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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


La Camorra en Espagne partie 7

Publié par Desmoulins sur 31 Décembre 2021, 18:23pm

Catégories : #Gomorra, #Camorra, #Mafia, #Italie, #Trafic de drogue

Je me suis posé la question sur la poursuite de cette série à épisodes concernant les sécessionnistes de Scampia. En effet, pourquoi continuer à documenter ce sujet alors que les principaux protagonistes sont en prison et leurs activités mis sous l'éteignoir ? La genèse de cette série d'articles était de découvrir l'histoire du «clan des espagnols». Or les camorristes continuent-ils à influer sur le milieu criminel espagnol depuis la chute du réseau ?
S'il est vrai que les activités de Raffaele Imperiale et ses sbires ont été en très grande partie démantelées ainsi que celui corollaire des Amato-Pagano, il n'y a aucun doute que leurs faisceaux criminels sont en passe, déjà, d'être reconstitués parfois même par les protégonnistes eux-mêmes. Les camorristes sont encore des acteurs importants du narco-trafic via l'Espagne et sa Costa del Sol (et pas que). Il me faut donc continuer à documenter ces faits et c'est pour cela que j'ai décidé de poursuivre ce dossier même si l'Espagne y tiendra parfois un peu moins de place. Même si je continue à ramasser les queues de cerise alors que mes articles visiblement plaisent beaucoup vu les copier coller que je subis, je vais tâcher de continuer ce sacerdoce.

 

Depuis plusieurs semaines du côté des autorités anti-mafia, on se pose la même question lancinante. Mais où se trouve Domenico Amato Junior ? Si son procès s'ouvre en ce mois de janvier 2018, on ne l'a vu ni d'Eve ni d'Adam depuis des lustres, pas même au parloir pour aller voir sa mère, Rosaria, «la Zia», qui a été arrêtée en janvier 2017. 
Rosaria est à l'isolement, au régime carcéral 41bis comme  plus d'une centaine d'autres détenus en attente de jugement (sur un peu plus de 700 dont 300 condamnés à perpétuité). De ce fait elle ne peut bénéficier que d'une visite par mois pendant 1h et à travers une vitre blindée. Surveillée par vidéo h24, pas de contacts avec les autres détenus, 2h de promenade par jour par groupe de 4, entre autres contraintes. Il en faudrait plus pour faire baisser l'échine à cette femme de 55 ans, rompue aux règles claniques depuis des décennies. Elle qui a rejoint son mari en cavale en Espagne, élevé 5 enfants avec la même rudesse et doctrine mafieuse.
Dans la Camorra comme dans les autres mafia, l'apprentissage de l'hygiène de vie mafieuse est l'apanage de la mère, garante des traditions séculaires et de la discipline morale et physique inhérente paradoxalement à un mode de vie en dehors des règles et de la loi. 
Comme le dit si bien Bob Dylan dans la chanson «Absolutely Sweet Marie» : «but to live outside the law, you must be honest». Cette «honnêteté» la progénitures mafieuse l'a doit autant à leurs familles/clans qu'à eux mêmes. Mener une vie de bâton de chaise avec honnêteté pourrait paraître de l'ordre de la quadrature du cercle mais ce genre de grand écart moral entre l'appel du crime et celui à des fondements ancestraux soit disant éthiques de la mafia est courant. Cela fait partie de la dichotomie mafieuse. Baignant dans un environnement où la morale côtoie plus souvent l'enfer, là ou le pourquoi n'existe pas, les mafieux pourraient aisément se faire passer pour de grands puritains.

De manière tacite le boss de Domenico a toujours été Rosaria bien plus que ses oncles, Cesare et Raffaele.
Selon Voce di Napoli justement le benjamin Amato à peine âgé de 18 ans, «aurait peur de recevoir une volée de remontrance de la part de sa mère» (VDN du 24/05/17). Il semble que l'attitude désinvolte de Domenico envers les affaires économiques du clan ait plus que courroucé en haut lieu et que Rosaria estime qu'il serait temps de remettre le garçon «dans le droit chemin». 
On imagine aussi un jeune homme préoccupé par son procès où il risque la perpétuité. Ses frères Carmine et Raffaele Jnr, sont déjà tous deux en détention et à l'isolement comme leur mère. Ses deux sœurs Gessica et Monica se tiennent un peu plus éloignées des tribunaux quoique cette dernière a été impliquée dans le passage à tabac et le vol à l'arraché contre un carabinier en congé l'été dernier dans le «quartier des Chalets» à Mergellina. Jugements en attente.
Pour Domenico, l'issue du procès a déjà été évoqué dans la partie 6 mais pour rappel il va éviter le pire à contrario de ses frangins et c'est tout le clan qui a pu souffler un ouf de soulagement même s'il écope de 18 ans de prison pour le double homicide d'Alessandro Laperuta et Mohammed Nuvo. Mais grâce au travail de ses avocats et du peu de témoins du crime, le procureur qui avait requis une double peine à perpétuité n'a pas été suivi dans son réquisitoire. En appel, en juillet de la même année, la peine est confirmée. 

Rosaria Pagano (Teleclubitalia) ; Raffaele Amato et Cesara Pagano (Voce di Napoli)
Rosaria Pagano (Teleclubitalia) ; Raffaele Amato et Cesara Pagano (Voce di Napoli)

Rosaria Pagano (Teleclubitalia) ; Raffaele Amato et Cesara Pagano (Voce di Napoli)

C'est Rosaria la cheffe

Le clan doit toutefois continuer à vivoter et en attendant la libération attendue de «Tata Rosaria» à cause de l'expiration de sa détention provisoire, il va falloir trouver un régent. Et cela passera par un passage de flambeau à une nouvelle génération qui toutefois sera quelque peu sous la tutelle de l'ancienne même depuis les prisons d'Ascoli, Poggioreale, Frosinone ou de celle de l'Opera à Milan. Le régime 41bis n'a pas encore réussi à empêcher les auras du pouvoir de traverser les murs et les plexiglas. 
Il est vrai qu'à moyen terme la source se tarit à force de n'être alimentée que par une visite ou un coup de fil tous les mois. Alors pour tenter de remédier à ce problème d'influence, en mars, l’administration pénitentiaire envisage le transfert de 26 boss camorristes (au maximum deux de chaque clan, et aucun ennemi parmi eux) par vols spéciaux de plusieurs prisons d’Italie jusqu’à «l’Alcatraz de Méditerranée», le doux surnom de la prison de haute sécurité de Bancali, à 8 kilomètres de Sassari en Sardaigne. La prison dispose de 96 cellules disposées en «nid d’abeille». Les boss, condamnés à perpétuité ou à plus de 20 ans de prison, seront désormais incarcérés dans des cellules de 12 m², sans fenêtre, avec le chauffage mais pas de climatisation, un lit, une penderie, des W.C., un lavabo. Chaque chambre a accès à une pièce où ils peuvent discuter une fois par mois avec leur famille, derrière un verre blindé et via un interphone. Ils disposeront d’une heure de promenade dans une cour vidéo-surveillée, avec trois autres boss venant de différentes régions. Pour éviter les déplacements, les mafieux comparaîtront à leurs procès par vidéo-conférence depuis la prison. 

Sur le papier cela fait ronflant mais dans la réalité cette prison va devenir un vrai nid à problèmes pour les autorités et les élus locaux. Plusieurs vont d'ailleurs publiquement désapprouvé l'annone ânonnant que leur île n'a pas à devenir une sorte d'épouvantail à mafieux.
En attendant, d'éventuellement, en devenir une de ses pensionnaires, Rosaria doit encore purger quelques mois d'une peine résiduelle pour blanchiment d'argent datant de 2009. Comme cette condamnation n'a pas été accompagnée du facteur aggravant de l'association mafieuse, Rosaria aura la possibilité de passer le reste de sa peine (qui doit s'achever en novembre 2019) en résidence surveillée. La perspective de quitter le régime 41bis met déjà en joie ses affidés selon Voce di Napoli (17/04/18).
Le procès de Rosaria attendu pour le mois de juin n'augure pourtant rien de bon. Il se tiendra en marge de celui de Mario «'o ciuraro» Avolio, celui qui a voulu faire «piazze à part».
Le 12 juin, la juge Pilla des enquêtes préliminaires de la Cour de Naples inflige 176 ans de prison en cumulé à 18 camorristes liés à Mario.  
Et ce sera 20 ans pour ce dernier qui a également vu la confiscation de certaines entreprises saisies par la police : les sociétés «Ma.Ma»; «Service srl» ; une auto-école «Manzoni 3 srl» ; le garage «Professional Service srl» de Casandrino; «le Rev» de Casoria et la compagnie Mondo revisioni srl» à Naples.
Salvatore Tufo prend 18 ans ; Vincenzo Barbella, 12 ans ; Giuseppe et Leonardo Leonardi, 14 et 9 ans (liés au narco Antonio «Chiappelloni» Leonardi).
Giuseppe «Pepp 'o Gitano» o «Pepp cap 'e mort» Iavarone, le narco broker qui se procurait du haschisch en Espagne et de la coke en Hollande en aura pour 10 ans. 
La suite va donné raison aux plus pessimistes du clan. Le 29 juin la journaliste Manuelea Galletta de "Giustizia News 24" annonce que Rosaria est condamnée à 20 ans. Il s'agit d'une peine non définitive certes mais toutes velléités de sortie sont proscrites dorénavant et ne ménageons pas le suspense plus longtemps, en Appel le 10 novembre 2019 «Zia» Pagano écopera de 15 ans. La sortie n'est pas pour tout de suite.

Parmi les principaux coopérateurs de justice dans ce procès, on retrouve Carmine «o'ruomm ruomm» Esposito. Cet homme constituait le groupe de gardes du corps de Raffaele Amato Jnr, le fils aîné de Rosaria, en compagnie de Luigi Illiano, un autre repenti, et Gennaro «Versace» Spina. Esposito a commencé à collaborer avec les autorités en 2013. Il avait quitté Naples en juillet 2011 avec sa maîtresse, qui n'était autre que la femme de Raffaele Jnr (Cronachedellacampania). Si ces infos ne sont pas de 1ère fraîcheur, il confirme néanmoins que Rosaria était celle qui s'occupait de la gestion de l'argent pour ces 5 enfants. Elle possédait une société de transport, la TNT qui avait à sa tête Massimino «o'cardillo» Marra selon Esposito. Massimino était très proche de Rosaria et de Raffaele qui lui avait confié plusieurs objets de valeur lui appartenant pour éviter qu'ils ne tombe aux mains de la police.

Zia Rosaria et Carmine «o'ruomm ruomm» Esposito (Cronache della Campania)

Zia Rosaria et Carmine «o'ruomm ruomm» Esposito (Cronache della Campania)

Les querelles et les vendettas ne servent qu'à rendre l'avenir furieux. 

