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Si ça ne vient pas de l'AFP c'est que ça n'est pas réellement arrivé!


La poudrière du Monténégro partie 8

Publié par Desmoulins sur 29 Août 2022, 16:15pm

Catégories : #Balkans, #Trafic de drogue, #Monténégro, #Ultras

Au tout début de cet été 2019, une vaste opération de la police batave vise un clan criminel bosnien originaire de Sarajevo, les Gacanin. Comme évoqué ici. Cette enquête qui portait sur un réseau e blanchiment hors-normes va déboucher sur le démantèlement d'une des branches du «SuperCartel», cible de la DEA depuis plusieurs mois. 
L'enquête porte sur un Bosniaque installé à Dubaï, Edin Gacanin, 37 ans, son cousin/oncle Mirza et son épouse néerlandaise Rosa Van den D. qui sont très probablement impliqués dans le trafic de cocaïne à grande échelle. Mirza a été arrêté début janvier au Pérou avec une tonne et demi de cocaïne portant la marque «BiH» (Bosnie-Herzégovine). Le clan bosnien s'est installé aux Pays-Bas en 2007 après les tirs qui ont visés Brigita Z., la mère d'Edin dans sa voiture à Sarajevo.

Le 11 janvier 2017, lors de l’opération «Tormenta», la police péruvienne intercepte une cargaison de cocaïne de 2.045 kilos au terminal terrestre de Yerbateros (Lima), dans une société d’exportation d’asperges. La drogue était destinée à la Belgique. En plus de la drogue, les enquêteurs ont saisi 75.000 dollars, une arme à feu et deux 4×4. 5 péruviens, Jose Carlos Ullon Rojas, Frank Hidalgo Miranda, Jesus Aguilar Castillo, José Luis Haro Camacho, Carlo C. Garcia et le financier présumé du trafic, le serbe David Cufaj, 24 ans, sont arrêtés sur les lieux. 
A l'époque si l'implication du narco monténégrin Darko Saric ne fais aucun doute, un autre nom est sorti du bois celui de Smail Sikalo un boxeur bosnien arrêté avec 1,5 tonne de cocaïne en janvier 2019. Celui qui a été nommé en l'honneur d'un héros de la guerre d'ex Yougoslavie avait pour voisin et coéquipier de club de boxe un certain David Cufaj. Ce dernier identifié comme le «financier du réseau» depuis son arrestation il y a 2 ans a déjà quitté le pays après sa libération provisoire de prison. Le 18 janvier 2020 Cufaj est de nouveau interpellé à Callao au Pérou. 10 jours plus tôt il avait été condamné à 17 ans de prison.
 
Les autorités pensent que Cufaj et Sikalo avaient eu aussi des contacts étroits avec Zoran Jaksic, du gang belgradois «Amerika», des pionniers de l'axe Brésil-Balkans et récemment condamné à 20 ans de prison.
1 an après la saisie, les médias péruviens commencent à parler d'un certain «Tito», un serbe (ou un bosnien) qui serait le lien clé entre l'Europe et le l'Amérique du sud selon des écoutes téléphoniques.
En septembre 2019, Edin Gacanin est identifié comme le dirigeant de l'organisation criminelle «Tito and Dino» (le Tito serait un mystérieux serbe connu sous le nom de Josip Broz Tito). Ses liens avec Ridouan Taghi et Raffaele Imperiale à Dubaï sont mis à jour ainsi qu'avec Daniel Kinahan dont il était un des invités à son mariage selon la DEA.

