinier de la photo a lui été identifié, il s'agit du capitaine Giovanni Arcangioli. En 2006 devenu colonel il est interrogé par les magistrats, et il a affirmé avoir remis le sac aux juges Vittorio Teresi et Giuseppe Ayala, des proches collaborateurs de Borsellino qui étaient présents sur les lieux de l'attentat, mais ceux-ci ont nié cette affirmation. 
Pour ces raisons, le colonel Arcangioli a d'abord fait l'objet d'une enquête pour fausses déclarations mais en février 2008, le juge des enquêtes préliminaires l'a également inculpé pour le vol du carnet rouge et le parquet de Caltanissetta a demandé qu'il soit traduit en justice. Toutefois le juge de l'audience préliminaire a rejeté la demande, arguant qu'il n'y avait aucune preuve pour incriminer Arcangioli puisque la sacoche en question serait resté quatre mois à la brigade volante de Palerme sans être ouvert et que le journal aurait donc pu être volé plus tard, mais il a également avancé l'hypothèse selon laquelle, au moment de l'attaque, Borsellino avait le carnet rouge à la main et non dans son sac (comme le témoigne le seul agent survivant de l'escorte Antonio Vullo) et que celui-ci a donc été détruit dans l'explosion. Pour ces raisons, le ministère public de Caltanissetta a fait appel devant la Cour suprême, qui ne l'a cependant pas accepté, soutenant la thèse du juge de l'audience préliminaire. Durant des années cette thèse sera la seule et officielle pour la justice. Le carnet rouge n'est plus.

Tant de questions en suspens

En 2010 est l'année où le quotidien «Il Fatto Quotidiano» lance un pavé dans la mare en hébergeant sur son site un article de Salvatore Borsellino, le propre frère de Paolo qui par ce titre «les questions que je ne voulais pas poser» qu'il avait déjà publié sur son site (www.19luglio1992.com) pose un regard furibond sur le devenir du carnet rouge.
Il s'interroge sur tout un tas de faits qu'il estime non expliqués et disons le nettement, l'article ressemble parfois plus à une diatribe n'ayant pour seule cible que Roberto Ayala, magistrat du pool anti-mafia et proche collaborateur de Paolo, qu'à une démonstration de failles véritables même si l’érudition de Salvatore est imparable. Ayala est un rouage important du pool et une figure survivante de cette anti-mafia durement ébranlée à travers les décennies dans son combat contre Cosa Nostra. Se faisant voix de ceux tombés au Champ d'Honneur il a fini par courroucé bon nombre de compagnons de lutte, si bien que ses faits et gestes du 19 juillet 1992 sont sujets à interprétation diverses qu'Ayala n'a pas aidé à clarifier par ailleurs.
La 1ère question de Salvatore dans cet article a été «quid du carnet rouge ?»

Giovanni Arcangioli et le sac. (AntimafiaDuemilla) et Giusepep Ayala (Leonardo Cendamo)Giovanni Arcangioli et le sac. (AntimafiaDuemilla) et Giusepep Ayala (Leonardo Cendamo)

Giovanni Arcangioli et le sac. (AntimafiaDuemilla) et Giusepep Ayala (Leonardo Cendamo)

Et il pointe du doigt la 1ère déclaration d'Ayala du 8 avril 98 soit 6 ans avant l'interrogatoire d'Arcangioli. Je retranscris mot pour mot : «Je suis retourné vers la voiture blindée également parce qu'entre-temps un policier en uniforme, presque certainement un officier, si je me souviens bien, avait ouvert la portière arrière gauche de la voiture. Nous avons regardé ensemble notamment vers la banquette arrière où nous avons remarqué entre celle-ci et la banquette avant un sac en cuir marron foncé avec des traces de brûlures et pourtant intact, l'officier a sorti le sac et a fait le geste de me le tendre. Je lui ai fait remarquer que je n'avais pas l'habilitation pour en prendre possession et je l'ai donc invité à la garder puis à la remettre aux magistrats du parquet de Palerme». 