Après l'arrestation de Rosaria Pagano en janvier 2017 c'est Renato Napoleone, 35 ans qui avait pris sa suite mais il est, lui aussi, vite englué dans plusieurs affaires de meurtres commises au plus fort de la querelle entre Mario Riccio et le reste du clan. Rien de nouveau pour ce fidèle de longue date du clan dont le nom avait déjà été cité par un repenti dans l'affaire du meurtre de Luigi Magnetti en 2007. Étrange car une autre enquête avait signalé cet assassinat comme l’œuvre des Di Lauro. 
En juillet 2017, il est incarcéré pour le meurtre d'Andrea Castello et la tentative contre Antonio Ruggiero en 2014. Il est libéré quelques semaines plus tard sur demande de la Cour de révision et assigné à résidence dans sa villa avec piscine. 
Le 15 mars 2018, il est de nouveau interpellé avec 5 autres personnes, dans une autre affaire, celui du double meurtre de Ciro Casone et Vincenzo Ferrante le 26 février 2014. 
Il s'agit d'un conflit pour le contrôle des activités illicites d'Arzano entre ces derniers et un groupe lié au clan Moccia. Renato Napoleone, Angelo Antonio Gambino et Francesco Paolo Russo seraient les tireurs. Les 3 autres arrêtés sont Pasquale et Pietro Cristiano et Raffaele Liguori.
Parmi les membres du groupe qui ont pris possession d’Arzano au cours des derniers mois, une place de choix appartient certainement à Francesco Paolo «Cicciariello» Russo, le bras droit de Renato Napoleone. 
Son profil a été dessiné notamment par les déclarations de l'ancien régent des Vanella Grassi et actuel coopérateur de justice, Antonio Accurso: «Francesco Paolo Russo m'a dit qu'il avait commis d'autres meurtres, dont celui de Mirko Romano et deux meurtres à Arzano, dont l'un était le référent pour l'extorsion de fonds, pour lequel il était aidé par un membre de la famille Ferone. Son assassinat a été décidé par Renato Napoleone. Ce meurtre marque le début de la conquête d’Arzano par les Amato-Pagano de Melito. Le groupe a imposé le pizzo à verser à 3 occasions, Noël, Pâques et l'Assomption par l'intermédiaire de Giuseppe Monfregolo aka «'o uallarus» qui a invité les gens à obéir au «nouveau système». En mai Domenico Russo 'o Mussuto, un autre proche de Napoleone est interpellé. Le clan va devoir se doter d'un nouveau régent.

Giuseppe «'o uallarus» Monfregolo (Teleclubitalia)

Giuseppe «'o uallarus» Monfregolo (Teleclubitalia)

Un nouveau régent

En toile de fonds, un nouveau visage dans l'organigramme «des espagnols» commence à apparaître, lors d'une écoute téléphonique le 23 mai 2016. Au plus fort de l'affrontement entre Ciro Mauriello et Pietro Caiazza, une réunion a été organisée à laquelle toute la «direction» du clan a assisté. 
A cette occasion, Mauriello, accompagné du jeune trentenaire considéré comme l'un de ses plus fidèles, demanda à Rosaria Pagano une confrontation avec Pietro Caiazza, accusé de vouloir affirmer son leadership dans la région avec un comportement incorrect envers la famille et son "entreprise".

«Selon moi il faut faire comme ça.. je te le dis Pierino je te donne ma parole que tu vas y passer 100 ans...tu dois quitter Melito et aller à Afragola, t'occuper du stand de cigarettes (sic), vous ne pouvez pas vivre ensemble comme avant, Rosaria car si cela arrive dans un mois et demi vous serez cul et chemise».

Cette manœuvre visant à isoler Zio Pierino dans son fief d'Afragola.
Le nom de cet homme ne sortira dans la presse que lors de son arrestation en juin 2021 : Marco Liguori. On le verra l'accession au pouvoir connaît souvent un même modus operandi au sein du clan. La promotion interne marche à plein et on va rarement chercher bien loin les candidats à l'accessit. 
En attendant, les affaires doivent avancer, il faut faire rentrer de l'argent et vite. Le nombre de meurtres est en déclin de 41 en 2016 on est passé à 21 en 2017 mais le nombre de fusillades et règlement de comptes, lui restent inchangé (100  à 103). Cela dénote de tensions toujours vives mais paradoxalement de la volonté de certains de se recentrer sur une optique plus commerciale que belliqueuse. La guerre mauvaise pour le business, voilà bien un adage criminel cliché mais bougrement véridique.
Actuellement les projecteurs sont braqués sur la Piazza Mercato et sur les tours de Secondigliano et Scampia. Les clans sont de plus en plus caractérisés par la précarité et l'incohérence, corollaires aussi d'un abaissement de l'âge des affiliés et dirigeants mafieux, que par la violence. Malgré les articles franco-français à la Brut stipulant avec force «houlala les baby boss sont plus sanguinaires que leurs aînés», il n'en est rien du tout. 

Les divisions internes sont nombreuses et sont dû à l'incapacité des clans de se doter d'un appareil hiérarchique et militaire efficace mais aussi de garantir les salaires mensuels aux affiliés et aux familles de détenus. Cette tendance à la baisse du nombre d'assassinats va se concrétiser dans les années à venir. Le fait que les fusillades elles ne faiblissent pas prouvent que les territoires ont tendance, à fortiori, à se rétrécir.

Ciro Caiazza (Teleclubitalia)

Ciro Caiazza (Teleclubitalia)

On ne gifle pas le fiston

La pression policière, elle, ne faiblit pas en Campanie et le 19 janvier, les enquêtes de la Guardia di Finanza ont recueillies des indices sérieux contre une organisation criminelle qui fournissait depuis les Pays-Bas les piazze de Secondigliano, de Torrese (dans les Pouilles) jusque dans la région des Marches. Il s'agit là d'un des réseaux subsidiaire d'Imperiale et Cerrone. 
L'enquête a démarré après la saisie de 40 kg la cocaïne, à Amsterdam le 26 mai 2016 et celle de plus de 41 kg de haschich, à Monopoli 12 octobre 2016, qui ont mené à l'arrestation des transporteurs. 
Le rôle central du trafic était tenu par Natale Scarpa alias «Natalino il chiattone», pour le compte du clan Gallo-Cavaliere encore eux (à ne pas confondre avec Natale Scarpa, le père du boss Vincenzo, abattu en 2006 pour avoir giflé le fils du boss Aldo Gionta et ce qui a déclenché une querelle de taille à Torre Annunziata). 

C'est lui qui a supervisé la mise en place des transports de drogues et mené les négociations avec les «courtiers» néerlandais. Pour soutenir le trafiquant, sont intervenus, avec des rôles spécifiques, certains de ses proches parents, son beau-frère Giovanni Chirico et son neveu Raffaele Chirico - et d'autres aides de confiance, Alessio Cola, Domenico Nasti, Fernando Nocera et Giovanni Raffaele Patanè. Raffaele Chirico s'était vu confier des contacts avec des fournisseurs aux Pays-Bas et le rôle du courrier.
Giovanni Chirico avait été chargé de couper le stupéfiant et de récupérer la marchandise dans les caches des voitures mais aussi de détecter la présence possible de dispositifs de traceurs GPS. À cet égard, les enquêtes ont permis de recueillir des preuves circonstancielles pour l'inclinaison particulière de l'équipe criminelle à l'utilisation prudente des «dispositifs protégés», dans le cadre de la communication téléphonique nécessaire qui existait entre les associés, les fournisseurs et les dealers, en utilisant la plupart du temps la dernière génération de téléphones cryptés. Cola, lui était le fournisseur de véhicules à la disposition du réseau, via une société de location de voitures, Pluriservice Ltd., dont le siège est à San Giuseppe Vesuviano. 
La drogue transitait chose rare par le port calabrais de Gioia Tauro grâce à un contact local. C'est ce qu'a affirmé Gianluca Amirante, un des coopérateur de justice arrêté en 2014 dans une agence immobilière de Fuorigrotta.

«Je connaissais Natale depuis 2007, c'est moi qui qui lui fournissait de la cocaïne, 3 à 5 kilos. Puis il y a une saisie de la police dans le port de Salerne. 20 kilos dans un chargement de crevettes venus d’Équateur. (…) suite à ça j'étais associé avec Pasquale Fiorente et j'ai demandé à Natale s'il ne connaissait pas un contact pour faire passer la drogue en Italie et il m'a parlé de ce calabrais de Gioia Tauro. Je l'ai rencontré là-bas ce contact et il a demandé pour salaire 30% de chaque chargement de drogues, Fiorente a refusé le deal.» (campaniacrimenews janvier 2018)

Ces 20 kilos saisis en juillet 2013 à Salerne appartenaient à 5 clans qui s'étaient associé ensemble: les Lo Russo (Miano et Secondigliano), les Castaldo (Caivano), les Gallo-Cavalieri (Torre Annunziata), les Annunziata (Boscoreale) et les Pecoraro (Salerne et Battipaglia). 
Gianluca Amirante et son frère Luigi étaient les «chefs du réseau» en lien avec leur intermédiaire Arturo José de la Rosa Mendez. Gaetano Di Ronza un autre membre du réseau avait aussi des contacts avec des trafiquants en Espagne. Carmela Baldassarre et Francesco Alfano s'occupait d'approvisionner Ancône et Ascoli Piceno (Marches). 

Natale Scarpa  (Campania Crime news)

Natale Scarpa (Campania Crime news)

Au pays des tulipes

Qu'on reparle des réseaux camorristes aux Pays-Bas n'est pas un hasard. En fait Raffaele Imperiale a toujours gardé un œil et une oreille aux Pays-Bas. Il lui a bien fallu y revenir car si son réseau espagnol n'est plus, lui est toujours actif et semble avoir des engagements importants à tenir. Aux Pays-Bas il va y trouver des associés de taille. Des gens qui veulent à tous prix s'affranchir de la «taxe» que la 'Ndrangheta s'octroie pour tous transports de cocaïne vers l'Europe. Les monténégrins, les marocains ect...ont bien des idées pour trouver des nouvelles routes grâce au concours des gangs antillais et brésiliens qui à l'instar des albanais en Europe gagne en importance dans les logistiques des dizaines de réseaux qui jalonnent l'Amérique du Sud. Partir de Montevideo ou de Santos et faire un détour par le Bénin ça les connaît. Mais finalement la marchandise a souvent le même point de chute la Belgique et les Pays-Bas.
C'est d'ailleurs dans le pays des tulipes que Francesco De Simone, le narco-broker des clans Gionta et Gallo-Cavalieri est intercepté. Surnommé on ne sait pourquoi «Quaglia quaglia» ("Caille Caille") et originaire de Torre Annunziata, il était recherché depuis mars 2015.
En cette année 2018, les réseaux des trafiquants des Balkans, très prégnants dans la logistique du trafic international sont secoués par des tensions importantes. Principalement au Monténégro où deux clans se disputent l'hégémonie locale laissé vacante par Darko Saric mais aussi aux Pays-Bas où plusieurs règlements de comptes vont se dérouler. Une guerre entamée en 2015 après l'assassinat dans un parking sous-terrain de Goran Radoman, le frère de Vladan référent monténégrin du narco-trafiquant Darko Saric aux Pays-Bas. Une guerre dont je parle dans une autre série d'articles.