Rien encore ne permet de relier les activités d'Edin avec un des deux clans monténégrins en guerre. Sans parler de collaboration active, ils ont pourtant  forcément du se croiser. Le monde des narcos est petit même si toutefois on a encore là aussi, jamais trouver de preuves de l'implantation des monténégrins à Dubaï, centre névralgique des activités de trafic de drogue international.
Il semble que les objectifs des monténégrins semblent bien différents de ceux du «SuperCartel» dont les membres dirigeants ont pourtant tous mené leur propre guerre pour se tailler une part du gâteau du trafic. Si ce spectre s'est fortement éloigné de l'horizon de Raffaele Imperiale (voir article plus bas) en cette année 2019 Ridouan Taghi est lui, contrairement à son associé "Rico le Chilien", toujours en lutte avec ses ennemis qu'il niche jusqu'au cœur de la justice néerlandaise avec ce projet d'assassinat du procureur Koos Pooij. Une guerre plus insidieuse et larvé que celle totalement ouverte que se livre les Skaljarski et les Kavacki à travers l'Europe. Une "publicité" qui n'est jamais bonne pour le business.

Le 1er août 2019, Ranko Vuletic est exécuté de 5 balles dans un guet-apens rue Njegoseva à Niksic. Dans cette litanie de règlement de comptes, on retrouve souvent le même profil de victimes chez les hommes de main des deux organisations criminelles. Rien de diffère dans cette affaire. Vuletic braqueur vétéran âgé de 56 ans n'a rien d'un caïd. A part les braquos, il a aussi été soupçonné d'une attaque à la bombe contre le bar «Tani» en juin 2015 appartenant à un certain Ranko Radulovic. Ce dernier s'avère être un énième «proche du clan» Skaljarski. Il avait été condamné à 11 mois. A l'époque, le mobile de l'attaque n'avait rien de clair mais la proximité de Vuletic avec les rivaux des Kavac va être constaté par les enquêteurs locaux mais sans que l'on sache non plus par quel biais ce contrat est arrivé sur sa table. 
Pour une fois, on a aussi le nom du tireurn Vuk Lalatovic âgé d'à peine 20 ans qui se rendra quelques jours après son forfait. Il aurait agit sur ordres de Radulovic contre 20 000 euros. Il est d'ailleurs soupçonné d'avoir été assigné par les Skaljarski de l'assassinat de plusieurs kavacki et d'officiers de police. Un autre nom va apparaître en filigrane derrière cet assassinat, celui de Milos Bozovic. Il est finalement arrêté le 18 juillet 2021 à Banja Luka en curieuse compagnie, en la personne de Mladen Milalovic un inspecteur en chef du Département de la police criminelle de la république de Srpska (la république serbe de Bosnie). Milanovic qui plus est est un  proche du directeur de la police criminelle Sinisa Kostresevic. Une affaire de compromission d'agent assermentés et de haut fonctionnaires d'état qui va en appeler d'autres encore dans les prochaines années. 
La corruption endémique au sein de certains ministères dans les états balkaniques n'a rien à envier à la classe politique sicilienne des années 70. 

La pègre des Balkans à l'orée des années 90 s'est répandu dans toute l'Europe de l'Ouest comme une traînée de poudre conséquence d'une situation politique troublée et qui va exploser en 1991, brisant la simili «pax yougoslava» entre les différentes confessions et peuples de la zone. Si les gangsters locaux ne sont pas les plus à blâmer d’avoir agité la nitroglycérine, ils ont aussi activement participé au chaos, alimentant le brasier par toutes sortes de trafics. En ce sens les éléments mafieux yougoslaves qui ont fait fortune en Scandinavie et aux Pays-Bas en sont les figures idoines. 
En Suède, des bases solides de trafic d'armes et de cigarettes ont fait la fortune de plusieurs d'entre eux (lire les articles sur Malmö) et fait du pays une base arrière de ce qu'on appelé la «mafia yougoslave». 
Calme depuis plusieurs années après des années de fortes tensions, le milieu balkanique va connaître un nouveau fait divers sanglant après avoir été supplanté dans les violences par les MC de bikers et les gangs de rue. 