Le 2 juillet 98 lors des auditions dans le cadre du (déjà) 3ème procès de l'attentat, Ayala précise qu'il résidait à l'hôtel Marbella, à seulement 200 mètres à vol d'oiseau de la Via D'Amelio. Il entend l'explosion. Il regarde dehors, mais ne voit rien car il y avait un bâtiment devant. Par curiosité, il descend, se rend via D'Amelio et voit «une scène comme à Beyrouth». A partir du moment de l'explosion, «dix minutes, un quart d'heure maximum» se seront écoulées. Il dit qu'il ne savait pas que la mère de Paolo Borsellino vivait là. En marchant, il commence à voir des morceaux de cadavre. Il voit deux voitures blindées, dont une avec une longue antenne, comme seules les voitures du parquet de Palerme en possèdent. Pensant immédiatement à Paolo Borsellino. «J'ai essayé de regarder à l'intérieur de la voiture, mais il y avait beaucoup de fumée noire». Ayala dit que les pompiers arrivaient à ce moment-là. «Je regarde le cratère puis je reviens en arrière. (…) Je suis remonté à la voiture, quelqu'un était arrivé (…) Je parle de la police. Maintenant, mon souvenir est qu'à un moment donné, cette personne, dont je me souviens probablement en uniforme, mais je ne jurerais pas que c'était un carabinier, (….) ce qui est sûr, c'est que cette personne a ouvert la porte arrière gauche de la voiture de Paolo. Nous avons regardé à l'intérieur et il y avait la sacoche de Paolo avec des papiers sur la banquette arrière, roussis, un peu fumants aussi... il l'a pris et me l'a tendu (...) J'ai dit : - Écoute, je n'ai pas l'habilitation pour… Tu le gardes.»
Ayala en 3 mois est donc déjà moins sur d'avoir eu affaire à un officier ou un simple carabinier mais il maintient qu'il n'a pas ouvert la porte ni pris la sacoche. Dans ce témoignage il ajoute même un fait «avoir trébuché sur le cadavre de Paolo qu'il n'avait alors pas reconnu car il s'agissait juste d'un tronc sans bras ni jambes». (Il Fatto Quotidiano)

(https://www.19luglio1992.com/)(https://www.19luglio1992.com/)

(https://www.19luglio1992.com/)

Le 12 septembre 2005 donc un an après la version d'Arcangioli (que ce dernier réitère en mai 2005) re-changement de version pour Ayala. Il affirme à présent être arrivé sur les lieux immédiatement après l'explosion, avoir identifié le corps de Paolo Borsellino et avoir remarqué la voiture du magistrat avec la porte arrière gauche ouverte. «J'ai repéré un sac en cuir carbonisé sur la banquette arrière. Instinctivement, je l'ai pris, mais j'ai tout de suite compris que je n'avais pas le droit de le faire, alors je me souviens de l'avoir immédiatement confié à un officier des carabiniers qui se trouvait à quelques pas de là. Quand je lui ai donné le sac, je lui ai expliqué que c'était probablement le sac appartenant au dottore Borsellino». Lorsqu'on lui montre la photo d'Arcangioli, Ayala déclare : «Je ne me souviens pas avoir jamais rencontré le capitaine Arcangioli, ni à l'époque ni plus tard. Je ne peux pas exclure mais je ne peux pas affirmer avec certitude que ledit agent est la personne à qui j'ai confié le sac. Autant j'essaie de me souvenir, autant il me semble que la personne à qui j'ai confié le sac était plus âgée, mais ma mémoire me trompe peut-être. Cependant, j'insiste pour dire que le policier a reçu le sac et que je suis ensuite parti. J'exclus cependant péremptoirement que ce soit l'officier en question qui m'ait remis le sac».

