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Blog à part

Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


Guerre au sein de la Mocro Maffia 15

Publié par Desmoulins sur 16 Mai 2022, 16:04pm

Catégories : #Mocro Maffia, #Espagne, #Pays-Bas, #Belgique, #crime organisé, #Maroc, #Géopolitique

C'est l'annonce qui fait l'effet d'une bombe dans les milieux autorisés. Celui qui quelques semaines auparavant était décrit comme insaisissable et protégé par les autorités iraniennes a fini dans les griffes de la police.

(copyright : DR)

(copyright : DR)

Le 16 décembre, 2019, la police des Emirats a arrêté Ridouan Taghi dans un appartement à Dubaï en possession d'un faux passeport et où il vivait sous une fausse identité. Très vite la nouvelle fait le tour des rédactions bataves. La participation de la police néerlandaise est évoquée mais rapidement réfutée par Jamal Al-Jallaf, le chef de la police de Dubaï. Ce dernier indique que Ridouan a été arrêté avec une femme d'origine asiatique ainsi qu'un ouzbek qui aurait agit comme son logisticien.
Dans la soirée à Vianen (ou Vijfheerenlanden), le fief familial près d'Utrecht, une des sœurs de Taghi, Nora, 38 ans, est interpellée générant des tensions avec le voisinage. 5 autres personnes entre 29 et 45 ans sont appréhendées pour blanchiment, possession d'armes et de drogues. Ils seront tous libérés. 
Le Maroc qui entretient des liens étroits avec Dubaï aurait demandé l'extradition (un accord existant entre les deux pays) tout comme les Pays-Bas. Mais toujours selon Al-Jallaf, seuls les Pays-Bas auraient fait officiellement la demande. 
Ridouan Taghi est finalement expulsé 2 jours plus tard par les autorités de Dubaï en tant qu'étranger indésirable jusqu'au Maroc puis a été transféré aux Pays-Bas la nuit suivante. 
Ridouan va très vite faire valoir son droit au silence sauf pour dénoncer les violences physiques dont il dit avoir été victime de la part des autorités des Emirats.

(L'Express)

(L'Express)

Selon l'avocate de Ridouan, l'inamovible Inez Weski, ce dernier aurait été expulsé à cause de fausses informations des policiers fournis au journal De Telegraaf sur les liens entre son client et l'Iran alors qu'il est établi à Dubaï depuis le 25 décembre 2016 et qu'il n'en a pas bougé depuis. Toutefois il y vivait sous le faux nom d'Hakim Mohammad Harhour (source) et voyageait sous un autre patronyme, celui de Mohsin Lawahid. Ces informations du Telegraaf parues le 24 octobre dernier faisait état d'un Ridouan organisateur de contrats de meurtre pour le compte des services secrets iraniens et qu'il avait l'habitude de se rendre en Iran par yacht. Par la suite plusieurs parlementaires néerlandais avaient demandé au Ministre des Affaires Etrangères de demander des explications à Téhéran. 
Au même moment plusieurs députés européens pointaient déjà du doigt plusieurs meurtres de ressortissants iraniens (lire mon article) avec notamment un assassinat commis en Hollande par l'entremise d'un membre de la Mocro Maffia bien connu.

(Yabladi)

(Yabladi)

Cette idée d'un Ridouan surprotégé en haut lieu fait long feu et ne semble pas être le fruit d'un simple commérage. Les infos du Telegraf ont depuis longtemps prouvées leurs valeurs.
Par contre, d'autres rumeurs moins documentées ont fait état que les avocats du cabinet Ficq (un autre cabinet que celui d'Inez Weski, dirigé par Benedicte Ficq) avaient fourni des informations au fugitif. Une enquête a conclue le 25 février 2021 que ces rumeurs étaient fausses. «Des conversations PGP auraient pu donner cette impression d'avoir été trop loin» ce que le cabinet a reconnu en indiquant «qu'il tâchera d'être plus prudents à l'avenir» selon le rapport d'enquête. Echanger des conversations avec ses clients par messagerie cryptée n'aurait rien d'interdit mais apporte son lot d'incongruité à la mythologie du «bad boy de Vianen».
Le parcours criminel du caïd d'Utrecht a été longuement évoqué à travers beaucoup d'articles. Je n'apporterais donc que quelques informations supplémentaires afin de ne pas alourdir le récit et le rendre trop exhaustif.