Le 19 août, Sasa «Vine» Todorovic, 55 ans est mortellement blessé d'une balle dans la tête à Danderyd à la périphérie nord de Stockholm. Il était un membre important du crime organisé serbe en Suède et avait été lié à Zoran «Skole» Uskokovic tué en 2000. En 2015, il avait été condamné pour port d'armes. Il était connu pour trafic de drogue. En 2002 il avait été interpellé en lien avec la saisie de 65 millions de couronnes d'amphétamines (une saisie record à l'époque). Ses associés avaient pris 10 ans de prison. Il s'est ensuite occupé d'un restaurant qui a brûlé mystérieusement. Dernièrement il avait eu des soucis avec l'agence fiscale suédoise. Sasa était proche de Milan Sevo et Dragan Kovac. Ce dernier, assassiné dans un pub de Stockholm en juillet 1998 sur ordre du célèbre Raztanovic aka Arkan, fut un cador local et son opposition avec Dragan Joksovic un gros bonnet de la contrebande a donné lieu à une guerre sans merci dans les rues suédoises.
Ces terres hospitalières ont-elles à nouveau pu servir de nid pour quelques «cousins monténégrins» en fuyant les tueurs à leurs trousses et surtout leurs présences a-t-elle pu démantibuler les fragiles alliances ourdies après des années de guerre ? Rien vraiment ne corrobore cette théorie. Si les belligérants ont été aperçu dans bon nombre de pays d'Europe, la Suède n'a jamais été cité jusque là, étonnement ou pas.
L'affaire se pourrait être plus limpide. Todorovic était connecté avec une équipe de braqueurs dont l'un Adam V. a été exécuté en 2017 sur commande d'on ne sait qui. La victime avait pour cousin Alexander E. coupable du vol d'un hélicoptère ayant servi à un spectaculaire braquage du centre de dépôt de Västberga. Un casse derrière lequel on retrouverait 2 noms de la pègre ex-yougoslave locale Goran Bojovic et Milan Sevo.

Sasa Todorovic (Rudar 7)

Sasa Todorovic (Rudar 7)

Fin août, vers 02h00 du matin une fusillade sur la terrasse d'un bar de Budva  fait deux blessés, Goran «Brala» Slovinic et Dragan Markovic. La cible de l'attaque aurait été un troisième larron Marko «Kan» Ljubisa, 50 ans, qui a déjà fait l'objet de deux tentatives contre lui le 6 juin 2009 lors d'un match Partizan – Panathinaikos, il a reçu une balle dans le cou et le 2 mars 2013 dans le quartier de «New Belgrade» il a été touché par 4 projectiles. En 2012 il avait été extradé vers le Monténégro où il était recherché pour une tentative de meurtre. Il est pleinement impliqué dans le trafic de drogue en lien avec le Monténégro. Il a été un proche associé de Luka Djurovic ainsi que de Sasha Boret, 2 gangsters reconnus coupables du meurtre d'un policier. 

Là encore la connection avec les clans monténégrins est vite trouvé. Ljubisa serait un proche des škaljarski. Kan a été aussi un proche associé de Luka Bojovic au sein du gang affilié de Bar-Budva en conflit avec les gangs d'Armin Osmanagic, Darko Saric et les familles Saranovic et Radonjic proches des Kavacki. Il a souvent été vu aussi en compagnie de Nebojsa Sjojkovic chef du gang de Rakovac ainsi que de Zvonko Mateovic l'ex garde du corps d'Arkan. Ce vieux routier du crime organisé qui a bien roulé sa bosse et multiplié les allégeances est une nouvelle preuve que tous les chemins mènent au Monténégro. 

Les tensions ne faiblissant pas dans le milieu ultra belgradois et particulièrement en tribune sud (le virage des ultras du Partizan), un nouvel assassinat va remettre une pièce dans la machine.
Ljubomir «Kica» Markovic, 37 ans, un des leaders du groupe ultra Alkatraz est exécuté de deux balles dans la tête dans une station-service de Vozdovac dans la soirée. Il avait été condamné en 2011 à 30 ans de prison pour le meurtre du supporter toulousain  Brice Taton en 2009. En Appel sa peine a été réduite à 15 ans. Il a purgé seulement 9 ans et est sorti en 2017.
De prime abord la police, si elle n'exclue pas la piste du crime organisé car son meurtre a des points communs avec celui de Sale Mutavi en octobre 2016, privilégie la piste ultra. 