Tout être est faillible

Ces détails qui changent à s'en contredire et ces revirements ne plaident pas la cause de Giuseppe Ayala il est vrai mais qui peut se targuer d'être infaillible surtout quand on a côtoyé une telle horreur de visu. La psyché face au trauma peut jouer de sacré tout même au plus éminent et fiable des magistrats rompus aux lectures et décryptages de dépositions de témoins comme l'est Ayala. Mais Salvatore va encore plus loin dans cet article mais j'y reviendrais plus tard.

Force toutefois de constater qu'entre 1998 et 2005 la version d'Ayala est très différente. A présent c'est lui qui se serait emparé de la sacoche et non le carabinier et avec le même ton péremptoire que dorénavant une autre version autre que la sienne (celle de 2005 entendons nous) est désormais impossible alors qu'il jurait déjà d'une autre version en 98. 
Il est évident que Salvatore Borsellino ait pu percevoir cela comme une volte-face et il en a tiré des conclusions somme toutes radicales. Ayala cacherait-il la vérité ? 

Borsellino, Ayala, Falcone à Rio en 1983.

Borsellino, Ayala, Falcone à Rio en 1983.

Le 8 février 2006, Ayala modifie encore sa version des faits : «J'ai eu l'occasion de voir une personne en civil (...) il est certain qu'il n'était pas en uniforme, qui sortait un sac de la voiture par l'arrière. porte de gauche. J'étais à très courte distance du comptoir et la personne en uniforme s'est tournée vers moi et m'a tendu le sac (...). Comme il y avait aussi un officier en uniforme à côté de la voiture, je l'ai presque instinctivement remise à l'officier susmentionné.»  
Ayala se dit certain que la personne n'était pas en uniforme, mais en civil. Ce n’est donc pas lui qui l’a enlevé, mais l’a pris en main puis l’a remis à un autre officier, en uniforme. Cette déclaration d'Ayala est tellement confuse que lui-même se trompe clairement lorsqu'il dit «la personne en uniforme s'est tournée vers moi», étant donné que deux secondes plus tôt, il avait dit qu'il était certain de ne pas être en uniforme comme le note Borsellino dans son article. 

Salvatore Borsellino (Libera Informazione)

Salvatore Borsellino (Libera Informazione)

Même si le sujet de l'article n'est pas Giuseppe Ayala, difficile de passer à côté du personnage qui ces dernières années a cristalliser beaucoup de critiques de par ses commentaires jugés intempestifs sur ses collègues en 1er lieu et sur le «climat anti-mafia» sicilien en général. On lui reproche de s'être accaparé l'hygiaphone de la cause à son seul intérêt et si on ne peut lui reprocher de prendre la parole en tant que témoin direct, son omniprésence agace. 
De tout ça Ayala fait fi, il ne répondra jamais à Borsellino qualifiant juste ses prises de positions de «coups de gueule» pas plus qu'à la lettre ouverte d'Antimafiaduemilla, site de référence, qui n'est pas non plus avare de ressentiment à son endroit.
Comment un magistrat a pu modifier ainsi une scène de crime ainsi que ses déclarations au gré du vent peut laisser n'importe qui pantois. 
Et comme la Cour Suprême a clôturé l'affaire, le mystère restait entier. Antimafiaduemila commentait ainsi cette affaire «Malheureusement, la Cour de cassation a empêché que la vérité sur la découverte du sac de Paolo Borsellino soit rétablie par un procès régulier devant un tribunal. Et donc ce que les historiens définiront comme des «versions singulières des propos d'un témoin» restera comme un sujet d'étude pour comprendre comment les mystères de l'État sont souvent ponctués par les apparitions fugaces de ceux qui se posent en premier acteur mais n'en restent toujours que des "figurants" qui - seulement pendant une période de leur vie - ont sans aucun doute joué un rôle de premier plan».