Les allers et venues du suspect sont au cœur des procès qu'on lui impute. On le dit ici et son avocate le dit ailleurs. Le fait est qu'il dispose de plusieurs bases opérationnelles. 
Le gamin de Bni Selmane au Maroc puis de Vianen près d'Utrecht a eu un parcours somme toute très classique. Ses premières armes s'effectuent au sein du gang de rue «Bad Boys», avec lequel il commet plusieurs délits en compagnie de son cousin Anouar, entre 92 et 98. Braquages, cambriolages, port d'armes et délits de fuite entre autres festivités. Tradition familiale oblige le haschisch devient vite le cœur d'activité des Taghi et c'est en Espagne qu'on retrouve le «Neus van Vianen» comme il aimait être appelé durant son adolescence de petit délinquant. En 2004, son nom apparaît dans une histoire d'agression par arme blanche d'un agent d'Interpol. Des documents sont disponibles encore aujourd'hui (selon son avocate) les Pays-Bas ont reçu un mandat d'arrêt et il existe des documents du juge d'instruction espagnol. Fin 2007, Taghi s'est avéré ne pas être l'auteur et en 2008, le mandat d'arrêt semble avoir été annulé. Taghi apprendra cela que fin 2009 ou début 2010 par l'intermédiaire de Weski.

Inez Weski (copyright DR)

Inez Weski (copyright DR)

Où est Ridouan ?

A l'époque Ridouan fait la navette entre le Maroc et l'Espagne et n'aurait fait qu'un bref passager aux Pays-Bas qu'en 2006. Il installe femme et enfants au Maroc et les fait quitter la maison qu'il loue dans son fief néerlandais. En 2007, Taghi a été hospitalisé à Nieuwegein pendant plusieurs semaines en raison d'une maladie grave et n'était pas aux Pays-Bas cette année-là, selon Weski.
Au cours de l'hiver 2008/2009, Taghi a reçu la visite à son domicile au Maroc de deux employés de l'ambassade des Pays-Bas à Rabat. Taghi dit qu'il leur a parlé personnellement d'une récupération des allocations familiales, qu'il dit avoir payées par la suite. Selon Weski, ces données doivent être disponibles sur demande auprès du ministère des Affaires étrangères. Elle ajoute que son client n'a pas été aux Pays-Bas tout au long de 2008.

Après que Taghi ait appris à l'hiver 2009/2010 qu'il n'était plus vu en Espagne, il s'est rendu aux Pays-Bas pendant dix jours, puis en Espagne et est resté au Maroc le reste de l'année, si on en croit son passeport et certains documents brandis par Inez Weski lors d'une énième audience du procès Marengo en avril 2022.
Ce n'est que le 27 décembre 2011 qu'il serait retourné aux Pays-Bas depuis le Maroc. Il s'est ensuite envolé pour Cuba en janvier 2012, puis au Brésil et de là en République dominicaine (où on l'accuse du meurtre de Viktor van den Broeke) et en Espagne. En juin 2012, il y a eu une fusillade dans le sud de l'Espagne dont Taghi était soupçonné. Il s'agit de l'attaque contre Tarik Abdellaloui à Marbella. Il est toujours recherché par l'Espagne à ce jour pour cette affaire selon Weski. Taghi a ensuite voyagé avec sa famille en voiture jusqu'à son domicile au Maroc.
Evidemment l'accusation a également déclaré que Taghi avait utilisé de fausses identités ce à quoi son avocate a déclaré qu'il a toujours voyagé avec son vrai passeport avant 2014.
Son arrivée à Dubaï en 2016 semble vraiment marquer une étape décisive à son ascension. Visiblement la bas il aurait utilisé au moins deux faux passeports. Ces derniers auraient été fabriqués par une fonctionnaire de la mairie de La Haye, Mildred V.D.. moyennant environ 1000 euros par passeport. Plus de 22 criminels auraient bénéficié du travail de Mildred. Une de ces "oeuvres" s'est même retrouvée à Dublin entre les mains de Naoufel Fassih lors de son arrestation dans un appartement lié aux Kanahan. Le pot-aux-roses découvert en 2020, cette paisible employée de 50 ans a depuis été renvoyée de la mairie et poursuivie depuis juillet 2022.