Assassinat de Ljubomir Markovic (Kurir)

Assassinat de Ljubomir Markovic (Kurir)

Il semble avéré que Markovic souhaitait créer un nouveau groupe ultra au sein de la Tribune Sud afin de réunifier toutes les forces vives du club en proie aux divisions. Il s'était même rapproché de Goran «Boske» Kljestan. Le décès de ce dernier d'une crise cardiaque il y a un mois avant ralenti le processus mais c'est son frère Darko qui a pris la suite. L'idée a fait son chemin et d'autres personnes se sont joints à eux. D'autres leaders Grobari n'ont pas vu d'un bon œil cet projet. Darko aurait même été attaqué et roué de coups par des "collègues de tribune". L'attaque n'a pas été signalée à la police et la véracité des faits n'est pas claire tout comme les commanditaires d'une telle attaque.

Le lendemain lors du match contre Vojvodina, dans la tribune sud on a pu voir une banderole en hommage à Markovic puis deux groupes dirigés par Vladimir Maljkovic et Milos Radisavljevic ont quitté le stade. Depuis plusieurs mois il y a des tensions très vives entre Veljko Belivuk leader des Janicari depuis la mort de "Sale Mutavi" et Aleksandar Vidojevic d'un côté et Milos «Kimi» Radisavljevic de l'autre. En janvier, une vidéo de Rade Petrovic un homme de Kimi a déclaré, apparemment sous la contrainte, que Kimi et son groupe Partizanovci avait trahi le Partizan. 

L'ombre du crime organisé plane aussi derrière ce meurtre. On sait que le clan Zemun a ses entrées en tribune Sud et que c'est Filip Korac qui a financé les émeutes lors du derby de 2017 avec des combattants MMA croates. Lors des funérailles de Markovic on a pu voir les 3 frères Vavic, une fratrie de leaders ultras en odeur de mafia, Djordje Prelic l'autre leader des Alkatraz, Steve Mandaric et Nemanja Bojovic du clan Zemun, Ivan Bogdanov et Uros Avramovic membre du groupe ultra des Hijena (Hyène) du club rival de l’Étoile Rouge. Rade Dunjic, le frère de Velibor un criminel connu. Et des sportifs, Dusko Vujosevic et même l’entraîneur du Partizan Marko Nikolic.
En mai 2021 la police arrive à une conclusion plus alambiquée, celle d'une piste à la fois interne (ultra) mais aussi lié au crime organisée. Markovic est une des victimes du gang de Veljko Belivuk. Ce long chapitre sera abordé dans un prochain article.

Veljko Belivuk (xwhos.com)

Veljko Belivuk (xwhos.com)

Le but de l'article n'étant pas d'égrainer les multiples incidents et fusillades émaillant la vie criminelle des Balkans. L'article étant déjà très didactique malgré mes efforts, je vais plutôt m’intéresser à l'essentiel et hélas pour ceux qui veulent compter les points entre les deux camps, il va vous en manquer un ou deux.

Partout où il va le trafiquant monténégrin a une cible dans le dos, sa destinée manifeste en quelque sorte. Bien que les cibles s'éloignent toujours un peu plus de l'épicentre de Kotor, les tueurs suivent. Ainsi le 23 octobre, des coups de feu sont entendus dans un restaurant d'Amsterdam. Un homme est mort et un autre blessé. L'homme décédé est un serbe bien connu originaire de Nis, Goran Savic, 49 ans, propriétaire de la pizzeria où s'est déroulé la fusillade alors qu'il était attablé avec un autre serbe lui aussi bien connu mais pour d'autres raisons, Jovan Djurovic, qui, lui, a été blessé. Un tueur apparemment seul a fait feu en leur direction avant de s'enfuir dans une Volkswagen. Âgé de 41 ans, Chérif A., est arrêté quelques minutes plus tard. 