De la drogue coupée au cacao

Nonobstant ces violences, la cocaïne coule à flot à Rotterdam et particulièrement à Anvers le hub belge. En 2017 un nouveau record a été établi par les Douanes locales avec la saisie au total de 39,5 tonnes de cocaïne à couplé avec 25 fusillades (lire mes articles sur la mocro maffia).
En avril 2017, 19 personnes sont été arrêtées trafic de drogue depuis la Hollande. Une fois arrivée en Italie, la drogue était vendue dans plusieurs régions, Campanie, Latium, Ligurie, Ombrie et Toscane. Le responsable du réseau est Carmine De Rosa , résident à Antimo et lié au clan Amato-Pagano. Le réseau comptait aussi un homme des Vanella Grassi, Diego Colurcio, 31 ans, déjà cité dans une affaire de matchs de football truqués en Serie B (2ème division italienne) il y a 2 ans.
Ce réseau en plus d'être une collaboration entre gangs nigérians et napolitains, avait la particularité d'avoir une drogue coupé avec du....cacao !
Et d'ailleurs les écoutes téléphoniques de l'enquête prouvent que les dealers se plaignaient souvent au «grossiste» de la piètre qualité de la drogue et que les clients refusaient de payer.
L'enquête rapporte notamment les propos tenus au téléphone par Innocent O., un des passeurs à Rome qui explique à un des leaders de l'organisation, Jeff O. qu'il y a un acheteur qui conteste la qualité du produit et refuse de régler la note.

«Je ne veux pas perdre d'argent à cause de vous et continuer à risquer ma vie, les acheteurs sont également prêts à tuer ceux qui ont mis ce genre de choses sur le marché» ajoute-t-il.

En août 2018, le Container Control Program (CCP), un programme soutenu par les Nations Unies et l’Organisation Mondiale des Douanes, a été mis en place dans 14 pays d’Amérique Latine et des Caraïbes. En 2017, 44,4 tonnes de cocaïne ont été saisies dans les ports de ces pays et déjà 31,7 tonnes dans les 8 premiers mois de 2018. sur ces 76,1 tonnes, 53 tonnes devaient être expédiées vers l’Europe, dont 33 tonnes vers la seule Belgique. 

En février, 17 arrestations s'opèrent à Ponticelli et San Giovanni a Teduccio en lien avec un trafic de drogues international (Colombie-Espagne-Pays-Bas) et d'armes. Le réseau approvisionnait aussi Massa Carrara en Toscane, Latina dans le Latium et Frosinone. 20 kg de cocaïne, 20 de haschisch, 5 de marijuana, 170 000 euros en billets de faux 20 euros et plusieurs armes ont été saisis. San Giovanni a Teduccio où les tensions sont encore une fois vives entre les ennemis sempiternels les Mazzarella et les Rinaldi et leurs alliés des Formicola. Une querelle qui a déjà conduit ces derniers mois à la mort d'Antonio Perna (des Mazzarella), tué le 22 décembre, dans l'explosion d'une bombe qu'il plaçait. 
2 mois plus tard c'est un vaste réseau géré par le clan Orlando, qui semble avoir «hérité» des attributions des Nuvoletta-Polverino qui est visé.
Des tonnes de cocaïne de Colombie qui, après un premier arrêt aux Pays-Bas, arrivait à Naples à bord de camions, où il a été distribué dans certains des principales piazze de la ville et de la province entre 2013 et 2014.

Du district de Traiano à Paco Verde de Caivano, en passant par la région de Marano et les municipalités voisines contrôlées par le clan Orlando (héritiers des Nuvoletta-Polverino) dans la région de Torre Annunziata. Il y a 62 ordonnances de garde préventives (53 en prison et 9 en résidence surveillée) émises par le juge des enquêtes préliminaires. On trouve aussi des éléments des clans Nuvoletta, Leone et Ciccarelli dont Antonio Nuvoletta, fils d'Angelo et Giacomo Di Pierno.
Les enquêtes ont permis de mettre au jour deux personnalités de l’organisation. Le premier porte le nom de Bruno Carbone, 41 ans, fugitif depuis plus de quatre ans et considéré par les enquêteurs comme l’un des principaux courtiers en cocaïne sur l’axe Amérique du Sud-Naples. Ce Bruno Carbone a déjà une jolie carte de visite et un visa bien tamponné. Recherché pour purger une peine de 20 ans pur trafic de drogue international, il traine ses guêtres entre l'Amérique du Sud, les Pays-Bas et...Dubaï. On lui prête d'ailleurs des liens avec un autre résident local Raffaele Imperiale. Pour le débusquer, la Guardia di Finanza s'est attaqué à ses actifs et à la suite d'un décret de perquisition émis par la Direction anti-mafia du district, les carabiniers ont confisqué 240 000 euros en espèces dans une villa de Giugliano dans la région de Lago Patria, qui  appartenait à son ex-femme.

Bruno Carbone (InterNapoli)

Bruno Carbone (InterNapoli)

Arrestation de Pasquale «o' Marziano-Shrek» Fucito

Carbone avait des liens directs avec une organisation criminelle de Cali qui avait un référent fixe en Italie et qui arrivait chaque semaine à Naples, logeant dans des hôtels de luxe, pour collecter l’argent (un million d’euros) des différents deals de cocaïne. Ensuite, ils ont pris le train pour se rendre à Milan en provenance du directeur d’une société spécialisée dans les fours de fusion, dans lesquels l’argent était caché pour être envoyé en Colombie avec les produits qu’ils fabriquaient. Le PDG, qui ne détient qu'une partie des actions de la société (actuellement non impliquée dans l'enquête et apparemment pas au courant de tout) a été arrêté. Le second répond au nom de Pasquale «o' Marziano-Shrek» Fucito, 35 ans, lié au clan Ciccarelli de Caivano. Fucito, à qui l'anti-mafia a confisqué des actifs, notamment des villas, des appartements et des entreprises, s'est rendue avec plusieurs millions d'euros presque chaque semaine en Hollande, en compagnie de l'amant, afin d'acheter la cocaïne. 

A également été cité dans l'enquête, Lazzaro Cioffi, un carabinier de l'unité d'enquête du Castello di Cisterna, ami et "garant" de Fucito (il aurait annoncé à l'avance certaines opérations de l'Arma) et qui a épousé Emilia D'A. liée à la Camorra de Maddaloni (Caserta). Les référents colombiens José Antonio Ayala Gomez, responsable des achats en Colombie, Hernan Alberto Avivo Aguirre et Julian Andres Ayala Gomez, les deux représentants. Antonio Escobar Ramirez et Antonio Pareles Gomez ont aussi été arrêtés.
On trouve aussi 2 frères néerlandais d'origine italienne, les  Bianco, fils de Luigi Bianco, un chef (de cuisine !!) originaire de Campanie qui possède un restaurant à Groningen. Stefano avait été arrêté en novembre 2017 à bord d'une voiture près de Rome avec 7,5 kilos de cocaïne. Il est actuellement incarcéré dans la prison Rebibbia. Son frère Raffaele, 35 ans est soupçonné d'avoir lui aussi servi de courrier aux trafiquants. Leur ami Francesco Vasaturo, un natif de Vallo della Lucania  près de Salerne, a été arrêté en avril.
Parmi les autres interpellés, quelques surnoms ronflants : Antonio «Tonino 101» De Liso ; Giacomo «Giacomino a qualità» Di Pierno ; Marco «a vacchia» La Volla ; Vincenzo «Burberry» Torino ; Andrea «Tic Tac» Lollo ; Vincenzo «Enzuccio 'o giornalista» Manauro et Raffaele «Lello o pazzo» Garofalo. 

Pasquale Fucito (Stylo24) ; Fucito en réunion avec Cioffi et sa femme dans un restaurant (Casertanews.it)
Pasquale Fucito (Stylo24) ; Fucito en réunion avec Cioffi et sa femme dans un restaurant (Casertanews.it)

Pasquale Fucito (Stylo24) ; Fucito en réunion avec Cioffi et sa femme dans un restaurant (Casertanews.it)

Le Super Cartel

Dans une autre série d'articles j'ai évoqué le spectre du Super Cartel auquel Raffaele Imperiale appartenait, je vous invite à aller prendre connaissance de tout ça plus en détail ici et pour éviter les doublons je n'évoquerais ce sujet que brièvement dans le présent article.
La découverte de ce SuperCartel découle de plusieurs enquêtes convergentes de plusieurs services internationaux, DEA en tête. 
Des messages cryptés de type PGP tombés aux mains de la police néerlandaise, des mails et des écoutes pour les irlandais, des photos et des filatures pour la DEA ect... Toutes ces preuves démontrant l'existence d’une super entité animé par plusieurs gros narcos européens responsables du tiers de la drogue transitant à Rotterdam ces dernières années.  
PGP, Ennetcom, MPC, puis plus tard Sky ECC et Encrochat, autant de services de téléphonique dont la police a pu consulter par divers moyens (dont certains encre sujet à débat comme Enetcom voir article (https://jean-philippe-savry.over-blog.com/2020/11/le-hacking-d-encrochat-le-miroir-aux-alouettes.html) les messages échangés.
De ces enquêtes des noms ronflants sont sortis, Ridouan T., «Rico le Chilien» aka Richard S.E.R.V., Daniel Kinahan, Edin Gacanin et enfin Raffaele Imperiale. Leur QG, Dubaï. Un document de la DEA affirme même que plusieurs d'entre eux se trouvaient ensemble lors du mariage de Daniel qui s'est déroulé en 2017 à l'hôtel Burj Al Arab (où ils ont tous vécus)
. On dit même que le dit mariage avait été sonorisé à l'initiative d'un service secret occidental. Cette rumeur fait écho à des informations diffusés par ce qui fut un célèbre compte anonyme sur twitter. (lire https://jean-philippe-savry.over-blog.com/2018/09/irlande-guerre-fratricide-a-motherland-partie-12.html) Aujourd'hui, ça parle même de marier les progénitures des uns et des autres (il y en a même déjà eu un) forgeant une alliance des plus solides à la façon calabraise. Et tout ça au nez et à la barbe de tout le monde un peu comme quand Toto Riina alors recherché partout, profitait du soleil campanien un soir de 1992 pour assister à....un mariage, celui des enfants de ses alliés camorristes des clans Lubrano et Nuvoletta. 