A Dubaï entre gens du même monde

Des rencontres décisives aux Emirats il yen a eu, notamment celles gravées dans le marbre avec Raffaele Imperiale le campanien, avec les Kinahan de Dublin et les Gacanin de Sarajevo. La collaboration avec Rico le Chilien semble antérieure à son installation aux Emirats. C'est Naoufal Fassih qui aurait joué les entremetteurs entre les deux hommes. Fassih ayant connu Vega Riquelme au moment où les deux collaboraient à la fin des années 2000 avec Danny Kuiters pour l'un et Stanley Hillis pour l'autre. C'est d'ailleurs probablement Fassih qui a aussi présenté Daniel Kinahan au chilien quand tout ce monde séjournait en Espagne. En effet contrairement aux autres narcos cités plus haut Rico et Daniel ont noué des relations bien avant qu'ils ne s'installent à Dubaï en 2016 pour le 1er et en 2015 pour le second. Ces 3 là auraient été à la génèse de plusieurs règlements de compte de haut vol pour faire place nette en Espagne et peut être même avec le concours de Taghi en sous-main. Bouleversant ainsi l'échiquier du trafic international sur le plan hispano-néerlandais voire même de toute l'Europe de l'Ouest.
Quoi qu'il en soit aux Pays-Bas, le procès Marengo l'attend donc ainsi que le procès «Erie» en lien avec les activités d'un autre groupe de tueurs à gages appartenant au Caloh Wagoh MC, embauché par lui, pour une autre série de règlement de comptes et dont le consigliere est un des rares rescapés des années terribles du milieu batave, le vénérable Greg Remmers.
Je ne vais pas trop m'attarder plus sur la nouvelle de cette arrestation qui a maintenant plus de 2 ans (j'ai pris du retard désolé) vous avez tout sur sa fiche Wikipédia au cas où. 

On l'a vu dans un précédent article, Anouar, le cousin de Ridouan avec qui il a fait les 400 coups a été  arrêté courant novembre avec deux autres hommes dans le cadre de l'assassinat de l'avocat Derk Wiersum. Ce même trio sera l'année suivante soupçonné des meurtres de Dennis Groenfelt, un proche de Mustapha El F. et d'une jeune femme commis en mai 2019 au Surinam. 
En mai 2016 Anouar est impliqué dans un accident de la route lors d'un casse en Allemagne dans lequel Sadik C., est tué. Sadik était le frère d'Hakim, liquidé «par erreur» à Utrecht en 2017. Un meurtre qui avait poussé le témoin Nabil Bakkali a se rendre aux autorités et commencer sa collaboration.

MSC les bon tuyaux

L'actu mocro maffia continue avec fin octobre l'arrestation de 3 hommes à Deurganck dans le port de Waasland avec des vestes d'employés du port d'Anvers. Ils ont été surpris en train de ramper par-dessus la clôture. Ceux que la police commence à nommer les «collecteurs» ou bien les «récupérateurs» vont devenir légion dans les prochaines années devenant le supplétif number one des trafiquants. La corruption des personnels des ports reste un enjeu majeur. 
Les autorités de Rotterdam ont pris l'initiative de ne communiquer les horaire des douaniers du port  qu'à leur arrivée au travail chaque matin. Une façon d'éviter qu'ils ne divulguent sciemment ou par la contrainte des informations cruciales sur leurs activités.
Un mois plus tard même endroit même heure, 2 hommes de 18 et 49 ans sont arrêtés en train de récupérer de la cocaïne dans un conteneur géré par la société Medrepair, une filiale de la compagnie de navigation MSC (la même compagnie qui gérait le bateau des 16,5 tonnes de cocaïne découvert à Philadelphie). En mai dernier, plus de 1,3 tonne de cocaïne a été trouvée dans l'un de ces conteneurs. Des employés de l'entreprise avaient également été arrêtés dans le cadre de l'enquête. 
Ces petits mains sont en 1ère ligne en tant que fer de lance du dit trafic mais aussi en tant que perturbateurs de réseaux à cause de leurs mains baladeuses. Ici et là on retrouve des hommes, majoritairement antillais, enlevés, battus et parfois tués pour avoir volé, ou mal exécuté un ordre. 