Les enquêteurs ont peu de doute sur l'identité de la cible, Djurovic est le frère de Luka, successeur de Luka Bojovic du clan Zemun après son incarcération en Espagne en 2012, et qui est décédé dans un «étrange accident de voiture» à Kotor en 2013. 
Seulement voilà n'écoutant que son courage et son passé de vétéran lors de la guerre d'ex Yougoslavie Savic a voulu protégé son ami et s'est placé entre lui et le tireur.
Jovan avait déjà été visé dans une attaque à Bar en 2017.
Une source du Monténégro pense que Djurovic était aux Pays-Bas pour y rencontrer Filip Korac en cavale dans le pays. On pense qu'Alan Kozar l'associé de Korac se cache aussi en Hollande.
On dit aussi que Djurovic aurait été visé car il aurait peut être détourné 10 millions d'euros d'une autre organisation qui auraient dû être envoyé à Dubaï. Et la vieille rancune entre les Bojovic et les Saranovic peut être une autre piste digne d'intérêt.
Il semble que l'arme qui a servi au tueur provenait d'un stock ayant appartenu à un groupe criminel dirigé par Marko Sakovic qui l'a vendue  avec un lot de revolver en août 2019 à des groupes criminels monténégrin, albanais et allemand. Cherif A. est condamné à 24 ans de prison en juillet 2021.

lieu de la fusillade (Irtish Times) ; arrestation du tireur (Kurir)
lieu de la fusillade (Irtish Times) ; arrestation du tireur (Kurir)

lieu de la fusillade (Irtish Times) ; arrestation du tireur (Kurir)

Ce domino s'il n'est pas le premier à tomber va accélérer la chute des suivants dans une nouvelle furia meurtrière. 1 semaine plus tard, Jovan Klisic, un monténégrin de 28 ans, est tué dans une fusillade dans le restaurant Savoy à Bar et Velizar Gardasevic blessé. Klisic bien que mortellement touché a tenté de fuir en voiture mais il a embouti plusieurs sur un parking. Tous deux sont des criminels locaux bien connus. Klisic avait été libéré en août dernier. Il avait été membre du clan d'Asmin Osmanagic jusqu'à son meurtre en 2014 qui aurait été ordonné par Luka Djurovic. Cet assassinat pourrait être lié à la fusillade à Amsterdam qui a visé Jovan Djurovic, le frère de Luka. Klisic était une personne proche des leaders du clan Kavacki. 
Gardasevic lui avait déjà été visé par des tirs en août déjà dans le restaurant Savoy. Dans cette affaire 6 personnes ont été arrêté, notamment Rozajac H.K., un natif de Podgorica V.K. et un employé de pizzeria de Podgorica Z.M.D.
Il a été soupçonné en 2015 d'une tentative d'extorsion de 205 000 euros avec des membres du clan Zagorje. Des proches d'Alan Kozar boss intérimaire du clan Zemun sont interrogés sur le meurtre.

Grèce ou Slovénie ?

Début novembre, Milan Tishma, un citoyen monténégrin est arrêté à Athènes en compagnie de 2 albanais, 800 000 euros et 105 kilos de cocaïne dans un appartement d'Agios Dimitrios. Tishma est un proche de Jovan Djurovic, récemment visé par des tirs à Amsterdam. Athènes est une destination de choix pour les Skaljarski qui en ont fait une base opérante à travers le port du Pirée, depuis toujours voie d'entrée de toute sortes de contrebande.
Si les Skaljarski privilégie la Grèce, les rivaux, eut, ont jeté leur dévolu sur la Slovénie. Opérant dans le trafic de drogue, le blanchiment mais aussi les faux papiers, le réseau va faire gonfler les chiffres des saisies sur le territoire de ce petit pays bien peu habitués à de tels entrismes mafieux bien que voisin de mastodontes du crime balkaniques.
Fin octobre 2019 les autorités découvrent un container avec 730 kilos d’héroïne pure dans le port de Koper. La cargaison venue d'Iran, cachée dans des rouleaux de papier d’aluminium, était destinée à la Hongrie. Il s'agit de la saisie la plus importante dans l'histoire du pays. L'année dernière, la police a traité 1 390 infractions pénales et 4 558 infractions liées à la drogue, et au 11 novembre de cette année on en était à 1 053 infractions pénales et 3 292 infractions. 