Le lien entre "Rico le Chilien" et Imperiale a pu être établi par de simples échanges de mails. A son procès préliminaire en février 2019, Rico aurait accepté la demande d'audition de «Lello Parente» mais à ce jour il n'aurait pas été encore entendu à contrario d'un autre gros narco, qui se dit "ranger des voitures", Robert "Mink" Kok à qui le Chilien faisait concurrence. Il a même tuer son «bagman» en 2013. Cette montée en puissance du Chilien s'est opéré en même temps que celle de Ridouan dont l'ombre plane au dessus de l'assassinat en 2014 de  Samir «Scarface» Bouyakhrichan. Un assassinat qu'on prête à un sicario du Cartel Kinahan, des alliés irlandais à l'époque fortement implanté sur la Costa del Sol avant un déménagement opportuniste à Dubaï quelques semaines avant une vaste opération contre leur actifs espagnols.
Dans un échange de mails, par exemple, Richard aurait ordonné à un complice, d'assassiner d'un coup de couteau, Karim Bouyakhrichan, (qui a une entreprise d'achat et de vente de biens immobiliers enregistrée à son nom à Malaga depuis 2008 et qui a été résilié le 25 janvier 2017), le frère de Samir à Dubaï sur ordre de Raffaele Imperiale qui devait l'attirer dans un piège. Les preuves s'accumulent sur les relations quasi fraternelles qu'entretenaient tous ces hommes dans un monde où pourtant la loyauté si elle est souvent souhaitée et primée n'en est que plus rare. Ils se sont mutuellement rendus des services afin d'éliminer leurs concurrences respectives. Des faits assez inédits dans les annales du crime organisés et les révélations vont continuer.

Un historique de la came

Pour revenir à ce qui nous préoccupe, l'Espagne reste et restera un lieu de villégiature pour les mafieux de tous lieux et de toutes sortes. La police italienne va continuer d'y arrêter nombre de compatriote à qui l'air espagnol à l'air de mieux convenir. 
Prenez Fausto Pellegrinetti par exemple. Ce narco au long cours âgé de 76 ans, ex membre de la Banda Magliana. On retrouve sa trace près d'Alicante en janvier 2018.  Il était recherché depuis plus de 15 ans pour purger une peine de 13 ans pour trafic de drogues et blanchiment. En 1992 il avait été arrêté avec 550 kilos de cocaïne.
Entre 1996 et 1998, il a été accusé d'avoir blanchit 6 milliards de lires, le produit du trafic de drogue. Pellegrinetti, avec divers alias (Franco, Enrico Longo, Franco Pennello, Giulio Dedonese), avait des contacts avec des membres éminents de la Banda Magliana et du clan des marsegliesi d'Albert Bergamello, Maffeo «Lino» Bellicini et Jacques Berenguer.
Le 22 octobre 1993, il s'échappe de la clinique romaine «Belvedere Mondello» où il était hospitalisé et sous surveillance.
En 1980 avec sa bande de Tufello, il rencontre dans un restaurant de Trastevere Daninol «er Camaleonte» Abbruciati, Edoardo «l'Operaietto» Toscano et Antonio «Accatone» Mancini de la Banda Magliana. Lors de cette réunion on a établi la collaboration sur les activités de marché noir, l'enlèvement, le vol et l'extorsion mais pas sur le trafic de drogue. On aurait aussi discuté selon le repenti Antonio Mancini de la mort du juge Imposimato.
Entre 96 et 98, Pellegrinetti, est à la tête d'un triumvirat avec Primo Ferraresi et Giuseppe D'Alessandri dans la région de Malaga. Cette organisation est responsable de l'importation de 5000 kilos de cocaïne sur le marché romain pour une valeur de 55 millions de dollars. Le triumvirat s'associe ensuite au clan Senese et Barbaro Papalia de la 'Ndrangheta.
Son bras droit, était un palermitain avec d'excellentes connaissances en Amérique Latine, Rosario Lillo Lauricella avec qui en 97 il blanchit 16 milliards de lires en achetant et installant des milliers de machines à sous au Brésil. Lauricella deviendra repenti et sera exécuté en 2002 à Caracas. (Il Fatto Quotidiano - Crimorg.com)

 Fausto Pellegrinetti (Il Fatto Quotidiano)

Fausto Pellegrinetti (Il Fatto Quotidiano)

Début mai à Salerne après le démantèlement fin 2017 de deux gros réseaux, l'un mené par  Salvatore Lauritano et l'ambassadeur italien de Sao Tomé et Principe, Angelo Antonio Toriello et celui lié à 5 clans dont les Lo Russo de Miano et les De Tommaso de Genny la Charogne et les Gionta de Torre Annunziata. Un 3ème canal d'approvisionnement a été découvert.
Les membres du réseau avaient créé une sorte "d'alphabet morse" constitué de sonneries téléphoniques signalant l'heure d'arrivée et les livraisons de la drogue. 77 mandats d'arrêt ont été délivrés. 
L'enquête est née après la tentative d'assassinat de deux personnes à Salerne le 22 mars 2013 et le meurtre d'une autre personne l'année suivante. Après ces épisodes, le substitut du procureur anti-mafia de Salerne, Vincenzo Montemurro a reconstitué la manière dont deux entités criminelles avaient mis en commun une base d'opérations à Salerne et Bellizzi. Les deux factions étaient dirigés par deux hommes liés au clan Pecoraro-Renne, Roberto Benicchi et Salvatore Del Giorno. Ce dernier, dans le passé, fut impliqué dans des vols qualifiés de bureaux de poste.
La fourniture de cocaïne, d'héroïne et de haschisch a eu lieu à Scampia et à Torre Annunziata. La drogue a ensuite été vendu sur les «places» de Salerne, Bellizzi, Battipaglia, Pontecagnano Faiano, de Cava de 'Tirreni et de Vietri sul Mare, à travers un réseau dense et organisé de dealers. Il a été créé, comme le souligne Montemurro, «un dôme interprovincial» qui gérait de manière unifiée le trafic de drogue en gros et planifiait le trafic avec l'Espagne.

Sito Minanco dans la colle

Les Galiciens, partenaires longtemps privilégiés des narcos italiens sont pleine tempête et même pour ces marins aguerris, celle-ci pourrait bien avoir leur peau. L'opulence des années 80 et déjà mis à jour par le travail du juge Garzon au début des années 90, a fait place à une plus grande discrétion mais somme toute, ces réseaux familiaux ont plus que roulés leurs bosses et leur savoir-faire continue d'irradier la zone, toujours en besoin de logisticiens chevronnés.
En février 2018, 42 personnes sont interpellées à Malaga, Algésiras, Madrid, Séville et en Galice et 47 perquisitions sont effectuées. Lors de la descente à Madrid pour interpeller 4 colombiens et un espagnol, deux policiers des forces spéciales (GEO) sont blessés lors d’une fusillade ainsi que le narco barcelonais Gonzalez Rubio. 
Au coeur du réseau se trouve encore José Ramon Prado Bugallo, «Sito Minanco». Il a été interpellé à Algésiras, alors que ses filles étaient arrêtées en Galice. A ses côtés, ont également été interpellés : Ramiro Somoza Nunez, autre figure connue des clans galiciens (arrêté en 2009 pour l'importation de 4 tonnes de cocaïne) ; le colombien Luis Enrique «Viejo» Garcia Arango (bras-droit de «Sito Minanco») ; ou encore David Pérez Lago, gendre d’un autre caïd galicien, Laureano Oubina.
Au cours de l’enquête, plusieurs saisies ont été effectuées. En octobre dernier, 3,8 tonnes de cocaïne sont interceptées sur un cargo au large des Açores ; 616 kilos de cocaïne découvertes dans un conteneur aux Pays-Bas en novembre ; 63 kilos de marijuana à Madrid, en partance pour Hambourg ; 889.470 euros à l’aéroport de Madrid à destination de Bogota. La saisie aux Pays-Bas a entraîné des tensions entre le réseau galicien et les fournisseurs colombiens : un membre du réseau de «Sito Minanco», Santiago Quintero Marin est abattu le 31 janvier en Colombie alors qu'il était arrivé de Madrid il y a à peine 6 jours. 

Les enquêteurs ont également détecté d'importants mouvements d'argent provenant prétendument du trafic de drogue. En février 2017, cinq membres du réseau ont été arrêtés à l'aéroport de Barajas alors qu'ils allaient prendre un vol pour Bogotá avec un total de 889000 euros dans le double fond de leurs sacs à dos. Des écoutes téléphoniques de Luis Enrique García Arango, l'un des principaux collaborateurs de Sito Miñanco, ont indiqué que ces fonds appartenaient au célèbre narco galicien. Prado Bugallo lui-même a utilisé personnellement entre novembre 2017 et janvier dernier une voiture Saab 93 à double fond pour effectuer au moins sept transports d'argent. Les trois certifiés totalisent 2,95 millions d'euros. L'enquête a également révélé que le clan aurait blanchi ses bénéfices par le biais d'une société de location de voitures à Algeciras, dont le propriétaire en sous-main était Sito Miñanco.
Dans la foulée, la police autonome catalane procède à l’arrestation dans la banlieue de Barcelone, sous une fausse identité, de l’ancienne avocate Maria Tania Varela Otero, née en 1974. En fuite depuis 2013, elle faisait l’objet de 3 mandats d’arrestation pour blanchiment d’argent et trafic de stupéfiants. Recherchée par Europol et Interpol, elle avait été condamnée en 2013 à 7 ans de prison après la saisie d’1,7 tonne de cocaïne. Varela Otero a été la compagne de David Pérez Lago, gendre du caïd galicien Laureano Oubina. Elle a ensuite entretenu une liaison avec Alfonso Díaz Moñux, avocat d’un autre caïd, Sito Miñanco. L’avocat a été abattu à Madrid en 2008.
Autre interpellation de marque, celle du colombien Gonzalo German Sanchez Rey, dit «El Coletas». Il est recherché par les autorités américaines suite à la saisie en juillet 2009 de 713 kilos de cocaïne dans les Caraïbes. Il avait déjà été arrêté en Colombie puis extradé vers l’Espagne en 2011 où il avait été condamné à 8 ans de prison, considéré comme faisant le lien entre les cartels colombiens et les clans galiciens. 