«The Girl»

Dans la nuit du 25 au 26 octobre, Emin Y., un turc de 26 ans est blessé à l'épaule par balles alors qu'il se trouve dans sa voiture à Zwolle. 2 jours plus tard Idris M. et son frère Abas, deux afghans sont arrêtés à Gronau en Allemagne. Ils sont accusés aussi d’avoir fait enlever le 6 juin dernier avec leurs complices Louis «Lowie» van den R. et sa sœur Fabienne «The Girl», un de leur ex-associé contre une rançon de 30 000 euros. Un 5ème homme est arrêté pour avoir placé un gps sous la voiture d'Emin. Les frères M. dirigent un réseau de trafiquants local qui monte. «The Girl», elle, s'occupait notamment des deals téléphoniques.
A Utrecht on note plusieurs incidents dont une blessure par balles et l'explosion d'un engin explosif contre la maison d’un couple de marocains âgés, causant de gros dégâts matériels mais sans faire de victime. Le fils du couple visé serait connu pour son implication dans le trafic de stupéfiants. 
Le 21 décembre, Ray T., originaire d'Utrecht est abattu à Almere-Stad lors d'un deal de drogue. Ray pratiquant d'arts martiaux et son demi-frère auraient voulu vendre de la cocaïne à des trafiquants marocains d'Amsterdam mais il y a eu une fusillade, Ray a été tué et son demi-frère blessé. Le 11 février 2020 Younes El M., 20 ans est arrêté. Un homme est recherché, le kickboxer Youssef ben Hamou, 25 ans, poursuivi en novembre 2018 pour complot de meurtre contre un trafiquant d'Almere qui a retrouvé un gps sous sa voiture. Il est condamné à 3 ans pour possession d'une arme automatique.

(Vessel finder)

(Vessel finder)

La Seved Company

En plus de l'Espagne dans cet article on va traiter un peu de la Suède et des activités du gang d'Amir Mekky qui semble lié à Ridouan Taghi et de fait à la Mocro Maffia. Amir Mekky et son frère Fakhry apparaissent sur les écrans de la police suédoise à l'orée de l'année 2015, au sein de la Seved Company du nom de leur quartier de Malmö. On les dit tantôt marocains, tantôt  libanais ou arabes israéliens sans qu'on n'en soit jamais certains. Ils se sont d'abord installés au Danemark avant d'arriver à Malmö. 
En ces années 2010, la ville connait un de ses nombreux conflits de gangs (lire https://jean-philippe-savry.over-blog.com/2018/10/crime-organise-a-malmo-le-regne-de-la-serbian-brotherhood-part-1.html pour en savoir plus). Les Mekky ne sont pas les moins impliqués dans ces différentes querelles. Dans ce jeu d'alliance, les frères servent d'abord de porte flingue, on leur attribue plusieurs meurtres entre 2015 et 2018. En mai 2018 un proche des frangins, David S. employé de société de sécurité informatique est exécuté à Malmö. La dite société avait subit une fraude massive liée au crime organisé et dont le procès a permis la condamnation de plusieurs criminels de 1er plan à de lourdes peines. Le mois suivant  une fusillade vise un café internet du centre-ville. 3 hommes sont tués et 3 autres blessés. Parmi ces derniers on trouve Amir. Cette attaque va déclencher le feu dans les rues durant de long mois. Les Mekky s'affrontant avec une autre fratrie, les Ghara, dont un des leaders est abattu quelques jours après la blessure d'Amir, en représailles. Un croato-suédois lié aux Mekky est arrêté.

Dans le même temps la Seved Company s'est aussi fait un ennemi en la personne de «Dani Jude» un gros trafiquant local qui voulait venger l'enlèvement de son petit frère quelques mois plus tôt. Il fait assassiner Mahmoud S., un ami d'Amir le 3 juillet 2018. Après la perte d'un autre affidé ce même mois, il semble que c'est à ce moment-là que les Mekky décident de changer d'air et de s'exiler en Espagne. C'est là que l'organisation qui se renommé «Los Suecos» par la presse ibérique sera démantelé en grande partie dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du trafiquant David «Maradona» Avila Ramos (dont on a déjà parlé) .
Contre vents et marées, les Mekky continueront leur politique de terre brûlée. Leur nom est encore associé au double assassinat commis à Copenhague en juin 2019 de deux membres du gang Shottaz, en guerre contre les alliés des Mekky la Dödspatrullen de Stockholm. En cette fin octobre 2019 c'est un autre ami, Ashraf Tofigh (ou Tofigha), qui est abattu dans le quartier d'Högaholm de Malmö. 
Ce criminel agissait comme le banquier des «Los Suecos» faisant des allers-retours fréquents à Dubaï. Le meurtre pourrait également être lié à l'enlèvement du frère de «Dani Jude» qui a eu lieu en juin 2018. Sur les 4 personnes soupçonnées, c'est le troisième a être tué. Toutefois le suspect de 22 ans aurait lui aussi eu des liens avec Los Suecos. S'agirait-il d'une conflit interne ? 
Leur nom est encore cité dans le meurtre en fin d'année d'un proche des Ghara, multi-condamné notamment pour différentes fraudes et détournements de cartes bancaires.