Ce n'est pas totalement un hasard si une des victimes des folies d'automne de la Costa del Sol s'avère être un slovène de 20 ans, David Solaj (Solaja). Déjà connu de la police malgré son jeune âge, il a été retrouvé abattu sur une plage entre Mijas et Fuengirola. La victime qui pesait 170 kilos a été tué d'au moins 7 balles de semi-automatiques. A l'âge de 17 ans, il avait été arrêté pour son implication dans le trafic de drogue au sein d'un groupe criminel de 28 membres de 11 pays, qui transportait en camion des drogues d'Espagne et d'Italie vers l'Europe du Nord et en Scandinavie. Son père était le propriétaire d'une entreprise de transports, la Phoenix. Plusieurs de ses camions avaient été modifiés et les remorques possédaient un double fond. A l'époque la police avait saisie plus de 875 kilos de drogues diverses  David accompagnait souvent certains chauffeurs dans leurs tournées et il aimait à s'exhiber avec sa Mercedes GLE de 80 000 euros sur les réseaux sociaux. Après quelques mois dans un centre pour mineurs il est libéré. Il était encore en attente de son procès. Exerçant lui même ce métier de routier, il a pu être victime d'un vol de drogue.

Le Pirée (journal de ma marine marchande)

Le Pirée (journal de ma marine marchande)

Les monténégrins eux aussi malgré leur relative discrétion jusque là en Slovénie, vont finir par se signaler aussi par la violence armée. Ainsi le 15 novembre, Danijel Bozic, 35 ans, membre du clan Kavac est exécuté dans une forêt près de Kranj. Son corps ne sera retrouvé que début décembre mais il s'agirait là d'une purge interne après la disparition d'un lot de cocaïne d'une valeur de 2 millions d'euros qui se trouvait sous la surveillance du groupe de Zarko Tasanovic, leader de la «faction slovène» des Kavacki dont faisait partie Bozic. 
La même fin aurait pu arriver aussi à Zarko mais ce dernier a bénéficié d'un énorme coup de chance. Alors qu'une équipe de tueurs se préparaient à l'enlever et à l'abattre, probablement avec le même modus operandi que Bozic, la police est intervenue et a pu interpeller le commando. La réaction très prompte des policiers n'est pas du au hasard mais à la surveillance active du service des stups local qui planquaient devant le domicile de Zarko. Les agents ont donc observer le manège qui se préparaient et ont pu agir en conséquence.

Si les 2 clans ne sont pas les seuls réseaux de trafiquants, leurs homologues ne connaissent guère de réussite dans leur entreprise laissant place nette aux «Kotoriens» qui malgré la guerre continuer à se remplir les poches.
Peut-on parler de la pénible tentative de trafiquants indépendants qui fin août ont vu toute leur bande finir en calèche après la saisie de 18 malheureux kilos de cocaïne en provenance de Carthagène (Colombie) ? Ces affidés du clan Tivat dont seuls les leaders Danilo Djurovic et Dragan Miletic ont échappé à l'arrestation n'ont pas su profiter de l'aubaine de se distinguer.

La poudrière du Monténégro partie 8

Un autre réseau serbe basé en Afrique du Sud connaît lui de gros souci avec leurs partenaires bulgares. 
Le 19 novembre, Goran «Trta» Relic, un cinquantenaire serbe originaire de Zemun, est tué à Johannesburg dans son garage automobile. 
Il vivait sous une fausse identité car il était recherché par la Serbie pour son implication dans l'assassinat de Zvonko Pilcevic en 2009. Trta et un complice sont soupçonnés d'avoir battu à mort la victime pour une dette d'1 million d'euros. 
Quelques semaines plus tôt, on a retrouvé un homme mort de 14 balles dans un fossé de la route A-7176, qui relie Marbella à Istán en Espagne. La victime âgée de 43 ans, était de nationalité bulgare. Lui et sa femme vivaient en Espagne depuis trois mois après avoir séjourné en Afrique du Sud. Le profil de la victime était capitaine d'un navire marchand qui aurait perdu une grande quantité de cocaïne.
La voiture de la victime est retrouvée en Allemagne 10 jours plus tard. Du sang y a été retrouvé malgré le fait que la voiture a été nettoyée Et il s'est avéré que 5,6 kilos de cocaïne se seraient trouvé dans une zone cachée de la voiture. 