Sito Minanco (Shutterstock)

Sito Minanco (Shutterstock)

La banque personnelle des hauts fonctionnaires russes

Les réseaux de blanchiment russes, autres associés de choix des mafieux italiens installés sur la «Costa del Crime», connaissent aussi leurs déboires au même moment. Procès d'abord de membres ou associés du clan Tambovskaya-Malyshevkaya, dont le chef, le vor v zakone Gennady «Genna» Petrov, était implanté en Espagne en 1996. 
Il a été arrêté en juin 2008 lors de l’opération «Troïka». Il devait être jugé aux côtés de ses deux lieutenants Alexander Ivanovich Malyshev et Olga Solovyeva, mais aussi de l’ancien Président de la Commission Parlementaire sur les Marchés et les Institutions de Crédit de la Douma, Vladislav Matusovich Reznik. Cependant, Petrov et Malyshev avaient été libérés et ils sont depuis en cavale. 
Dans ce procès deux accusés vont admettre l'existence du système de blanchiment d'argent par l'acquisition de l'immobilier espagnol.
En février 2018, 18 des 27 membres du gang se sont retrouvés derrière les barreaux; ils étaient engagés dans la légalisation des produits criminels en Espagne. 
L'Audiencia Nacional a interrogé Mikhail Rebo, Leonid Khazin et Yury Salikov.
Rebo a admis qu'au début des années 2000, il avait blanchi de l'argent par l'intermédiaire d'entreprises allemandes et chypriotes en faveur du leader du groupe du crime organisé d'Alexander Malyshev et de sa femme Olga Solovyova et de Sergei Kuzmin. Ce dernier était actionnaire de la Bank Rossiya, désignée par le Trésor américain comme «la banque personnelle des hauts fonctionnaires de la Fédération de Russie». 
Rebo, agent immobilier installé à Berlin, arrêté en 2008 dans l'opération Troika avait conclu un accord de plaidoyer et a été condamné à deux ans d'emprisonnement et à une amende de 1,6 million d'euros.
Khazin de son côté a divulgué les détails du système de blanchiment d'argent par le biais de sociétés enregistrées en Espagne, en Grande-Bretagne, au Panama et au Liechtenstein. Selon lui, le propriétaire des sociétés écrans était Sergey Kuzmin. 
Salikov, qui vivait à Majorque à côté de Gennady Petrov, est revenu de son précédent témoignage affirmant qu'il le connaissait depuis 30 ans. Il a dit qu'il avait quitté l'URSS en 1989 et était un partenaire commercial de Petrov «pour une courte période». Ainsi, ils ont dirigé Sunstar Inversiones, qui, selon le bureau du procureur, "n'a mené aucune activité commerciale". Selon Salikov, il ne connaissait pas le casier judiciaire de Petrov. En outre, Salikov a coupé tout contact avec un autre principal suspect, Alexander Malyshev, et son épouse Olga Solovyova.

Opération «Oligarkh»

L'enquête aura duré 11 ans. Le bureau du procureur exigeait 5,5 ans d'emprisonnement et des amendes de 100 millions d'euros, il n'en sera rien. 
On ne sait pas par quel procédé mais en octobre c'est un acquittement général. Plusieurs sources, notamment Eutoday.net, parle d'intervention du FSB. Le tribunal a statué qu'il n'avait pas les moyens de déterminer la source exacte des revenus des accusés, de sorte que les aveux pouvaient être ignorés.
En septembre 2017, la Guardia Civil, soutenue par Europol, mène l’opération «Oligarkh» contre les organisations criminelles russes Solntsevskaya et Izmailovskaya. Rivales en Russie, ces organisations sont associées en Espagne, où elles blanchissent de l’argent dans la région de Malaga. Les mafieux auraient ainsi investi au moins 30 millions d’euros dans le tissus économique de la région. 11 personnes sont interpellées, dont Arnold «Tamm» Spivakovsky (membre de la direction de la Solntsevskaya et proche des caïds Semion Mogielevitch et Serguei Mikhailov). En janvier 2018, toutes les personnes arrêtées dans cette affaire sont libérées.
Malgré le fait  que les enquêteurs ont trouvé des photos récentes du boss Mogielevitch dans le smartphone de «Tamm». 
Ils ont également découvert un cliché pris dans un hôtel 5 étoiles de Moscou lors d’un événement visiblement festif. Sur une même photo se retrouvent notamment «Mikhas» Mikhailov, le député Vladimir Shamanov et l’entraîneur Yury Syomin qui avait déjà été vu aux côté du vor Oleg «Shishkan» Shishkanov (devenu en mars 2018 le vor numero 1 en remplacement de Zakhary Kalashov incarcéré pour 10 ans).
Le Général Vladimir Shamanov, décoré «Héros de la Russie», est un ancien commandant des troupes aéroportées, avant de prendre sa retraite en 2016 et de devenir député de la Douma où il prend la tête du Comité de la Défense. En 2009, deux groupes de parachutistes sont envoyés pour stopper les policiers qui souhaitaient perquisitionner l’usine de son ex-gendre Alexey «Glyba» Khramushin, chef du gang Tatarske (en fuite, recherché pour plusieurs «contrats»). 
(Crimorg.com)

Gennady Petrov (BBC)

Gennady Petrov (BBC)

En Colombie, pour parler brièvement c'est le zbeul. Medellin connaît de nouveau des heures très sanglantes en cette fin d'année 2017 et début 2018. Le 22 janvier, des tueurs dans un camion interceptent une camionnette qui transportait, dans le quartier d'El Poblado (banlieue de Medellin), Luis Fernando Castano Alzate, 49 ans, dit «Botija» ou «Firma», qui a été abattu. Arrêté en 2009 suite à son inculpation pour trafic de cocaïne par un tribunal de Tampa, il est extradé aux États-Unis et est revenu après 4 ans de prison puis intègre la bande «Oficina de Envigado». «Botija» était présent début décembre dernier à la fête organisée par Juan Carlos Mesa Vallejo, surnommé «Tom» ou «Carlos Chata» en compagnie de Jhon Jairo Velásquez Vásquez  aka «Popeye», l'ex chef des tueurs de Pablo Escobar. «Tom» a été arrêté alors qu’il célébrait son 50ème anniversaire, en compagnie de 9 hommes (dont «Botija»), 4 femmes et deux mineurs. «Botija» tentait d’assurer sa succession à la tête du gang, ce qui lui a peut être coûté la vie.
Les autorités estiment que Geova Buriticá Hincapié, alias «Geova» ou «Camilo Chata», 47 ans, sera le nouveau maître de cette aile du «Oficina de Envigado». Pendant des années, il a dirigé le groupe «los Chatas», et les autorités américaines tentent de l'impliquer dans l'acte d'accusation qu'ils préparent contre «Tom». 
Depuis son arrestation plus de 28 meurtres ont été commis lors de règlement de comptes internes.
Le 15 janvier, l’arrestation, à Medellin, d’Eber Antonio David Úsuga, dit «Leo», considéré comme le n°2 de la bande criminelle «Clan del Golfo» n'aide en rien à calmer les choses. Il était recherché pour association de malfaiteurs, homicides (notamment celui d’un lieutenant de l’Armée), tentatives de meurtre, détention d’armes et utilisation illégale d’uniformes. A la tête d’un sous-gang de 150 hommes, il s’était lancé dans une guerre à mort avec les rivaux du gang «Los Rastrojos».
Le 9 février, les autorités mettent la main sur Sebastián Murillo Echeverry, alias «Lindolfo», le fils de Rodrigo Murillo, un associé de Pablo Escobar que le fondateur du Cartel Medellín a fait tué dans les années 1980.

Le fiston jouait un rôle de premier ordre au sein de l'Officina de Envigado à Carthagène. Avec son ex femme, la présentatrice de télé Vaneza Pelaez il aurait blanchi de l'argent grâce à ses sociétés de mannequinat. Fréquentant la Jet-Set, plusieurs personnalités ont eu tôt fait de supprimer les photos de «Narco Junior» de leur instagram (Daniela Ospina ex femme du footballeur James Rodriguez  par exemple).
Bien que mondain, Murillo dirigeait aussi l'aile militaire du gang, dédiée à l'usure, le trafic de drogue et les assassinats en remplacement de Fredy Alonzo Mira Pérez «Fredy Colas» après son extradition aux USA en 2015.

La bande de "Los Miami»

Ces tourments colombiens vont-ils jusqu'à toucher les référents européens ? 
A en croire l'assassinat de José Ricardo Rojas Montes le 12 mars 2018 il se pourrait que oui. 
«Richi» est abattu dans la banlieue de Madrid, alors qu’il venait de déposer son fils devant son collège. Deux hommes en moto ont fait feu à 13 reprises sur son véhicules, le touchant 10 fois mais épargnant sa compagne, également présente dans le véhicule. 
Colombien naturalisé espagnol, ancien membre de la «bande des Miami», qui contrôlait le monde de la nuit madrilène entre les années 1990 et 2011. En janvier 2016 il a fait l'objet d'une enquête avec Mario Zanata pour trafic de drogue en lien avec la saisie de 402 kilos de cocaïne à Guyaquil. Los Miami disposait d'un laboratoire hors norme dans la région madrilène géré par 4 professeurs de biochimie issus de l'université de Bogota.

Homme intermédiaire, les pistes menant aux commanditaires sont multiples, ils avaient en effet aussi des clients en France et en Italie. Le mobile pourrait bien être le procès du gang qui devait se dérouler fin mars avec sur le banc des accusés les animateurs du réseau, les frères Alvaro et Artemio Lopez Tardón ainsi qu'Ana María Carmelo «la reine de la coca».
En mai une collaboration policière internationale permet la saisie de 2,5 tonnes de cocaïne. Partie de Cartagena (côte caraïbe de la Colombie), la cocaïne est arrivée par bateau à Lisbonne avant d’être dissimulée dans des voitures pour être acheminée en Espagne. Le chargement était en fait suivi par satellite depuis le début. 7 véhicules contenant 1 tonne de cocaïne ont été interceptés. En parallèle, 1,5 tonne de cocaïne ont également été saisie au Portugal alors qu’elle devait prendre la même route à bord de 4 autres véhicules. 7 colombiens, 3 polonais et un espagnol ont été arrêtés. En Colombie, le responsable de l’expédition depuis Cartagena, Larry Bonilla de la Barrera, lié au Clan del Golfo, est interpellé. 

Si ces saisies sont d'importances, elles n'empêchent en rien la prolifération des réseaux. Tout juste servent-elles durant un temps à identifier de nouvelles routes et à améliorer le filtrage sur certaines zones mais on le sait, la came finit toujours par arriver. Les quantités sont phénoménales et paradoxalement la confiscation des drogues engendrent moins de conflits qu'à une certaine époque entre fournisseurs/producteurs, logisticiens et clients/débiteurs. 
Toutefois en 2018 la Costa del Sol va être l'espace de quelques mois une véritable cocotte minute prête à exploser. Les équipes de rip-deal (spécialisées dans le vol de la drogue à d'autres réseaux) pullulent dans la région. La Mocro Maffia néerlando-belge ne sera pas étrangère dans ces tensions.  Règlement de comptes, fusillades, enlèvement, séquestration, attentats, agressions au couteau ect... tout y est passé. 