David Avila Ramos victime des "Los Suecos) (Elespanol)

David Avila Ramos victime des "Los Suecos) (Elespanol)

Mais c'est en Angleterre que la guerre entre narcos suédois va s'exporter.

A la veille de Noël, Flamur Bekiri, 36 ans un suédois d'origine kosovarde est abattu devant son domicile de Battersea, dans le sud-ouest de Londres. En novembre 2007 Flamur avait été impliqué dans la saisie de 340 kilos de cannabis à Helsingborg qui avait mené à l'arrestation de ses complices Cemalettin Bektas et Beytullah Nergiz. Flamur était un proche Naief Adawi, le compagnon de Karolin Hakim, jeune médecin abattue à Malmö quelques semaines plus tôt lors d'une attaque visant Naief. Il était propriétaire et fondateur d'une maison de disques, 2020 Records, qui semble avoir son siège à Stockholm et à Londres. Beqiri était aussi proche du trafiquant surnommé «Dani Jude», en conflit avec le gang d'Amir Mekky. Cependant il a aussi été par le passé proche de Tamer Zahran qui a été cité comme un familier de Ridouan. Le monde est petit surtout quand tout le monde se retrouve à Dubaï. Petite info sur Dani Jude, à l'époque un des plus gros narcos suédois serait un proche de Jonas Falk pompeusement appelé par des médias sans imagination "le Pablo Escobar suédois", un gros bonnet basé en Espagne, ex braqueur spécialisé dans le trafic par voilier et semble-t-il partenair privilégié de la mocro maffia.
Fin janvier 2020 Anis Fouad Hemissi un suédois est arrêté à Copenhague. Il venait de rentrer de Thaïlande et a été extradé en Angleterre. Son nom a été cité dans le meurtre d'Ali Chaer en février 2018. 3 suédois de 22, 31 et 33 ans sont arrêtés à Stockholm et Vajxo. Le 12 févrirer 2022 Hemissi et Estevan sont déclarés coupables. 2 autres accusés sont acquittés. Cliffort R. et Claude Isaac C. sont reconnus coupables d'avoir tenté d'effacer toute trace du meurtre. 
Pendant ce temps là sur la Costa del Sol, l'automne a été très chaud. Avec comme à l'acoutumée de grosses opérations de démantèlement de la police contre les réseaux qui pullulent dans la zone ainsi que plusieurs règlement de comptes vont jalloner cette fin d'année mais on va s'intéresser à quelque uns d'entre eux plus en détails. 

Fin octobre, la Guardia Civil a mené une opération contre une des principales organisations de revente de résine de cannabis du pays. 27 personnes ont déjà été arrêtées et d’autres interpellations pourraient suivre. La drogue était transportée en Espagne par le Détroit de Gibraltar. Puis cachée dans différents lieux de Malaga, avant son transport à Madrid par des voitures ménagées puis sa distribution, essentiellement dans le nord de l’Espagne. Les 16 perquisitions, notamment à Malaga et à Madrid, ont permis de saisir 550 kilos de résine de cannabis, 100.000 euros en liquide, une arme à feu, une arme factice, deux Tasers, 12 voitures, 2 motos et 3.000 litres d’essence. La direction du réseau et ses principaux distributeurs ont été interpellés. Très organisé, le réseau s’entourait de mesures de sécurité importantes : les membres ignorait l’identité des autres membres, permettant d’éviter ainsi le démantèlement de l’ensemble de la filière. Les transporteurs ne connaissaient pas non plus le lieu de stockage de la drogue. 

Un des membres du commando de tueurs (The Guardian)  ; Flamur Bekiri (The Sun)Un des membres du commando de tueurs (The Guardian)  ; Flamur Bekiri (The Sun)

Un des membres du commando de tueurs (The Guardian) ; Flamur Bekiri (The Sun)