Vol de cocaïne

Y a-t-il un lien entre les 2 crimes ? On l'a vu dans les épisodes précédents (et aussi dans l'affaire Darmanovic) plusieurs serbes ont perdu la vie dans des fusillades dans la région de Johannesbourg et cela pourrait être lié à un conflit entre narcos serbes et bulgares après un ripdeal (vol) d'une cargaison de drogue. En avril dernier Ivan «Zuce» Djordjevic était abattu à Johannesbourg alors qu'il descendait de son véhicule blindé. Les tireurs étaient deux et ils sont arrivés dans une voiture qui s'est rangé en travers de la route pour empêcher Djordjevic de repartir. Les balles n'ont pas traversé le blindage mais la victime a tenté de fuir, peine perdue. La voiture des assassins a été retrouvée incendiée quelques kilomètres plus loin. 
Ivan  originaire de Belgrade avait été blessé dans une tentative d'assassinat en septembre 2017. A l'époque on a dit que le règlement de comptes était lié au vol de 20 kilos de cocaïne en Bulgarie, œuvre d'un proche associé de Djordjevic. Les associés bulgares de Djordjevic auraient dès lors tenté de se venger en l'éliminant. Milan Duricic aurait lui aussi été victime des bulgares. Le 15 octobre 2018 un de ses proches associés Rade Dragojevic avait été blessé par balles dans une station service de Johannesbourg. Djordjevic avait aussi été un proche de Dobrosav Gavric, condamné pour le meurtre en 2000 du "parrain" Zeljko "Arkan" Raznatovic, et depuis 2007 caché en Afrique du Sud.

En décembre, c'est un autre réseau d’importation de cocaïne basé en Macédoine qui est démantelé à Alcalá de Henares dans la région de Madrid. Une zone où la densité criminelle n'a rien à envier à la Costa del Sol. L'opération «Colibri» avait démarré en juillet au moment où le réseau organisait l'envoi d'un nouveau chargement depuis la Colombie par bateau, 700 kilos de cocaïne.
Un capitaine corruptible pour la somme rondelette de 850 000 euros a acheminé la marchandise. Livrée ensuite à Madrid et placée dans un entrepôt. C'est là qu'intervient Vojislav B. qui avec son frère vivant en Espagne était chargé de distribuer la drogue. Vojislav est le mari de l'actrice Silvia Stojanovska, qui a assuré le soutien logistique du réseau. Après que tous les détails ont été convenus début décembre, Silvia a réservé un appartement à Madrid avec sa propre carte de crédit au nom du frère de Vojislav chargé du deal . Ce dernier se fera cueillir avec les deux hommes de mains espagnols alors qu'il allait récupérer récupérer la came. On recherche toujours un grec et un turc. Vojislav avait déjà été arrêté en 2010 pour trafic international de drogue en lien avec Persida Momirovska aka «Madame Pepi» en possession d'un stock de cocaïne d'une valeur de 200 000 euros, livré par avion depuis le Pérou via Francfort puis Skopje.

Goran Relic (Telegraf)

Goran Relic (Telegraf)

La capacité des mafieux des Balkans à se déplacer partout en Europe n'en finit plus de «fasciner» les observateurs avisés mais surtout à agacer les services de police. S'il n'y avait pas de mystères quand au modus operandi et l'utilisation massives de faux passeports. Fin novembre, après un an d'enquête en Croatie, les autorités de plusieurs services des Balkans ont enfin mis hors d'état de nuire un des plus importants réseaux de falsificateurs de passeports.