A Naples on deale toujours

A l'aube du 31 janvier, une opération de police dans le centre historique de Naples a découlé à l'arrestation de 19 personnes liées au clan Farelli (inféodé aux clans Elia et Mariano) pour trafic de drogue, port d'armes, fusillades, usurpation et vol.
Le clan était mené par 3 femmes Angela «Brioche» Farelli, maman de Francesco Valentinelli, interpellé lui aussi en prison puisqu'il avait déjà été arrêté le 30 novembre 2017, pour le meurtre de Gennaro Verrano le 17 novembre (on le soupçonne aussi d'une tentative de meurtre commise en 2015), Maria «e'fraulella» D'Amico, sœur du boss de la zone Conacal de Ponticelli et Adriana Bianchi.
C'est en tout les équipes de 4 piazze qui sont démantelé. Angela Farelli s'occupait de celle via Vico Tre Re avec sa comparse Rosa «Rosettina» Balsamo. Anna Farelli, dont le mari Salvatore Maggio, est devenu repenti, y travaillait elle aussi. Angela Farelli faisait le guet depuis sont domicile. On trouve également Maria «Maruzzella» Tomei, 63 ans, (la fondatrice de cette piazza) et son mari Francesco Farelli, les parents d'Angela.
Le clan avait des clients fidèles qui commandaient leur drogue par téléphone et se faisaient le plus souvent livré à domicile. Les clients appelaient ou envoyaient un sms avec ds codes spécifiques pour chaque drogue. 
L'autre piazza était géré par Maria D'Amico qui est aussi la belle-sœur d'Enrico Ricci, considéré comme le régent des Quartieri Spagnoli. Son mari et son fils, Luigi «Gigetto» Nocerino et Carmine ont eux aussi été interpellé.

La troisième piazza à Pallonetto di Santa Lucia était géré par Adriana Bianchi, référente du clan Elia et épouse du capo Renato. Elle était déjà en détention pour association mafieuse (10 ans). Son fils Antonio Michele Elia travaillait avec elle.
La dernière piazza est celle de Massimo Capasso via Correra, qu'il gère avec sa femme Flora Fierro et son fils Giovanni, tous deux assignés à domicile.
Le mois suivant c'est au tour du clan Vastarella du quartier Sanità à Naples de subir un raid de la Brigade Mobile. 18 personnes, y compris les dirigeants actuels du clan Patrizio Vastarella et son fils Antonio, qui avaient hérité des rênes après l'arrestation  de Raffaele, frère de Patrizio, en 2014.
Patrizio avait par le passé déjà été condamné pour son appartenance au clan Licciardi. Libéré en juillet 2015, il est revenu à Sanità et a réaffirmé à son autorité grâce au soutien de sa femme Dora Steterini qui semble être devenue sa porte parole, son fils Antonio, ses neveux Fabio Vastarella, Alessandro et Raffaele Ciotola et Mike Korkoi et de son alliance avec les Masseria Cardone.
Cette période a vu de nombreux affrontements avec d'autres clans, les Genidoni-Esposito  (fusillade via Fontanelle qui a vu la mort de Giuseppe Vastarella, et son beau-frère Salvatore Vigna et les blessures de 3 autres personnes dont Alessandro Ciotola). Et avec le clan Sequino. Parmi les interpellés on trouve, Daniele Pandolfi, qui a échappé récemment à une embuscade qui a coûté la vie à Antonio Bottone et Salvatore Basile qui était auparavant lié aux Esposito-Genidoni une autre faction de Sanità.

La veille de l'opération c'est le capo piazza de Parco Verde (Caivano), Rolando Vasapollo, 60 ans, qui est arrêté.

Angela «Brioche» Farelli (Teleclubitalia)

Angela «Brioche» Farelli (Teleclubitalia)

En ce début d'année 2018, plus que l'actualité judiciaire du clan Amato-Pagano ce sont les activités des mal nommés "baby gangs" qui font la Une de la presse. Certes les violences ces derniers mois entre bandes sont devenues quasi quotidiennes mais le problème c'est surtout qu'elles se déroulent dans le "Napoli bene", où la movida napolitaine et étrangère s'enjaillent. Et ces bagarres et même parfois coups de feu font jaser en haut lieu. Dorénavant on chasse le moindre indice de "l'ensauvagement" des jeunes prolos napolitains désœuvrés quitte à parfois se mettre le doigt dans l'œil jusqu'au coude.

Une de ces bandes, la "Parrocchiella di Montesanto" des Quartieri Spagnoli va détonner. Composé d'enfants âgés de 8 à 12 ans, une photo d'eux va circuler posant avec des  flingues et des battes de base-ball sur les réseaux sociaux. Phénomène médiatique s'il en est, ces jeunes vont servir de victime expiatoire à une presse avide de sensationnalisme. Tout le monde tombe dans le panneau, moi y compris. Problème il s'est avéré quelques jours après que la photo était fausse. Les enfants n'étaient pas armés mais posaient pour un type se présentant comme un photographe effectuant des castings pour la série Gomorra (ce qui ne semble être faux là aussi). Cette logique de territoire et de rivalité entrainant des conflits n'a rien de nouveau à Naples comme ailleurs mais tout d'un coup, par un coup de baguette magique, on a l'impression que l'imprévu ou l'accidentel devient l'essentiel de l'information. Un fait divers devient un produit d'appel politique et les politiciens ont fait des slogans publicitaires.

On peut reparler de l'utilisation outrancière des termes "baby gangs" et "baby boss" qui, malgré ce que croit Brut, sont bien plus anciens que ça. Je suis retombé sur des articles du début des années 90 où "baby boss" est déjà utilisé. A l'époque déjà des adolescents se faisaient tuer. Mai de nos jours ces termes sont devenus les parangons ultimes de la violence endémique qui toucherait les jeunes napolitains et par extension les jeunes en général (en Italie ou ailleurs). Plus enclin à la violence extrême et moins perméable à la morale. Mais la vérité est ailleurs où plutôt on la retrouve dans les archives de la criminalité. Quels âges avaient nos Apaches en 1900 ? Le produit de la réflexion poussant à faire croire que la criminalité est plus violente de nos jours ne reposent sur rien de tangible. 

Une hydre à 3 têtes

La police va investir le «Lot P» aka «le case dei puffi» (les maisons des Schtroumpfs de Scampia et y arrêter 9 hommes dont Salvatore «Totoriello» Russo, qui avait fait l'acteur dans le film «Gomorra» de Matteo Garrone sorti en 2008. Il y jouait un camorriste qui testait les futurs guetteurs munis de gilets pare-balles en leur tirant dessus. Russo avait déjà été arrêté 26 novembre 2016 au cours d'une opération dans la même zone, pris en flagrant délit en train de faire le guet. 
Quand à l'hydre à trois têtes qu'est le clan Vanella Grassi, il s'est régénéré, réformé, remodelé et tout ça dans un silence absolu malgré le travail accompli jusqu'à présent par la police. Le groupe d'origine de Secondigliano est maintenant divisé en trois sections, chacune autonome. Les enquêteurs observent ce qui se passe depuis des mois: la gestion financière du groupe a été déléguée à San Pietro a Patierno où se trouve la faction la plus puissante. Ce sont eux les épigones de Carmine Grimaldi et qui ont la lourde tâche de la gestion des «coffres» du boss Antonio Mennetta.
Entre les bâtiments de la Via Paternum et des Berlingieri, se trouve le bastion de ce premier sous-groupe qui aurait des contacts directs avec les Amato-Pagano les ennemis d'il n'y a pas si longtemps et entretiendrait de bonnes relations avec les Di Lauro. La deuxième faction est celle du centre historique de Secondigliano, celle du «noyau originel» du clan entre Vico Lungo Ponte et via Dante: elle serait actuellement gérée par deux cousins qui répondraient directement à ceux de San Pietro a Patierno. C'est une faction formée par des affiliés très jeunes et moyennement expérimentés. Le dernier groupe est celui de Scampia installé dans le Lot G: il s’agit du sous-groupe qui était jadis dirigé par Francesco Angrisano et qui a maintenant à sa tête un proche de Ciro «Cicciotto» Barretta arrêté le 31 janvier, pour le meurtre de Roberto Ursillo le 17 septembre 2012, le beau-frère d'Antonio Bastone que les Abate-Abbinante-Notturno avaient prévu de tuer 5 jours après Roberto. 

Le commando consistait en Arcangelo Abbinante, Giuseppe Montanera et Salvatore Baldassarre qui devaient attendre le feu vert d'Anna Ursillo, une mère de famille habitante du Lot G. Elle devait les prévenir par sms de l'arrivée de la cible. Une fois fait, Abbinante s'est introduit dans le bâtiment déguisé en femme (il portait une perruque) s'approchant de Barretta, ce dernier a senti le coup venir et s'est enfui et à pu échapper aux balles d'AK47. Montanera est un proche de Biagio Iazzetta, Alberto Cipolletta, Amodio Marrone qui géraient le "Chalet Baku" en 2012 avec Ciro o' cinese et Mariano Abete.

Les biens nommés "case dei puffi" (Napolitoday)

Les biens nommés "case dei puffi" (Napolitoday)

Les Abete-Abbinante-Aprea-Notturno sont touchés eux aussi. Gennaro Benvenuto, Michele Gaudino et Vincenzo De Luca, sont arrêtés pour extorsion à Scampia, plus précisément dans la zone de via Monte Rosa, dans les lots surnommés «Chalet Baku», «la 33» et les «Sette Palazzi». La via Monte Rosa est un des centres névralgiques du quartier en raison de sa forte densité d'activités commerciales.

Une saisie record

Les saisies de drogues à Naples sont rarement très importantes. On importe à flux tendu et la came part vite et est rarement entreposée en grande quantité quelque part.
Toutefois en avril , la Guardia di Finanza de Naples va mettre la main sur la plus grande quantité de résine de cannabis jamais découverte dans l’aire métropolitaine de Naples. 12 palettes de bois sous cellophane cachant 276 sacs de jute de blocs d’un kilo de résine de cannabis, fortement dosée en THC (la puissance active du cannabis), soit 8 tonnes de drogue. 
On s'interroge sur les propriétaires mais on penche vers un conglomérat clanique qui aurait pu mettre en commun un gros budget et une logistique pour alimenter toute la région et même au delà jusqu'en Sicile et à Rome. 
Dans la capitale italienne justement, un mois auparavant deux groupes criminels liés à la 'Ndrangheta et à la Camorra sont démantelés par les Carabinieri. 
Le réseau était dédié au trafic de drogue, et les deux groupes étaient en étroite collaboration dans la gestion d'une piazza à San Basilio dans la périphérie romaine (sur le modèle de Scampia). La faction napolitaine était dirigée par les frères Salvatore et Genny Esposito, fils de Luigi «Nacchella» et l'autre était dirigée par Vincenzo Polito, qui est lié aux représentants des familles calabraises Filippone et Gallico de Palmi.  Au cours de l'enquête, 25 kilos ont été saisis et environ 6 millions d'euros. Luigi Esposito a été un membre important du clan Licciardi et bras-droit du boss Gennaro (un des chefs historiques de l'Alliance de Secondigliano) et de Michele Senese «O Pazzo», boss d'Afragola pendant des années et référant camorriste à Rome.
Parmi les interpellés on trouve Zogu Airbender, un proche de Massimo Carminati, la pierre angulaire de l'affaire «Mafia Capitale».