Au début du mois de novembre, Ce sont 28 personnes qui sont interpellées dans la région de Gibraltar pour trafic de résine de cannabis. L’enquête avait débuté à la fin de l’année 2018 après que la police ait appris que des trafiquants organisaient des réunions au Maroc avec des importants fournisseurs de cannabis. En Espagne, deux trafiquants marocains ont contacté un entrepreneur de Séville pour créer un double-fonds hautement perfectionné dans un camion. La cache comprenait un système d’ouverture du sol de la remorque, actionné à distance avec des bras hydrauliques. Le «système le plus sophistiqué» jamais observé selon les enquêteurs. Une cache facturée 50.000 euros par l’entrepreneur de Séville.
Les cargaisons, sous couverts d’activités commerciales légales, partaient de Ceuta (enclave espagnole au nord du Maroc). C’est à Algésiras que le camion, sa cache et sa cargaison (500 kilos de résine de cannabis) sont découverts et saisis. Les 12 perquisitions ont permis de confisquer 14 véhicules, 21 téléphones portables, une arme de poing, 12 montres de luxe et 45.500 euros en liquide. 182 comptes bancaires, soit 7 millions d’euros, ont été bloqués. 
En Espagne les albanais commencent à prendre de plus en plus de place dans le trafic.
La police découvre à la mi-novembre la plus grande culture illégale de cannabis jamais mise à jour, jusqu’à maintenant, dans la province d’Aragon (opération «Copitos»). Au moins 16.000 plants (soit environ 3,5 tonnes) ont été saisis à Agüero (près de Huesca) et Murillo de Gallego (près de Saragosse), dans une zone boisée difficile d’accès. Le réseau albanais avait installé un campement à proximité pour surveiller les cultures 24 heures/24. Les trafiquants sont aussi soupçonnés dans au moins 10 faits de vols violents dans des stations-service et des bars. 7 personnes ont été interpellées.

A-Team vs Anti A-Team 

Le 21 novembre, un anglais de 39 ans, Peter Andrew «Snaggle» Williamson, originaire de Salford, est exécuté de 3 balles dans l'après-midi dans la zone de Riviera del Sol à Mijas (Malaga) alors qu'il était dans sa voiture par plusieurs hommes armés. La victime, un businessman avait des antécédents pour trafic de drogue. Il avait notamment été arrêté en mars pour avoir utilisé une entreprise de transport pour envoyer du cannabis depuis Malaga.
Il était proche de D'Maine Robinson, qui purge une peine pour une fusillade devant le restaurant Albert à Swinton en février 2018 et de Christopher Zammit, qui a été désigné membre de la A-Team de Salford, dans deux procès. La «A-team» de Salford n'est pas à confondre avec son homonyme désignant la fratrie criminelle des Adams de Londres. Salford, cité ouvrière du nord-ouest de Manchester est depuis longtemps un nid à problèmes, où poussent de la graine de criminels. Sa pègre émergente dans les années 80 grâce aux activités de braquage essentiellement va prospérer la décennie suivante grâce aux sociétés de sécurité privés et au trafic d'ecstasy  Le plus illustre d'entre eux fut Paul Massey, un criminel impliqué dans la sécurité des boites de nuit mancuniennes et l'immobilier après avoir passé des années en prison pour trafic d'ecstasy qui a connu un boum avec la scène rave locale des 90's. A sa sortie on le retrouve affairiste, touchant à tout et se présentant même à la mairie de Salford. Il obtiendra 1995 voix (4,45 %). Paul était aussi un juge de paix qui chapotait plusieurs bandes. La «A-team» est l'une d'elle mais elle connait une scission interne courant 2015 et la guerre démarre. Même Paul en sera victime le 26 juillet 2015. Abattu devant chez lui sans qu'il ne s'y attende. 
Peter «Snaggle» Williamson faisait partie du noyau de la A-Team et est resté fidèle 

Peter Williamson (Daily Mail)

Peter Williamson (Daily Mail)

L'ancien videur a été condamné à 5 ans pour l'agression mortelle en 2004 contre un businessman, Franck Buckley lors d'une bagarre dans un bar de Swinton. Il a pris 9 ans et 4 mois après le démantèlement de son gang de trafiquants en 2014. Zammit est sorti de prison plutôt dans l'année. Il s'agit surement d'un conflit entre anglais mais dans la zone l'ombre de la mocro maffia plane. Les anglais ont toujours été des associés privilégiés des trafiquants marocains à l'instar des français mais dernièrement on a pu constater que les trafiquants anglo-saxons collaborent de plus en plus avec ceux des Pays Baltes, estoniens et lituaniens voire avec les albanais, délaissant quelque peu les anciennes alliances. Mais il n'y a sûrement pas de quoi contribuer à un tel règlement de compte. 