L'Isolement de Falcone et Borsellino

L'objet du courroux de ces articles à charge contre Ayala est tout autant lié à la perte de ce carnet et de ces précieuses informations que le fait que ces attentats de 1992 sont pour nombre de chercheurs, observateurs et enquêteurs aussi le fait de l'apathie étatique et de l'isolement des 2 magistrats au sein même de leur hiérarchie et de la structure anti-mafia. 
La raison de la mort des 2 magistrats se trouve dans le carnet rouge. Salvatore Borsellino en est sûr et il n'est pas le seul. Et la preuve pour lui est la disparition du dit carnet. En 2007 il publie une lettre où il soutient l'hypothèse d'un «massacre d’État» et que le ministre de l'Intérieur de l'époque Nicola Mancino connaissait les raisons de l'assassinat de son frère. 

Nicola Mancino (photo de 2021 Avellino Today)

Nicola Mancino (photo de 2021 Avellino Today)

De cet isolement justement Paolo s'en était fortement ému lors de sa dernière intervention publique le 25 juin 1992 à la bibliothèque municipale de Palerme. 
Il y dénonce «la solitude» subie» par Giovanni Falcone et les trahisons de certains «Judas» au sein de la magistrature, ni plus ni moins.
Quelques passages parmi les plus significatifs :
«... ce soir, je dois rigoureusement m'abstenir - et je suis désolé, si je déçois l'un d'entre vous - de rapporter des circonstances que probablement beaucoup d'entre vous s'attendent à ce que je rapporte, à commencer par celles qui sont récemment arrivées dans les journaux et qui concernent le soi-disant journaux intimes (cosidetti diari) de Giovanni Falcone. J'en parlerai d'abord aux autorités judiciaires, puis - si nécessaire - j'en parlerai en public». 

L'autorité judiciaire, curieusement pourtant, n'appellera jamais Borsellino à témoigner à ce sujet. Falcone avait également des carnets où il consignait son travail. Officiellement on parle de «39 notes» dont l'existence est corroborée par les journaux l'Espresso et Repubblica qui ont pris connaissance de certains passages dès le 23 juin 1992. 
La journaliste Liliana Milella du journal Sole 24 Ore, va publier 14 notes de Falcone mais il ne s'agissait pas là de ces ultimes écrits puisque les notes sont datées au plus tard au 6 février 1991. Les «39 notes» ont connus un sort plus enviable que le carnet rouge même si après avoir été retranscrites sur disquettes et réquisitionnées par le Criminalpol qui va les envoyer par erreur au Parquet de Palerme, elles vont rester 3 jours la bas dans l'indifférence générale avant enfin de parvenir entre les mains du procureur de l'époque de Caltanissetta Salvatore Celesti. 
Cette mésaventure est contée par le journaliste Pepe D'Avanzo dans un article de La Repubblica le 23 juin 92. Ces notes seront consultés par Borsellino qui recherche les commanditaires de l'attentat. A ce jour les notes n'ont toujours pas été publiées dans leur intégralité. 

Borsellino ce 25 juin toujours, lâche les chevaux sur les volontés de Falcone d'agir depuis Rome et ce Portefeuille de la Justice qu'on lui a confié. Tentant d'échapper à l'air vicié de Palerme mais il ne fera que tomber de Charybde en Scylla.
«Il a essayé de recréer au niveau national et avec les lois de l'État ces expériences du pool antimafia qui avaient été créées à la main sans que la loi ne les ait prévues et sans que la loi, même dans les moments de plus grand succès, ne les soutienne (…) La course à la succession à la tête du pool anti-mafia a commencé. Falcone a accepté le défi, des Judas se sont immédiatement engagés à le taquiner, et le jour de mon anniversaire, le Conseil supérieur de la magistrature nous a fait ce cadeau : il a préféré Antonino Meli». (NDLM qui est nominé en janvier 1988). A l'époque Borsellino se trouvait à au parquet de Marsala où il avait été transféré (de son plein gré précisons le).