Selon le rapport semestriel de l'anti-mafia de Naples, l'ouest de la ville a subi de profonds changements criminels au cours de l'année 2017.
Dans les quartiers de Fuorigrotta, Bagnoli, Pianura et Soccavo, y compris à Traiano, véritable marché de la drogue ouvert 24 heures sur 24, la police et les opérations des carabiniers ont porté un coup sérieux au crime organisé, alimentant «les aspirations expansionnistes» des clans moins affaiblis.
Traiano et Soccavo,  sont particulièrement surveillés. Après la fin du monopole des places de Scampia, Traiano est devenu le premier centre d'approvisionnement en drogue de la ville. Une montée en puissance facilitée par une position stratégique, à la sortie du périphérique de Fuorigrotta et la route de liaison qui relie Soccavo à Vomero, le trafic de drogue est la principale activité de subsistance de nombreuses familles criminelles locales.
L'opération de la police du 31 janvier 2017 a porté un coup sévère au clan Puccinelli-Petrone, emprisonnant 80 membres affiliés. A Traiano, les clans Puccinelli et Cutolo sont en concurrence pour le monopole du trafic de drogue. Ils sont en mesure de contrôler le marché de la drogue à la fois par la gestion de leurs propres points de vente et par l'approvisionnement constant des piazze de la zone, avec le paiement d’un pot-de-vin (environ 12 000 euros par mois) aux différentes familles Ivone, Tranchese, Pisa, Quaranta, Equabile, Perrella, Legnante.
Cette forte réduction des effectifs qui n’a toutefois pas ralenti l’activité de trafic de drogue dans les familles du quartier, plusieurs fois surprise par la police dans les sous-sols et sous les escaliers servant de véritables places de commercialisation de la drogue, situées entre la via Tertulliano, via Orazio Coclite, via Romolo et Remo et via Catone. Grâce avant tout aux jeunes talents qui, dans un territoire abandonné par les institutions, grandissent dans le faux mythe de la Camorra et de l’argent facile, les clans de Traiano reprennent petit à petit leur bien.
Une querelle oppose les familles historiques des Puccinelli-Cutolo aux sécessionnistes des Basile-Lazzaro établis dans le quartier voisin de Pianura avant leur démantèlement à l'été 2016. Depuis la situation est critique compte tenu des dépenses économiques de plus en plus lourdes que les familles criminelles doivent supporter pour garantir une assistance et, surtout, le silence à leurs affiliés en détention. 
Les positions de Giuseppe et Salvatore Lazzaro, le premier élément considéré affilié au clan Rione, tandis que le second était l'un des auteurs de la scission avec Gennaro Cozzolino. Tous deux sont les fils de Gaetano Lazzaro, le lieutenant historique du clan Grimaldi de Soccavo, décédé ces derniers mois chez lui à Pianura. Il avait été libéré de prison des années auparavant en raison de graves problèmes de santé.
Les nombreuses arrestations de ces derniers mois pourraient alimenter les objectifs expansionnistes du clan Cutolo, liés aux Puccinelli-Petrone. Les Cutolo est selon le repentant Maurizio Farraiuolo, une famille "très dangereuse" au regard des frictions passées avec les Ivone. 
En février et avril 2018 il y a deux embuscades contre des d'affiliés des Ivone. 
Le patron historique est Salvatore Cutolo alias «Borotalco». En prison depuis 2007. Au cours de cette décennie, c'est son fils Enzo qui a repris quelques jours avant le blitz du 31 janvier, prenait les rênes du clan pour extorsion de fonds aggravée dans une mauvaise histoire impliquant également le beau-frère Gennaro «Genny», Carra (mari de Candida Cutolo), accusée d' abus sexuel par la fille de 15 ans d'un affilié. 
Ne pas sous-estimer, dans ce quartier jadis fief des Grimaldi, la présence du clan Vigilia, frappée par six arrestations pour extorsion le 6 janvier 2018, mais désireuse de s'étendre. Le chef Alfredo «'o niro» est en prison depuis des années mais la gestion des affaires illicites a été confiée à la famille. Le clan est en querelle avec les Sorianiello, actifs dans la partie inférieure de Soccavo et la nouvelle génération du clan Grimaldi qui  sur la Via Vicinale Palazziello créerait de nombreux problèmes aux Vigilia.

Monte la dessus tu verras Miano

A Miano avec l'annihilation du clan Lo Russo, les dents s'aiguisent. Le 7 février Antonio Mele et Biagio Palumbo sont exécutés à bord d'une Peugeot via Janfolla. 
Les deux hommes ont été tués dans une zone à la périphérie de Naples qui relie le district de Miano avec celui de Chiaiano. Mele a été sous surveillance spéciale et est connu pour toute une variété de délits tandis que Palumbo n'a eu que de petits précédents.
Le 30 septembre 2016, un autre double meurtre, pour une querelle entre le clan Lo Russo, les «capitoni» et un groupe dissident. Domenico Sabatino, 40 ans, fils d'Ettore, ancien boss, devenu repenti et Salvatore Corrado appartenaient à une frange détachée du noyau central des Lo Russo qui tentait d'acquérir une autonomie dans la gestion de l'extorsion.
En ce qui concerne Mele et Palumbo, la police pense que eux aussi ont été trahi. Par un homme connaissant bien leur emploi du temps. Et c'est justement du côté d'un règlement de compte interne que pourrait pencher la balance. Depuis que Carlo le boss est en prison (et est devenu repenti) ce qui reste du clan s'est regroupé autour de Perfetto et Pasquale Angelotti. Les ambitions des Angelotti a dû se heurter à celles des vieux loups que sont Mele et Palumbo et dès lors ils sont devenus une gêne. Reste la théorie de la guerre avec les Napello, dont le régent, Valerio en résidence surveillée aurait pu avoir envie de venger la mort de «Carlo o pavone» et son homonyme cousin tués en mai 2017. La dernière théorie serait celle du clan Stabile-Ferrara, de Chiaiano qui cherche à récupérer une piazza perdue lors d'une guerre avec les Lo Russo il y a quelques années. A Naples on a plus de mobiles que de raisons de faire la paix semble-t-il.

Puisqu'on en est à parler des effusions de sang qui continue de tâcher la ville partenope, l'assassinat d'Annamaria «Nino D'Angelo/'o masculone» Palmieri a beaucoup alimenté la chronique mafieuse locale.  Au soir du 21 janvier, via Alveo Artificiale à San Giovanni a Teduccio  le corps percé de 3 balles dans la tête d'Annamaria est retrouvé. Rapidement comme c'est d'usage, les canards locaux dressent le portrait criminel de la victime et des ascendance criminelle. Liée au clan Formicola de la zone Taverna del Ferro. Elle se rendait chez son fils de 21 ans qui vit dans le quartier où elle a été tuée. Elle était connue pour trafic de drogue, association criminelle et extorsion.
Ensuite viennent les hypothèses et les mobiles et concernant 'o Masculone, il y en à foison à vrai dire. Première piste, un meurtre sur fonds de vieille querelle entre les Rinaldi et les Mazzarella. En effet, Annamaria avait des liens familiaux lointains avec les Rinaldi. La deuxième hypothèse parle d'un autre conflit entre les De Micco/Bodo de Ponticelli contre un cartel de clans : Formicola, Minichini-Schisa et quelques éléments des Rinaldi. Querelle qui a vu beaucoup de bombas et de fusillades dans le coin ces derniers mois. Une des bombas avait d'ailleurs causé la mort le 22 décembre dernier d'Antonio Perna, l'artificier et la blessure de sa compagne Monica «Monicuccia» Veneruso, tous deux liés aux Mazzarella. 2 autres hommes seront tués à Ponticelli dans 2 guet-apens lors de ce premier semestre 2018.
Une autre théorie émise par Voce di Napoli (la voix de la rue napolitaine) parle d'un différend entre Annamaria et la famille du boss intérimaire Francesco «Franco» Silenzio, qui est lié aux Formicola par le mariage d'Assunta Formicola avec Ciro Silenzio (le vrai boss des Silenzio). Mais il y aurait de l'eau dans le gaz entre les deux familles depuis quelques mois. Annamaria aurait aidé à une passion amoureuse interdite entre un homme des Silenzio et une femme du clan Formicola. Et cette relation aurait mis le feu aux poudres et Annamaria en aurait payé le prix fort. Annamaria était très liée à Assunta et à Maria Domizio, épouse du boss Ciro Formicola. Le 30 novembre 2021, 26 membres du clan Silenzio sont arrêtés dont les dirigeants Francesco, Vincenzo, Pacifico et Alfonso Silenzio. 

Annamaria "o Masculone" Palmieri (Voce di Napoli)

Annamaria "o Masculone" Palmieri (Voce di Napoli)

Le 13 avril, Dans le même quartier Giovanni Salomone le beau-frère du boss Salvatore «Pirata» D'Amico, considéré comme un proche du clan Mazzarella est touché par des tirs. On parle cette fois d'un conflit entre les D'Amico contre les Rinaldi-Reale. 12 jours plus tard c'est la maison de Giovanni qui est mitraillée.

A Caserte on privilégie le long terme de l'économie légale

Dans la région de Caserte, au contraire de Naples, les grosses organisations criminelles structurées sont toujours là bien qu'affaiblies. Le clan des Casalesi, s'il a «perdu» tous ses chefs historiques, reste tout de même puissant.
La Fédération en question a toutefois fait l'objet d'une transformation progressive, qui a eu lieu en raison des nombreux choix en collaboration d'éléments de direction qui ont révélé la dynamique interne et les stratégies opérationnelles du Casalesi. La pression d'extorsion exercée témoigne cependant de la persistance d'une force associative solide sur le territoire, tandis qu'en termes de relations extérieures, le clan confirme son attrait pour les fixeurs, entrepreneurs et administrateurs locaux.
La faction Schiavone continue à détenir la suprématie sur le territoire, grâce à la fidélité des groupes  satellites et à un leadership solide. Des enquêtes récentes ont révélé la forte projection du clan vers les marchés publics et le secteur des jeux en ligne, faisant appel aux familles Russo et Venosa, ce dernier confirmant l'évolution des stratégies des Casalesi, également actif dans la gestion et le contrôle direct des places dans la région de Caserte.