Au début du mois déjà un autre trafiquant, irlandais cette fois, Richard Carberry était abattu près de chez lui à Bettystown en lien avec une cargaison de 3 millions d'euros de cannabis saisis. Peu de temps avant son assassinat il avait été vu en Angleterre pour une réunion en haut lieu avec d'autres membres du réseau. Si l'implication de la Mocro dans cet assassinat paraît improbable, il montre bien que les tensions générées par les saisies policières peuvent encore découler sur des exécutions sommaires même si on remarque que l'argent circule moins, on troque, on échange, on paie par échelonnement, ou par l'hawala, en gros toutes les méthodes tant que la came circule à flux tendue pur pallier aux pertes, vols et autres coups de canifs dans le contrat. L'essentiel est que le client soit satisfait.  
Une semaine avant la mort de «Snaggle», ce sont 2 marocains qui ont été victimes de tirs à Marbella. 2 roumains et un espagnol sont arrêtés. Une histoire de vol de came probablement. Une activité florissante mais fortement concurrentielle dans la région. Ce sont parfois des voleurs qui tirent sur d'autres voleurs qui ont été eux mêmes volés. 

Quelques jours plus tard c'est une histoire bien mystérieuse qui se déroule dans la zone de Cabopino à Marbella. L'identité de la victime tout d'abord est toujours inconnu. Il s'agirait d' un ressortissant français de 60 ans qui a été abattu dans sa voiture par deux hommes masqués. Avec sa compagne il venait de sortir du restaurant «Da Bruno». La voiture des tueurs a été retrouvée en flammes sur la route menant aux carrières de Mijas. Personnellement j'ai des moyens d'investigation limités mais j'ai enfin retrouvé son identité. Il s'agit d'un repris de justice condamné dans une affaire de shit à Nanterre en 2000 aux côtés d'un certain Jean-Raymond Davy (tué l'année dernière à quelques kilomètres de là). On retrouvait dans cette affaire des noms ronflants aperçus dans l'affaire Kardashian "Cathy" Glotin et Pierrot Bouianere mais aussi Doudou Yahiaoui, cerveau du casse de la bijouterie Harry Winston à Paris en 2007 et 2008. 

Guerre au sein de la Mocro Maffia 15

Un tueur nommé et une victime anonyme

Bizarrement l'identité de son tueur présumé est-elle à contrario diffusée partout à peine 2 jours après. Il s'agit d'un hollandais de 29 ans Jeffrey Hermanus Slaap. Ce dernier serait un proche d'Omar Lkhorf condamné à la prison à vie. En 2018, Slaap faisait partie d'un groupe de personnes, proches d'Houssine A., arrêtées en lien avec le meurtre d'Anderson Celis et sa petite amie colombienne à Mijas en août 2016. Il a été relâché mais Hicham Marrabou a été condamné à la prison à vie. Le 1er juillet 2021, Slaap, a été interpellé dans un pub à Torremolinos alors qu’il fêtait son anniversaire. Il est aussi poursuivi dans l'affaire «13Maracane» avec Abdelhamid A.. La façon dont l'identité d'un tueur circule plus vite que celle de la victime me laisse songeur. 
L'année dernière l'identité de Jean-Raymond Davy, abattu dans sa 58ème année rue Pizarra à Marbella, avait été révélé dans la presse même française (merci Brendan Kemmet et Stéphane Sellami) mais là silence radio. On pourrait presque en douter qu'il s'agit réellement d'un français.

En février 2014, c'est un autre français qui était exécuté à Marbella et dont l'identité n'a jamais filtré. Il s'agissait selon El Mundo d'un homme d'origine algérienne père de 3 enfants et âgé de 42 ans. Il était recherché depuis 6 ans en France et sur lui on a trouvé des faux papiers. Là aussi un crime aucunement évoqué dans la presse française de l'époque.

Un «récupérateur» ça coûte cher

Quelques jours après ces 2 assassinats, un autre corps criblé de balles est retrouvé sur une plage entre Mijas et Fuengirola. Il s'agit d'un jeune routier originaire de Slovénie rompu aux transports de came et qui aurait pu être victime d'un ripdeal. Je documenterais son cas dans les articles sur les narcos du Monténégro. 