Il conclut son discours comme suit :
«C'est pourquoi, peut-être, avec le recul, quand Caponnetto (ndlm Antonino ex boss du pool anti-mafia de Palerme entre 1984 et 1990) dit  «il a commencé à mourir en janvier 1988», il avait tout à fait raison, également en référence à l'issue de cette lutte qu'il a menée avant tout pour pouvoir continuer à travailler. Alors toutes les critiques peuvent être avancées, si elles sont avancées de bonne foi et si elles sont avancées en reconnaissant cette intention de Giovanni Falcone, on peut aussi dire qu'il s'est prêté à la création d'un instrument qui pourrait mettre en danger l'indépendance de la justice, on peut aussi dire que pour créer cet instrument il s'est trop approché du pouvoir politique (ndlm : du Partito Democratico), mais ce qui est incontestable, c'est que Giovanni Falcone dans sa brève, très brève expérience ministérielle a travaillé avant tout pour pouvoir continuer au plus vite à redevenir un magistrat. Et c'est ce dont il a été empêché, parce que c'est ça qui faisait peur». (centrostudioborsellino – Cronocosanostra)

(Il Dubbio)

(Il Dubbio)

Les «taquineries» qu'évoquent Borsellino se sont manifesté au delà de la simple jalousie entre magistrats mais aussi par l'intermédiaire d'un mystérieux «corbeau» (corvo) qui à partir de 1989 n'aura de cesse de jeter l’opprobre sur Falcone mais aussi ses proches comme Ayala. Falcone au moment de sa mort était selon Borsellino tout proche de revenir à Palerme en tant que chef du pool anti-mafia et il a été tué pour ça.
D'autres enjeux s'ajoutent et la volonté d'un seul homme ne suffit pas à bousculer le pragmatisme cynique d'une entité toute puissante. 
Le 28 juin 1992 Paolo Borsellino prend conscience de l'existence d'une "négociation" entre les représentants des institutions étatiques et le dôme mafieux, par l'intermédiaire de personnages qui servent eux mêmes d'intermédiaires entre les deux parties. 
3 jours plus tôt Borsellino a rencontré le colonel des carabiniers Mario Mori et le capitaine  Giuseppe De Donno. Cette rencontre est attesté par les témoignages de Liliana Ferraro à l'époque directrice adjointe des affaires pénales au Ministère de la Justice et de l'ex Ministre Claudio Martelli. Le sujet de la réunion ? Mori aurait évoqué sont contact avec l'ex député Démocratie-Chrétienne condamné pour collusion mafieuse Vito Ciancimino qui se propose de faire stopper la vague d'attentats que connaît le pays. Agnese Piraino Leto, veuve de Borsellino, a déclaré aux magistrats que, quelques jours avant d'être tué, son mari lui avait confié que le général des carabiniers Antonio Subranni (supérieur direct du colonel Mori) était proche des milieux mafieux et qu'il y avait des contacts entre la mafia et des parties «déviantes» de l'État. 

Paolo Borsellino durant ces 57 jours entre la mort de son ami et collègue Giovanni Falcone et sa propre fin, se rend compte du double jeu de l’État. 
Une négociation se met en place. L'insoutenable et innommable vérité est qu'on est prêt à entendre les exigences de Toto Riina et de Bernardo Provenzano. Au diable les maxi procès, les repentis, les morts de l'anti-mafia, Della Chiesa, Cassara, Falcone et les autres....

«L’impression est qu’aux plus hauts niveaux du pouvoir, beaucoup de gens connaissent ces vérités indescriptibles, mais acceptent de les cacher sous une épaisse couverture d’omission. Pour toujours. L'agenda rouge est la boîte noire de la Seconde République.» Introduction du livre L'Agenda rouge de Paolo Borsellino de Marco Tavoglio.

À suivre....

 

 

Sources : AntimafiaDuemilla, Cronacacosanostra, Repubblica, Unita, Il Fatto Quotidiano, 

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