La faction Zagaria, bien structurée et solide sur le territoire, maintient une vocation entrepreneuriale, facilitée par les relations consolidées avec les administrations publiques, et pas seulement à Caserte.
La faction Bidognetti opère dans les régions de Parete et de Lusciano, conditionnant le tissu économique par l'extorsion de fonds, première ressource pour soutenir les membres de l'organisation criminelle, ainsi qu'un instrument pour enraciner les groupes de clans satellites sur le territoire.
Dans la province, d’autres associations autonomes opèrent à l’égard des Casalesi, telles que le groupe Belforte, originaire de Marcianise et également par l’intermédiaire de groupes satellites, dans les municipalités de San Nicola la Strada, San Marco Evangelista, Casagiove, Recale, Macerata Campania, San Prisco, Maddaloni et San Felice a Cancello. C’est un territoire caractérisé par d’importantes réalités industrielles et commerciales, où les Belforte représente l’un des groupes criminels les plus profondément enraciné et capable d’exploiter, à des fins illicites, des opérateurs économiques complaisants.
Dans le même contexte, des groupes familiaux plus petits sont également actifs, tels que le clan Menditti (présent à Recale et San Prisco) et le groupe Bifone, actifs dans les centres de Portico de Caserta, Casapulla, Curti, Casagiove, Macerata Campania et San Prisco. Dans le district de Santa Maria a Vico, Arienzo et San Felice a Cancello, le clan Massaro est actif.
Au cours du semestre, l'administration municipale de San Felice a Cancello a fait l'objet d'une dissolution en raison d'une infiltration mafieuse dans son Conseil municipal.
Sessa Aurunca et Mondragone sont l'apanage des Gagliardi-Fragnoli-Pagliuca, héritiers de la famille La Torre, liés aux Bidognetti et consacrés principalement au trafic de drogue et à l'extorsion. Toujours à Sessa Aurunca et dans les municipalités de Cellole, Carinola, Falciano del Massico et Roccamonfina, l’affaiblissement du clan Esposito, connu sous le nom de «Muzzuni», a déterminé l’émergence de petits groupes très hétérogènes. À Santa Maria Capua Vetere, il y a le groupe Del Gaudio (Bellagiò) et leurs ennemis des Fava, considérablement affaibli après la repentance d'un des dirigeants. (Antimafiaduemille)

La Famille Zagaria (cronachedi.it)

La Famille Zagaria (cronachedi.it)

Mais où sont les Di Lauro ?

Depuis presque 12 ans il a refusé tout contact avec le monde, à l'intérieur de sa prison Opera de Milan où il est incarcéré pour une peine à perpétuité, comme à l'extérieur. Pas de visites médicales, pas de visites des proches, pas de contact avec ses avocats. Pour les juges anti-mafia, il s'agit d'une stratégie qui vise à obtenir l'assouplissement du régime pénitentiaire sévère, 41bis. Selon ses avocats, il pourrait souffrir d'un trouble psychiatrique grave et n'a rien d'un simulateur et serait au contraire dans un processus d'auto-destruction qui inquiète ses proches. Une attitude qui a sûrement inspiré les auteurs de la série Gomorra qui ont prêté la même attitude au personnage de Don Savastano (un personnage inspiré par le père de Cosimo, Paolo) lors de son séjour en prison dans la saison 1. 
Le 4 juin, Cosimo Di Lauro doit se retrouver devant les juges napolitains, un peu comme un fantôme, il a déjà dit, avec un signe de tête négatif aux officiers de la prison, qu'il ne sera même pas présent en visioconférence, renonçant en fait à se défendre contre l'accusation d'être l'instigateur de la faide de Scampia qui a causé soixante assassinats en quelques mois, entre 2004 et 2005. 

Cosimo fait l'objet d'une enquête sur le meurtre d'un affidé du clan Abbinante, Mariano Nocera survenu le 2 septembre 2004 dans la zone dite Monterosa à Scampia. 
Dans cette affaire, un commando composé de plusieurs tueurs, dont l'un a été identifié comme étant Claudio Salierno, un de ses proches qui sera assassiné en représailles le 28 octobre 2004 ce qui déclenchera «officiellement» la guerre entre les Amato-Pagano et les Di Lauro. 
Grâce aux enquêtes techniques menées par la section anti-drogue de l'escouade mobile et aux déclarations de nombreux collaborateurs, la lumière a été faite à la fois sur le meurtre de Nocera et sur les antécédents qui ont déterminé le passage du clan Abbinante vassal des Di clan Lauro aux sécessionnistes Amato-Pagano.

Cosimo Di Lauro (Corrieredellomezzogiorno)

Cosimo Di Lauro (Corrieredellomezzogiorno)

Des chèques en bois qui vont mener à la guerre

En 2004, les enquêteurs de la Brigade Mobile, enquêtant sur le trafic de drogue, ont découvert que Mariano Nocera vendait des quantités de cocaïne achetées par des représentants des Abbinante à des trafiquants opérant entre Naples et la province. L'un d'eux était Vincenzo Arciello qui, grâce à Mariano a pu acheter de la cocaïne "à crédit", en fournissant des chèques postdatés en garantie et que Nocera a remis à ses fournisseurs. 
Se rendant compte qu'il a été dupé par des chèques en bois et des garanties bidons, va déterminer la violente réaction de ce dernier qui, le soir du 6 août 2004, abat Arciello après l'avoir convoqué par téléphone au bar Zelinda.
La décision de tuer Arciello avait été prise par Nocera et mise en œuvre sans aucune "autorisation" préalable de la direction de l'organisation ; par conséquent, craignant des représailles, il s'est tourné vers son ami Francesco Abbinante, lui demandant d'intercéder auprès de Cosimo Di Lauro. Francesco Abbinante, alors en fuite et loin de Naples, a demandé à l'un de ses hommes de confiance, Giovanni Piana, de se rendre chez Cosimo Di Lauro pour clarifier l'affaire. Francesco est l'un des 3 fils d'Arcangelo boss storico du clan et plus fidèle homme de confiance de Paolo Di Lauro. Autant dire que Francesco était plus que légitime pour demander une telle faveur. A ne pas confondre avec son petit fils homonyme (fils du benjamin des 3 frères, Antonio.
Ce qui est rapporté, c'est que «o chiatto» (le Joufflu) Di Lauro tout en donnant des garanties pour la sécurité de Nocera à Raffaele avait aussi donné l'ordre de l'éliminer.
Claudio Salierno faisait partie des membres du groupe armé pour éliminer Nocera, composé des hommes les plus dignes de confiance de Cosimo et tous ont agi à découvert. 
«Nul ne peut commettre de meurtre sans l'autorisation du patron» tel est le message que voulait faire passer Cosimo aux rivaux comme aux alliés du clan.

Une réponse similaire a été donnée par Giovanni Piana, sur ordre de Cosimo Di Lauro, à Francesco Abbinante, lorsqu'il a demandé des explications sur la promesse non tenue. 
Ces informations ont été confirmées par Giovanni Piana devenu, depuis, collaborateur de justice.
Cette promesse non tenue faite à Francesco Abbinante a eu une grande résonance, à tel point qu'elle marquera la scission des Abbinante et de tous les membres de sa famille avec les Di Lauro. 
A l'issue de ce procès pour juger de la santé mentale de Cosimo, sa non présence a sans doute joué contre lui et en juillet il est déclaré sain d'esprit par la justice. Son procès pour le meurtre de Mariano peut donc suivre son cours. Le 6 mai 2019, le couperet tombe et c'est une peine à perpétuité qui est infligée à l'aîné des Di Lauro. Si son ambition était d'envisager une porte de sortie par cette stratégie, c'est un véritable camouflet et un autre coup de semonce contre la progéniture de Paolo.

Les Di Lauro (Voce di Napoli)

Les Di Lauro (Voce di Napoli)

De «F1» à «F10»

Il est difficile de s'y retrouver dans les multiples méandres judiciaires des 8 fils du boss. Le 7ème fils, Domenico est décédé dans un accident en 2004 et le 10ème est pour l'instant le seul sans casier judiciaire. Dans les carnets des fiches de paie du clan que la police a retrouvé, ils sont désignés par un code simple de «F1» pour Cosimo à «F10» pour Giuseppe.
En vérité pour le clan une des rares bonnes nouvelles de 2018 c'est la libération de Salvatore «Terremoto» Di Lauro (F6), 30 ans, le 23 mars après son interpellation 1 mois plus tôt. 
Fin février, il avait été appréhendé avec 14 complices pour association mafieuse, trafic de drogue, tentative de meurtre, d'enlèvement, de port d'armes non autorisé et d'extorsion, sur la période de 2012 à 2014. 

Cette opération a visé non seulement les Di Lauro mais aussi les Vanella Grassi, actifs dans les districts de Secondigliano et Scampia, dont les intérêts criminels, en se référant notamment à un vaste trafic de drogue remis à neuf, principalement de haschisch et de cocaïne qu'ils vendent à d'autres clans parmi lesquels, en particulier, le clan Marfella-Pesce de Pianura.
En plus des nombreuses affaires de trafic de drogue décrites, un large éventail  d'activités illicites a été mis à jour, du vol de voitures aux d'extorsions à travers la technique dite du «cavallo di ritorno» («cheval de retour»). 

Le nom se réfère à la rançon dont la victime de vol doit s'acquitter pour retrouver ses biens volés. En gros on vous vole, quelqu'un vous contacte, dit qu'il peut vous retrouver le bien volé mais vous devez payer une somme généralement désuète pour le récupérer. 
Des enquêtes ont étudié le fonctionnement du clan à partir de 2012, un moment où, après la scission finale de Di Lauro, survenu vers 2007, le groupe Vanella Grassi avait au fil du temps de plus en plus de poids à Secondigliano et Scampia, agrippant des alliances avec les Marino et Leonardi et donnant lieu au conflit armé avec Abete-Abbinante-Notturno, connu comme la troisième querelle de Scampia.
Il a été établi dans le cadre de la querelle, la participation à une tentative d'assassinat - contre Giovanni Esposito, «'O muort» mais également contre Claudio Auricchio, un financier jugé peu fiable bien que proche du boss Antonio Mennetta pendant sa cavale et qui avait tissé des relations directes avec les figures du consortium Di Lauro. 

Concernant sa libération manu militari, l'avocat de Salvatore a réussi a fait valoir qu'il n'y avait aucune certitude sur l'identification du fils du boss «Ciruzzo' o milionnario» sur la base des seules écoutes téléphoniques. Il a été mis en examen sur la seule évocation de ce surnom sur les écoutes or personne dans le clan n'appelaient Salvatore «Terremoto». «Si aucuns repentis ou vétérans du clan ne l'appellent ainsi comment la police peut-elle être sûre qu'il s'agisse de lui ?» argumente son avocat Vittorio Giacquinto. Le coup est parfait et a mis le doute suffisant pour la cour de révision n'ordonne sa libération.
Après une longue peine de 7 ans entre 2006 et 2014. Salvatore avait de nouveau incarcéré le 6 juin 2017, il sortira de prison 15 jours après le 21 juin là encore grâce à un tour de passe passe de ce même avocat.

Avec Salvatore dehors et le fugitif marathonien du clan, Marco, (sans compter Raffaele, Ciro et Vincenzo tous sortis de prison entre 2014 et 2016) l'ombre des Di Lauro n'a pas fini de planer au dessus de Scampia et de Secondigliano.

 

Sources : Il Mattino, Teleclubitalia ; Cronache della Campania ; Stylo24.it ; Corriere dello Mezzogiorno ; Voce di Napoli ; InterNapoli ; Campania Crime News ; Antimafiaduemilla ; Crimorg.com ; Cronachedi.it ; Casertanews.it

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