Le port d'Algésiras (Andalucia.org)

Le port d'Algésiras (Andalucia.org)

A la mi-décembre la Guardia Civil met hors d'état de nuire à Algésiras un gros poisson surnommé "El Señor del Puerto" (pas besoin de traduction). Depuis des décennies, Algesiras est LA porte d'entrée du haschisch marocain en Europe continentale. En volume les quantités qui y transitent sont exceptionnelles. Avoir un logisticien hors pair la bas n'a pas de prix où plutôt si il en a un et ça ne doit pas être donné son en croit le train de vie de cet espagnol de 54 ans qui aurait été en charge pendant des décennies de la "récupération" de lots de cocaïne dans des conteneurs. 
Une activité fortement rémunératrice et couplé avec le fait qu'il avait une position quasi hégémonique et touchait une commission pour chaque kilo de drogues qui passaient dans le port. 
Son fils de 32 ans a aussi été interpellé. Son arrestation fait suite à la précédente opération qui a vu l'interpellation de 10 employés du port et la saisie de 480 kilos de cocaïne. L'enquête a révélé des contacts avec des organisations criminelles en Colombie, au Maroc, en France et dans d'autres pays européens. Sept perquisitions ont été effectuées au cours desquelles 710 000 euros ont été trouvés en espèces, la plupart de l'argent était dans des boîtes à chaussures cachées dans une table de billard. Selon la Guardia Civil, treize bâtiments dans différentes parties de la municipalité de Campo de Gibraltar et 14 comptes bancaires ont été saisis, tous d'une valeur «considérable». Un yacht d'une valeur d'une tonne et onze voitures de luxe ont également été saisis. G.M. était connu des autorités pour quelques faits mineurs, il avait commencé sa carrière criminelle comme un éclaireur et informateur pour les trafiquants de haschisch et de cigarettes.
Quand on parle d'Algésiras les saisies y sont souvent hors normes de grosses quantités de liquides et de drogues sont saisies à chaque opération. 

Mais les réseaux se reconstituent inlassablement. 

Si la route Maroc-Espagne reste la plus utilisée, les tenants du trafic ont depuis longtemps balisés d'autres chemins augurant de graves problèmes géopolitiques comme au Mali
où selon un rapport de l’ONU, la criseque connait le pays en 2019 serait alimentée par le trafic de drogue, auquel participeraient plusieurs groupes armés. Ainsi, en avril 2018, un affrontement aurait eu lieu entre la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad), un groupe séparatiste touareg du nord du Mali, et le «Groupe d’autodéfense des Touaregs Imghad et alliés» (GATIA), mouvement loyaliste opposé à l’autonomie du nord Mali. Des membres du CMA (emmenés par Mahamadou Ag Attayoub, membre de la tribu des Ifoghas/Ifergoumissen) avaient à l’époque intercepté un convoi de 4 tonnes de résine de cannabis du GATIA. En avril 2019, Ahmoudou Ag Asriw (chef du GATIA) et Mahamadou Ag Attayoub se réconcilient pour attaquer, ensemble, un autre convoi de 3 tonnes de résine de cannabis sur la route entre Gao et Kidal. Ce chargement appartenait à des membres de la tribu arabe des Lehmar affiliés au MAA-Plateforme (Mouvement arabe de l’Azawad, réclamant l’autonomie du nord du Mali), et était transporté par des membres de la CMA. L’opération s’étant déroulée sans violences, on pense qu’un accord sur les «droits de passage» aurait été trouvé.
En plus du trafic de cannabis, les experts de l’ONU notent une augmentation du trafic de cocaïne dans cette région, ce qui ne faciliterait pas la paix entre les différentes factions armés rivales du nord Mali. (Crimorg.com)

Côte d'Ivoire, le Bénin et la Guinée Bissau voient eux aussi les réseaux de passeurs se multiplier dans leur giron. Les saisies se multiplient aussi bien du haschisch qui de fait "descend" vers le sud ou de cocaïne qui quand à elle "remonte" vers le nord. On retrouve peu de marocains au sein de ces réseaux "du sud" qui sont plutôt l'apanage d'européens dont pas mal d'espagnols et surtout des brésilo-colombiens. Ces réseaux s'acoquinent avec des notables locaux arrosant ainsi des zones entières avec l'argent du trafic et suscitant des vocations. Les barons locaux parfois liés à des mouvements indépendantistes ou djihadistes profitent largement de cette manne financière,  déstabilisant les pays. Les enjeux de la lutte contre le trafic international dépassent largement le simple cadre judiciaire et de salubrité publique, la géopolitique y tient aussi une large place.

 

 

Sources : Crimesite ; boevenniuews ; ElConfidencial ; Aftonbladet ; Telegraaf ; Gazet van Antwerpen ; Crimorg.com

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