Une trentaine de personnes ont été arrêtées en Croatie pour avoir fourni des centaines de faux passeports à des dizaines de criminels des Balkans dont les clans Skaljarski et Zemun. Il s'agissait de deux groupes distincts, le premier dirigé par Nusrest Seferovic, 49 ans, président du Conseil des associations roms de Croatie. Il utilisait les services d'une policière Senka Staroveski ancienne porte-parole du service des relations publiques de la police de Karlovac qui obtenait des informations par le biais d'autres policiers. Le couple Romeo et Ankica Demirovic jouait ensuite les intermédiaires avec Seferovic. Igor Dedovic et Jovica Vukotic leader du clan Skaljarski auraient bénéficié de leurs services.
A la tête du 2ème groupe, Nikola Vein, 47 ans. En 2006, il était soupçonné d'avoir tenté de commettre une attaque terroriste avec un engin explosif, mais il a été libéré lors du procès. Lui et son équipe ont réussi à produire environ 140 passeports et cartes d'identités. Vein a acheté à des personnes qui avaient la double nationalité, croate et serbe, leurs identités, et les a utilisé pour obtenir des documents personnels croates. Mis sous surveillance les policiers ont pu enregistrer plusieurs conversations téléphoniques entre Vein et plusieurs clients au riche passé criminel.
Parmi eux, Stevan Agbaba, 36 ans, arrêté en Angleterre sous le faux nom d'Alekandar Uljarevic et condamné à 12 ans pour 22 kilos de cocaïne. Il dirigeait la sécurité de plusieurs bars de Novi Sad. 
On compte aussi Dragan Perurica, un des associés les plus proches de Jovica Vukotic qui avait participé à la réunion du clan à Zlatibor en 2014 lorsqu'il a été décidé d'éliminer les rivaux «de l'autre côté de la montagne». Un autre serbe recherché en Allemagne, Hamza Cvetanov, a bénéficié d'un passeport croate au nom de Marko Mikulic. Le trafiquant monténégrin Boris Laban, recherché en Italie, a reçu la nationalité serbe de Radomir Perencevic. Darko Giljaca, 42 ans, recherché pour contrebande de 840 kilos de cocaïne en 2018 au Portugal a reçu son passeport croate en novembre 2019.  (Kurir - Blic)

L'année a été chargée mais la suivante sera encore plus meurtrière. Situation explosive plus que jamais, même en prison. Au centre pénitentiaire de Spuz au Monténégro, Les belligérants des deux entités se toisent et se défient continuellement. Slobodan Cascelan fondateur et figure sigillaire  du clan Kavacki, de retour par la case prison pour soupçon de blanchiment, est même agressé et blessé dans une attaque courant octobre. 
L'affaire est prise très au sérieux par les autorités judiciaires et ce manquement à la sécurité du détenu va coûter sa place au directeur de la prison Darko Vukcevic. C'est Jovan Vukotic, le "dernier leader" du clan Skaljarski qui devrait bientôt être extradé vers le Monténégro depuis la Serbie pour finir sa peine de 15 mois pour utilisation de faux passeports. En Serbie il a été visé par une tentative d''assassinat orchestré par les Kavacki. Ces derniers auraient tenté d'empoisonner les repas que sa femme lui apportait en prison car Jovan avait justement peur de manger la nourriture carcérale de peur d'être empoisonné. Plusieurs faux policiers ont intercepté Masa M., la compagne du boss pour tenter de s'emparer du repas qu'elle récupérait d'un restaurant. Mais ce jour-là elle ne l'avait pas sur elle. Méfiante elle a signalé l'histoire aux autorités et les hommes ont été arrêtés. 
A la mi-décembre Slobodan est de nouveau, sous caution cette fois, pour une somme de 501 700 euros (en biens immobiliers) et 5000 (en espèces). Il lui a été intimé l'ordre de ne pas quitter la région de Kotor mais le bonhomme n'est pas du genre à suivre les ordres.

 

Suite...

Sources : Blic ; Kurir ; crimorg.com ; Vijesti ; Novosti ; 

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